La Revue « Le Tryptique ». Dossier N°3: » Rosny Ainé, Poète des Fins De L’Humanité »

Avec ce nouvel article signé du toujours prolifique Jean Cabanel et paru dans le numéro 131 de la revue « Le Tryptique », c'est à nouveau un vibrant hommage à ces écrivains de l'imaginaire, pères fondateurs du « merveilleux scientifique », qui vient ainsi d'être rendu. La particularité de ce journaliste à la plume acerbe et bien trempée, est d'avoir en l'occurrence rencontré Rosny Ainé de son vivant, d'avoir été un de ses contemporains et d'en parler avec je pense, la plus grande des objectivités. Si le critique met en doute les qualités de certains romans de Rosny Ainé, ce qui me parait assez légitime en raison de la grande production de l'auteur, il ne tari par contre pas d'éloges pour toute la partie « extraordinaire », en vantant des œuvres phares comme « Les Xipéhuz » ou « La mort de la terre ».

Cette mise en revue de la carrière de l'écrivain, met ainsi le doigt sur une partie difficile de sa vie où Rosny semblait avoir quelques difficultés financières car ne bénéficiant pas semble t-il, de toute la renommée nécessaire à alimenter la marmite. Une révélation incroyable lorsque l'on sait tout le génie littéraire et la grande hardiesse des thématiques utilisées par cet admirable écrivain. Visiblement, encore un de ceux qui ne furent pas reconnus de leur vivant et il n'était que justice de lui rendre ainsi hommage et de lui rendre, par l'article de Jean Cabanel et par cette mise en ligne, un hommage supplémentaire et de conseiller vivement la lecture de son œuvre conjecturale, à tous les lecteurs qui ne se seraient pas encore adonnés à la lecture de son œuvre inventive, poétique et bien souvent dramatiquement désespérée. L'homme n'est que de passage, n'est qu'une étape dans le tourbillon puissant et inexorable de la vie !

J.H.Rosny Ainé


Mort, J.H. Rosny aîné ? Mort ? Voilà qui est difficile à concevoir. Mort, celui qui a écrit le roman de la préhistoire et que son goût pour l'anticipation a conduit à décrire les derniers jours de la Terre ? Il semblait que ce mage, cette espèce de grand Tibétain voûté, cet Assuérus des faubourgs de l'Univers ne devait mourir qu'avec la matière même du monde dont sa substance était faite. Il avait depuis quelques années renoncé au prodige facile de sa barbe de houille et ce grand vieillard blanc semblait, non pas défier le Temps, mais être secrètement à sa mesure. Compère et compagnon. Les mondes pouvaient se défaire, les siècles pouvaient accumuler les cataclysmes, J. H. Rosny aîné se contentait de changer de couleur. On pouvait aussi bien imaginer un Rosny Vert comme un gazon anglais aux temps tragiques où, suivant l'image du poète, l'absence aurait «pris la place des choses».

 

Mort, J.H. Rosny ? Mort, vraiment ? Entre- nous, j'ai bien l'impression que cette sorte d'anticipation ne présage rien de bon pour notre planète. S'il a vraiment disparu celui qui était si visiblement en accord avec la Terre c'est que notre petit Univers n'en a plus pour bien longtemps. Qui nous dit, d'ailleurs, que ces énergies obscures qui favorisaient le règne minéral, artisan de l'anéantissement des hommes, des bêtes et des plantes, n'ont pas commencé leur oeuvre et que l'accumulation dans le monde entier des monstrueuses masses d'aciers et de ferrailles fiévreusement forgées et hâtivement rassemblées ne constituent pas à hâter la venue des fameux Ferro-magnétaux qui, parait-il, doivent présider à la mort de la Terre ? J.H. Rosny, connaissait bien leur pouvoir s'est sans doute sacrifié volontairement par voie d'euthanasie, et sa disparition doit être à plus d'un titre considérée comme le suprême avertissement.

 

Sous son aspect proprement humain il fut l'extraordinaire exemple d'un écrivain étoffé par ses dons et qui, ayant écrit plus de soixante volumes dont plusieurs auraient suffi à soi seul à faire la gloire d'un écrivain, n'a cependant pas tenu durant sa longue vie la place qui lui était promise. Soixante volumes. Des romans sociaux, des romans psychologiques, des études de moeurs, des romans préhistoriques, des romans d'aventures, des romans spirites, des études philosophiques, des contes et des nouvelles. Il a été tenté par tous les genres. Il a réussi dans tous. Tout le monde connaît au moins de nom, « Nell-Horn », « Marthe Baraquin », « Les Xipéhuz », « Le Bilatéral », « La Vague Rouge », « Vamireh », « La Guerre du Feu », « Le Félin Géant », « Daniel Valgraive », « La Mort de la Terre ». Or, à 84 ans, auteur de tant d'ouvrages, président de l'Académie Goncourt, J.H. Rosny aîné, meurt pauvre. Ces dernières années l'Etat, qui cependant n'en a guère l'habitude, s'était débrouillé pour lui faire une petite pension. On peut penser d'ailleurs que si, de même que les Goncourt, il eût possédé une certaine aisance, ou comme si Zola, il eût pu gagner de l'argent avec ses livres – n'est-il pas stupéfiant de voir que « les Xipéhuz » n'en sont aujourd'hui qu'à leur cinquième édition ? – son oeuvre eût gagné en qualité, car le souci du pain quotidien amène parfois les plus grands à ces besognes alimentaires qui finissent par gâcher le meilleur. Dans « Le Termite », roman de moeurs littéraires paru en 1890, où J. H. Rosny fait apparaître les hommes de l'école réaliste, le principal personnage, Servaise, s'écrie : «Ah ! Le livre qui me donnerait l'estime lettrée et le pain ensemble». Mais aussitôt après, fièrement, il ajoute : «Quelle blague ?... Le pain, c'est la prostitution !» Encore faut-il pouvoir être fier, et aussi ne pas trop vieillir. Laissons donc les livres médiocres, de J.H. Rosny. Dans cette production considérable, abandonnons le déchet. Le bonhomme juché sur 5 ou 6 livres est encore assez grand pour dépasser de cent, de mille coudées ces génies saisonniers qui hier encore poussaient comme champignon certaines nuits d'octobre chez des éditeurs à la page.

 

Lui a-t-il manqué à ce Rosny aîné pour s'assurer une gloire indiscutée ? Il y eu cependant un magnifique départ littéraire, avec « Nell-Horn », « Le Bilatéral », « Marc Fane ». Un départ comme celui dont bénéficia Paul Adam. Or, il est aussi difficile aujourd'hui de relire le « Mystère des Foules » ou « Les Lions que de relire « Le Bilatéral » ou « Marc Fane » alors que « Germinal », « La Bête Humaine », « Pot- Bouille » et tant d'autres livres de Zola se relisent sans peine. Et cela tient sans aucun doute à l'écriture.

 

Influencé à la fois par Concourt et par Zola au début de sa vie littéraire, Rosny aîné s'est laissé prendre au truc de l'écriture artiste et, dans son oeuvre violente et passionnée, on est souvent rebuté, fatigué par un style encombré, un vocabulaire démode qui pourrait figurer au Petit Glossaire de Plowert. Dans « Le Termite », qui est de 1890, Rosny se pose déjà la question. Il s'imagine sous le nom de Myron, jeune auteur des « Emeutiers » {Le Bilatéral) recevant les compliments de Foubreuse (Goncourt) : «J'ai lu vos Emeutiers, Myron, je suis de l'avis de Guadet (Daudet). C'est très fort. Mais vous exagérez la description et puis, ces termes... J'en arrive à ma demander si je n'ai pas abusé de l'écriture, si le talent suprême ne serait pas d'écrire très simplement des choses compliquées». Et le jeune disciple discute : «Pardon, cher maître... mais vraiment, vous y croyez à ce fameux simple ? N'admettez-vous plus (comme dans vos préfaces) qu'à de nouveaux ordres de sensations correspondent des torsions nouvelles de la forme, des attitudes de phrases, et que la langue qui exprime en somme des vies d'époque, qui est une sécrétion d'êtres organisés, se complique avec la complication même de ceux qui s'en servent pour transporter leur être au dehors.»

 

(Grand merci pour «les torsions nouvelles de la forme !») Et Myron-Rosny continue : «Cher maître... je vous défends contre vous-même lorsque je dis que, dans une vingtaine d'années, votre langue sera classique et qu'il y à toute une série de sensations propres à notre temps dont vous avez trouvé la forme rigoureuse, presque la seule forme possible». Or, la langue des Goncourt n'est pas plus classique en 1940 qu'elle ne l'était en 1910, terme fixé par le jeune Myron. On relit difficilement Manette Salomon, Charles Demailly et Renée Mauperin alors que la langue d'un Maupassant, d'un Flaubert et même d'un Zola qui n'a jamais subi le supplice de la torsion reste aujourd'hui ce qu'elle fut toujours : classique.

 

Mais écoutons encore l'impétueux Myron auquel le maître vient de répondre qu'il y a une limite et que certains termes scientifiques «tuent net l'impression» : «Termes de science ou d'architecture, physique ou peinture, qu'importe ! C'est le même procédé à travers les siècles... Enrichissement de l'art de tout ce que produit le temps... Elargir les éléments de beauté en les cherchant dans tous les domaines de l'activité humaine...»

Tout Rosny est là. Tumultueux et visionnaire, cet écrivain ne pouvait arriver à s'évanouir devant les japoneries des patrons, encore moins à s'intéresser aux moeurs et aux modes du XVIIlème siècle. Le grouillement des grandes cités humaines et bientôt le grouillement des mondes eux-mêmes, leur naissance et leur mort c'était cela son aliment. Et les mots allaient éclater au contact du sujet. La qualité d'un écrivain comme Rosny aîné c'est le sentiment de sa grandeur.

Alors que tous ses compagnons de l'école symboliste et naturaliste Zola excepté, avaient surtout la préoccupation de réduire leur champs de vision et d'humilier leur sujet, la tendance naturelle de Rosny est vraiment la magnificence. C'est un romantique et l'image poétique lui vient avant tout autre. Le contraste avec Huysmans est frappant. Voyez l'oncle de Marc Fane examiner une tranche de pain. «... des pertuis, des petites fossettes ovalaires, des abîmes irréguliers, un tunnel, une caverne en dôme, aux murailles d'ivoire, où parfois se profilait une stalactite capillaire. – C'est, dit l'oncle, tout le travail d'un monde, un système de cavités opéré par l'expansion vigoureuse du gaz intérieur... alors que la pâte était molle encore... une origine analogue à celle de notre croûte terrestre, en somme... Rêveur une minute devant la petite table carrée et blanche, l'expression de son regard était belle et paisible. Il déposa la tranche, prit le grand pain long, intéressé candidement. La croûte était vernie, quasi couleur de vieille paille, et sur cette attrayante surface, l'idée d'un monde se pouvait poursuivre. Vais âpres, ravins dominés de rocs, escalades de ponts frêles et les arêtes brunes d'un versant, descendant, remontant, étageant des chaînes de pics. De la lame large de son couteau, l'oncle coupa d'autres tranches, saisit une motte de beurre semblable, par le ton et la reluisance, aux pétarade d'une populage et il confectionna, pour chacun, le dessert, fosses, abîmes, cavernes disparurent sous l'onctueux condiment...»

 

Que nous voilà loin de l'imagination morose devant son potage et son omelette ! De même qu'un morceau de pain évoque l'image d'un monde en formation, un paysage parisien peut se transformer en univers fantastique et dans telle description apparaîtront à la fois les qualités et les défauts d'un naturalisme romantique trop soumis au verbe rare : «Dans la taciturnité des rues, ils rôdèrent comme en un ravin de montagne. Les moires ombreuses du sol arrivaient de l'assèchement de quelques pavés en relief, pâles comme des vertèbres de mégalosaures échoués là depuis les âges.. Les petites mares chaviraient ainsi que de colossales prunelles carnassières. Les falaises crayeuses des maisons s'évaporaient tristement dans la ténèbre firmamentaire. Parmi des tulles, surgissaient deux ou trois astérismes hydratés, aux lueurs rajeunies. Honoré levait les yeux, avec l'amour des luminosités nébulaires de certaines fenêtres d'où semblaient sourdre un chuchotement de béatitude, des voluptés de refuges effarés du sombre de telle façade, un noir de sépulcre de sommeils profonds, presque mortuaires...» Disons-le tout net, c'est un «style»insupportable et nous avons soif de simplicité. Mais cet exemple nous fait toucher du doigt la source de l'imagination d'un Rosny-aîné qui voit tout sous l'angle cosmogonique. Chez les humains il s'intéresse à ceux qui veulent détruire ou reconstruire le monde social. Une société n'est-elle pas faite de tâtonnements et d'évolutions obscures; n'a-t-elle pas besoin pour son développement de la fermentation des idées comme la terre elle- même a besoin de la fermentation de la matière ? Ainsi le réalisme d'un Rosny est toujours imprégné de rêves et souvent submergé par le rêve, la science chez lui, contrairement à Zola, est une passion poétique. Il l'a dit lui-même : «La science m'ouvre par myriades des défilés ou des pertuis dans l'univers; elle ne m'apparaît jamais morte ce sont les possibles de la science qui me saisissent et sont la pâture de mes chimères, comme les faits de l'histoire et de la vie quotidienne». En somme une tête philosophique et épique en même temps. Et c'est pourquoi le romancier de « Nell-Horn », ce chef d'oeuvre, qui est aussi l'auteur d'une théorie du pluralisme, soeur des «hypothèses» d'Henri Poincaré et des «hasards» d'Emile Borel, sachant les humains de notre temps vraiment trop veules, se réfugie voluptueusement dans les temps préhistoriques où l'iguanodon et le plésiosaure se traînaient dans les campagnes lavées par les mers, et dans les temps futurs où la disparition des eaux : mers, lacs et fleuves annonce cet âge purement minéral où ni l'homme ni la bête n'auront plus leur place.

Je ne sais si aucune oeuvre de littérature du merveilleux, que ce soit celle de Wells, celle de Maurice Renard ou celle de Gustave Le Rouge, est comparable à ces « Xipéhuz » qu'écrivit au début de sa vie littéraire, comme en se jouant, J.H. Rosny aîné. Poétiquement parlant, ce petit livre domine certainement tous ceux qui ont été écrits depuis. On est allé jusqu'à dire que l'auteur de « La Guerre des Mondes » s'était inspiré des « Xipéhuz » et du « Cataclysme ». Très loyalement J.H. Rosny a tenu à remettre les choses au point : «Je suis enclin à croire» a-t-il écrit «que Wells n'a lu aucune de mes oeuvres. La notoriété des « Xipéhuz » de « La légende sceptique », du « Cataclysme », etc... était négligeable à l'époque où il se mit à écrire. Et quand il aurait lu mes modestes livres, je nierais tout de même qu'il en eût subi l'influence : « La guerre des mondes » et « L'ile du Docteur Moreau » sont des oeuvres originales, qu'il faut admirer sans réserve. D'ailleurs, il y a une différence fondamentale entre Wells et moi dans la manière de construire des êtres inédits. Wells préfère des vivants qui offrent encore une grande analogie avec ceux que nous connaissons, tandis que j'imagine volontiers des créatures ou minérales, comme dans les « Xipéhuz », ou faites d'une autre matière que « Notre » matière, ou encore existant dans un monde régi par d'autres énergies que les nôtres : les Ferro-magnétaux, qui apparaissent épisodiquement dans « La mort de la terre », appartiennent à l'une de ces trois catégories».

 

Ce qu'il convient d'ajouter à cette mise au point c'est que, contrairement à Wells et à ceux qui se sont, comme Maurice Renard inspiré de son merveilleux scientifique, il n'y a pas, dans le merveilleux de J.H. Rosny, place pour l'humour. Les choses sont prises, ou semblent prises fort au sérieux et le secret de ce sérieux c'est qu'elles demeurent toujours sur le plan poétique. Au fantastique de « L'Homme Invisible », se mêle quelques côtés grotesques parce que le merveilleux tente de s'inscrire dans l'humain et dans le social. L'homme qui a réussi à devenir invisible ne l'est totalement que lorsqu'il est nu. Or, dans ce costume il attrape un rhume et sa toux révèle sa présence. Et s'il enfile un pantalon on voit ce vêtement marcher comme un homme. De même l'Ange de « La Merveilleuse Visite » semblera bossu parce qu'il aura beaucoup de mal à dissimiler ses ailes sous son veston. Le merveilleux scientifique de Wells comporte en lui-même une critique du merveilleux. Voyez quelle bonne farce, semble dire Wells en allant volontairement jusqu'à l'extrême logique de son invention. J. H. Rosny se soucie peu de la logique, et prudemment il écarte tout le bric à brac dont s'encombre le réalisme de Wells pour s'en tenir à la poésie. Wells pourrait être illustré par une sorte de Robida. Et voyez ce film si habilement tiré de « L'Homme Invisible ». C'est une bande comique.

 

Le meilleur de cette horrible histoire, le meilleur de ce conte philosophique y fait défaut malgré l'admirable trucage. Je défie bien quiconque de tirer un bon film des « Xipéhuz » ou de « La Mort de la Terre. Dans le premier récit il s'agit de la lutte que les hommes curent à mener dans l'origine des temps pour obtenir la suprématie terrestre contre une race d'êtres géométriques acharnés à détruire tous les êtres vivants indistinctement. Dans « La Mort de la Terre » nous voyons les derniers hommes parqués dans quelques oasis distants entre eux de milliers de kilomètres et victimes du manque d'eau, luttant pied à pied contre le désastre, mais finissant épuisés par céder la place aux ferro-magnétaux. Le minéral vaincu pendant des millions d'années par la plante et la bête prend ainsi une revanche définitive. Les ferro-magnétaux, de même que les Xipéhuz, sont d'ailleurs des êtres organises dont la composition simpliste n'admet qu'une substance : le fer, mais dont l'état magnétique est d'une complication et d'une instabilité continuelles. Le voisinage de ces êtres qui se meuvent avec lenteur tend à détruire le sang des humains en lui enlevant ses globules rouges qui, réduits à l'état d'hémoglobine pure, s'accumulent à la surface de l'épiderme et sont ensuite attirés vers les ferro- magnétaux qui les décomposent et «vraisemblablement» les assimilent. Mais la plus grande ennemie de l'homme c'est la sécheresse; l'eau au cours d'effroyables cataclysmes a disparu de l'écorce terrestre, les dernières sources se tarissent, s'obstruent et l'heure de la mort s'inscrit au niveau des grands réservoirs, eux-mêmes un jour renversés par une secousse sismique. Targ est le dernier homme sur la terre et il va mourir :

 

«Assis sur un bloc de porphyre, il demeura enseveli dans sa tristesse et dans son rêve. Il refaisait une fois encore, le grand voyage vers l'amont des temps, qui avait si ardemment exalté son âme... Et, d'abord, il revit la mer primitive, tiède encore, où la vie foisonnait, inconsciente et insensible. Puis vinrent les créatures aveugles et sourdes, extraordinaires d'énergie et d'une fécondité sans borne. La vision naquit, la divine lumière créa ses temples minuscules; les êtres nés du soleil connurent son existence. Et la terre ferme apparut. Les peuples de l'eau s'y répandirent, vagues, confus et taciturnes.... Puis la planète laissa prospérer l'homme : sont règne fut le plus féroce, le plus puissant et le dernier. Il fut le destructeur prodigieux de la vie. Les forêts moururent et leurs hôtes sans nombre, toute bête fut exterminée ou avilie. Il y eu un temps où les énergies subtiles et les minéraux obscurs semblèrent eux-mêmes esclaves; le vainqueur capta jusqu'à la force mystérieuse qui a assemblé les atomes... La nuit venait. Le firmament montra ses feux charmants qu'avaient connus les yeux de trillions d'hommes. Il ne restait que deux yeux pour les contempler !... Targ dénombra ceux qu'il avait préférés aux autres, puis il vit encore se lever l'astre ruineux, l'astre troué, argentin et légendaire, vers lequel il leva ses mains tristes... Il eut un dernier sanglot; la mort entra dans son coeur et, se refusant l'euthanasie, il sortit des ruines, il alla s'étendre dans l'oasis, parmi les ferro-magnétaux... Ensuite, humblement, quelques parcelles de la dernière vie humaine entrèrent dans la vie nouvelle».

 

Voilà, où je me trompe fort, de la véritable grandeur. Cet acharnement à «faire grand» devait être d'ailleurs scandaleusement entravé par le déplorable insuccès de librairie des oeuvres véritablement puissantes de cet écrivain. « Nell- Horn » lui avait je crois dans ces débuts rapporté deux cent cinquante francs. Sa noblesse, sa grandeur furent trop souvent étouffées par la copie, hideuse et dévorante viorgne et cependant les jours sombres de ses débuts qui se confondirent avec le crépuscule d'une gloire sans lecteurs le trouvèrent sans amertume. Dans ses souvenirs, il a écrit : «Je ne regrette pas d'avoir connu ces jours noirs; ils donnent à la vie une âpre poésie et une signification si intense que je me demande parfois si ceux qui subissent jamais la misère peuvent réellement connaître ce qu'il y a d'essentiel dans l'âme». Et il ajoute : «Comme un autre, j'ai connu l'illusion de la gloire et de la postérité. Pas longtemps. Non que je manquasse d'orgueil ni même de vanité : la nature m'a bien pourvu de ces dons naturels à l'homme de lettres. Seulement mon orgueil et ma vanité n'existent que devant les individus. Je suis modeste, même fort humble non seulement devant la nature, mais encore devant les ensembles sociaux». Voilà donc un sage et cet écrivain qui n'a jamais connu le découragement, n'a jamais envié ceux de ses confrères qui se trouvaient à l'abri du besoin.

 

Chez lui, une opiniâtreté extraordinaire l'a maintenu debout au milieu des désastres. Tel il m'est apparu quand il y a dix ans, je suis allé le voir rue de Rennes et qu'il me faisait le coup de la chaise tenue à bout de bras, tel il est toujours demeuré dans son métier d'homme de lettres. Son bras tremblait plus qu'il ne voulait le dire et la chaise n'était guère horizontale, mais il ne voulait pas s'avouer vaincu. J.H. Rosny l'acharné. Et les petites misères de la vie, la médiocre copie donnée de-ci de-là aux journaux, est-ce que cela comptait au prix de son rêve intérieur, au prix de cette vision du monde qui, pour n'être pas métaphysique, emplissait cependant son cerveau et faisait battre son coeur toujours aussi sensible à la chose vivante ! Ce coeur plus près d'ailleurs des bêtes que des hommes. Car ce n'est pas sans apparence de raison qu'Ernest Lajeunesse dans son si curieux livre de critique, Les Nuits, les Ennuis et les Ames de nos plus Notoires Contemporains, précurseur des pastiches de Reboux-Muller et Yves Gandon, a fait dialoguer J.H. Rosny avec un Mammouth venu lui rendre visite à Paris.

 

Visionnaire ! Mais il me semble que je le deviens.

Dans l'autre monde, Rosny aîné est reçu par Naoh, le fils du léopard, armé de son épieu flattant le poitrail étroit d'une hémione; les Mammouth font la haie d'honneur, dansant sur leurs pieds immenses et dressant leurs trompes velues semblable à des arbres-serpents; Aoûn à cheval sur le Félin géant salue son maître. Les «Anar» du Bilatéral donnant la main à la bienheureuse Nell- Horn et à sa ravissante fillette environnée de lumières, ont composé avec les Xipéhuz un joli compliment en espéranto.

 

J.H. Rosny aîné s'est avancé, une barbe de feu nouée à la ceinture, au bras de Targ le dernier homme dans un jaillissement d'écume. «Ami, s'est écrié J. H. Rosny aîné, je vous reconnais et vous allez m'être bien utile. Je viens me documenter sur l'Invisible et sur l'Au-Delà pour un grand roman post-historique que m'a commandé la maison Flammarion.»

 

Jean Cabanel

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