« Les Détectives De L’impossible » Dossier N° 2 Brice Flandre
Brice Flandre détective des ténèbres : « Le club des monstres »
de Jean-Pol Laselle. Revue « L'impossible » N° 10, Avril1972.Page 10 à 16.
A Glontiére, un petit village paisible de Sologne tout semble aller pour le mieux jusqu'au jour où l'on découvre dans la Sauldre, un cadavre horriblement mutilé. Face à l'impuissance de la police de Romorantin, Paris détache un de ses meilleurs agent : Hippolyte Gingembre !
Sur place il va découvrir toute la complexité de l'affaire car à l'examen de la victime, Philippe De Nouaille, on découvre qu'elle fut sauvagement déchiquetée par...un requin ! Le brave policier afin d'éviter un certain enlisement de l'enquête préfère contacter son ami, le célèbre détective Brice Flandre.
On accuse comme il se doit, les gens du voyage, un groupe de bohémiens qui se trouvaient à proximité fleuve. Mais les soupçons s'envolent très vite lorsque l'on va découvrir le corps de la seconde victime avec le torse complètement broyé. Visiblement il s'agit d'un redoutable serpent style Boa constrictor. Gingembre ne sait plus à quels saints se vouer, Flandre quand à lui semble dubitatif mais un léger sourire anime son visage plongé dans une réflexion intense.
L'identité du troisième assassin sera révélée en présence du détective et de son élève Michel Servin, Mic pour les intimes. A la stupéfaction générale, ils aperçoivent une ombre monstrueuse, la silhouette impressionnante d'un Minotaure. Il vient d'accomplir sa macabre besogne en trucident Edouard Vouplex, l'instituteur du village. Mais qu'el est le lien entre les trois victimes et qu'elle est l'origine de leurs mystérieux agresseurs ?
C'est bien évidemment Brice Flandre qui va faire la lumière sue cette incroyable aventure. Le comte Sosthéne de Nouaille, grand voyageur devant l'éternel, vient écouler des jours paisibles dans ce petit village de Sologne. A son arrivé, il tombe amoureux fou d'Hortense Aster. Mais celle-ci ne l'entend pas de la sorte, car libertine impénitente elle multiplie ses relations amoureuses avec d'autres habitants de la bourgade.
Sur l'île de Java le comte s'était passionné de sorcellerie chamanique et fort de ses connaissances, un redoutable projet fut mis sur pied. Avec l'aide d'un chaman, qu'il fit passer pour un domestique, il invita de façon régulière les amants d'Hortense. La table et la cave du comte étaient une aubaine pour eux et petit à petit il les amadoua, gagna leur confiance en les faisant même participer à des rites chamaniques. La technique, après les avoir plongés un état de transe avancé, consistait à faire croire à la victime qu'elle était devenue un animal sauvage. On affublait le sujet de peau, de cornes ou de crinière afin de faciliter la « métamorphose », créant ainsi un véritable « Club des monstres » « Le but du comte était de faire se tuer entre eux les amants pour bénéficier à lui seul d'Hortense Aster. Tout commença par la mort de son propre fils qu'il fit exécuter par le colonel Dargeaut qui, pour la circonstance, devint un squale mangeur d'hommes »
Le comte de Nouaille se suicidera lors de son transfert quand à sa femme, honteuse d'avoir assistée à toutes ses horreurs terminera ses jours dans un asile.
Brice Flandre, Détective des ténèbres : « L'homme aux yeux de porcelaine »
de Jean-Pol Laselle.Revue « L'impossible »du N° 12,juin 1972. Page 2 à 8.
C'est l'histoire de trois vieilles filles habitant la banlieue Parisienne et dont la tranquillité va être troublée par les méfaits d'une horrible créature dont les yeux ressemblent à des soucoupes de porcelaine. Régulièrement, malgré leur réputation de « vierges farouches » elles invitent à leur table, fort appréciée, un prétendant de la plus jeune des trois, Mr Zéphir Dussault horloger de son état et un autre convive, goûtant depuis à une retraite bien méritée, Kléber Mansart. Celui-ci travaillait comme ingénieur aux chantier de St Nazaire où il avait œuvré à la construction d'un sous-marin à l'efficacité particulièrement vantée : « L'espadon ». Mais un invité de dernière minute semble vouloir être de la fête, non pas pour savourer la délicieuse cuisine des sœurs Grongonville, mais pour une raison qui semble pour le moment des plus mystérieuses :
« Là, à un demi mètre au dessus de la verdure, s'estompait sur la nuit tout à fait tombée une silhouette blême de cauchemar où seuls des larges disque d'un bleu pale, figurant des yeux, apportaient un peu de couleur, mais une couleur inhumaine comme celle appartenant aux yeux d'un masque mortuaire millénaire. »
C'est notre dévoué « Gingembre » qui informera notre détective des ténèbres de cette singulière affaire. Le pavillon des trois dames n'est pas très loin et ils décident donc d'y aller jeter un œil.
En compagnie de son fidèle élève, ils ne peuvent que constater la véracité des faits, puisqu'ils vont être également les témoins de la mystérieuse apparition. Mic tente de tirer sur la créature, faisant fi du conseil de son « maître » lui ordonnant de tirer au niveau du ventre. Il faut dire que « l'homme aux yeux de porcelaine » est d'une taille peu banale.
Un autre soir de vieille, bien décidés à en « découdre » avec cette chose, les deux policiers organisent une nouvelle veille. Mais, stupéfaction, ce n'est pas un mais deux fantômes qui surgissent de la nuit. Visiblement un des deux est de trop et un formidable combat débute sous les yeux consternés des deux hommes. L'une d'elle qui semble blessée va prendre la fuite, aussitôt talonnée par les deux observateurs. Ils découvrent non sans un certain étonnement qu'elle va trouver refuge chez l'horloger Zéphir Dussaut. Il s'agit en fait d'un gigantesque automate, un habille assemblage de rouages et de pistons révélant tout le génie de l'horloger. Avant de mourir, blessé mortellement par une balle, il ne peut que regretter son échec face au formidable complot organisé par Apolline Grongonville.
Celle-ci était de mèche avec des espions d'une puissance étrangère et voyant tout le bénéfice qu'elle pouvait tirer des révélations de Mansart au sujet des caractéristiques de son fameux sous-marin, décida de passer à l'action. Elle savait que l'horloger et l'ingénieur avaient des discussions passionnées et grâce à la complicité d'un nain actionnant une gigantesque marionnette de métal léger et doté de puissants microphones à la place des yeux, elle fit les enregistrements de leurs nombreuses conversations. Zéphir se doutant de la chose et pour ne pas mettre la vie de sa bien aimée en danger, réalisa le projet audacieux de créer une seconde créature afin de contrecarrer l'originale et de dérouter les espions et les voir fuir à jamais.
La suite vous la connaissez. Apolline sera arrêtée à la frontière, le nain sera découvert assassiné, victime de ses complices qui vont sûrement réfléchir à deux fois avant de s'opposer au redoutable Brice Flandre.
Dans l'ombre de Harry Dickson
Voilà un personnage des plus singuliers et dont les aventures hélas, ne connurent pas de suites. D'après mes sources « Jean-Pol Lasselle » serait le pseudonyme de Brice Tarvel, qui participa à l'élaboration d'un autre chasseur de spectres « Kevin Rocamir »et « Max Cordelin ». Les heureux possesseur de la collection complète du « Fulmar »pourront suivre dans le numéro 6 « Les semeurs de cauchemars », ses formidables aventures.
Ma passion pour les « détectives de l'impossible » remonte à l'époque glorieuse où je m'étais embarqué sur cette vieille coque de noix, rencontrée au hasard de mes lectures. Le nom de ce rafiot était une telle source de légendes que je me suis laissé prendre au jeu, en passager docile et émerveillé sous le commandement de Pierre Charles, François Ducos, Gérard Dôle.....
J'achetai de façon régulière les quelques 80 pages reliées à la ficelle ou aux agrafes, textes ronéotypés, reproductions de photos ou de documents avec les moyens de l'époque. Tout cela sentait bon la passion et la volonté de faire découvrir des mondes insoupçonnés.
Et puis arrive le N° 11 talonné de prés par son petit frère le 12 et surprise, en première page on annonce un dossier spécial consacré aux détectives de l'incroyable. A l'époque on ne parlait pour ainsi dire pas de cette catégorie de chasseurs de monstres, bien sûr nous les avions déjà rencontrés au détour de nos lectures boulimiques, mais personne n'avait encore envisagé de leur consacrer un dossier spécial .Un recensement un peu chaotique, des infos que se croisent, des sources bibliographiques pas toujours précises, mais le savoir et la passion sont au rendez-vous. Sans contexte mon dossier préféré sur la totalité des numéros parus.
Voilà pour la petite histoire du Fulmar, nous aurons l'occasion d'y retourner plus tard lors d'un article que je compte lui accorder.
Mais revenons au sujet qui nous intéresse aujourd'hui et voyons un peu comment ce détective de l'impossible nous est présenté par l'auteur.
Si dans sa première aventure, les descriptions du personnage et de l'univers qui l'entoure sont relativement avare en détails, par contre dans le second texte, l'ambiance est bien en place et quoi de plus naturel, lorsque l'on se lance sur les traces de Harry Dickson, d'en retrouver les éléments les plus déterminants et visiblement, l'auteur ne cache pas toute l'admiration qu'il porte à Jean Raymond de Kremer.
Brice Flandre habite une maison sur le quai Saint Michel à Paris, fume une grosse pipe en bruyère et dans ses aventures est accompagné de son « fidèle élève » Michel Servin qui à l'image de Tom Wills, sera le compagnon de tous les dangers du maître détective. Le surintendant Goodfield, se retrouvera dans la peau d'un autre personnage tout aussi pittoresque, Hyppolite Gingembre qui, plutôt que de s'avouer vaincu fera appel à son ami de toujours afin de le tirer « d'affaires » assez complexes et notre bonne Mrs Crown, irremplaçable femme d'intérieur cédera son tablier à Mme Dupin.
Dans « L'homme aux yeux de porcelaine » on retrouve un peu toute la thématique chère à Jean Ray, avec une ambiance assez proche de l'univers qui le caractérise. Pour commencer les trois sœurs Grongoville, qui nous paraissent d'un abord relativement paisible mais dont l'une d'entre elle se révèle une redoutable espionne qui n'hésitera pas à trahir et à tuer pour arriver à ses fins. Elles évoluent dans un monde cossu, en dehors du temps et les repas qu'elles organisent rivalisent d'ingéniosité avec celle du maître Gantois :
« Potage de poisson,poivrade, radis au beurre, anchois, huîtres Portugaises, ortolans sur le plat,terrines de pâté de campagne,aloyaux braisé,salmis de pintade,truite à la crème, faisan rôtis,râble de lièvre en matelote,artichauts de Bretagne,salades et fromages. Pour le désert, outre un gâteau à la pistache phénoménal,une marmelade d'orange, des biscuits pralinés,des compotes et des fruits frais. L'ensemble fut arrosé des meilleurs vins de France et d'Espagne, et on terminera par des fruits à l'eau de vie et de précieuses liqueurs ».
La bonne cuisine tout comme le cadre de l'histoire, semble vouloir rassurer le lecteur et l'installer dans un monde douillet et confortable.
« Avec ses murs fraîchement crépis de couleur claire, son toit pourpre comme verni et ses volets verts, le home des vieilles filles faisait penser à quelque jouet neuf abandonné par un enfant distrait au milieu de la luxuriante végétation du jardin, sous la lumière de miel de ce beau mois de juin. Les fenêtres à petits carreaux sertis de plomb à la mode d'antan ajoutaient encore à cette impression de miniature qui émanait de cette coquette bâtisse, trop jolie pour être vraie. »
On nous endort, nous place dans un contexte rassurant avant de nous mettre en présence de l'irrationnel et du fantastique. Même si parfois, l'auteur abuse un peu trop de ces effets de style, pouvant rebuter le lecteur peu habitué à ce genre d'exercice, la lecture n'en reste pas moins toujours agréable. Ces petites manies de toute manière seront vite pardonnées face au contexte assez « extraordinaire » des histoires.
Il préférera par contre la solution d'un fantastique « expliqué », suggestion pour la première aventure, espionnage mâtiné de fantastique et de conjecture pour le second. Finalement le cadre de ces enquêtes est assez intemporel et elles pourraient être écrites dans les années 20 ou 30 comme dans les années 70 ou 2000. Je crois que c'est cela qui fait la force de ces deux textes, dans un style très « A la manière de... » Ainsi ils conservent toute leur force, leur originalité et nous prouvent tout l'amour et le respect que l'auteur portait à la littérature de genre !
« Les deux hommes pénétrèrent dans la boutique fleurant bon la myrrhe et l'huile pour mécanique de précision. Un rayon de lune filtrait en haut du rideau de fer et jetait dans le magasin une flaque lactescente qui permettait d'y voir à demi. C'était un curieux univers qui se révélait aux visiteurs nocturnes. Mille tic-tacs formaient un fond sonore lancinant qui semblait sourdre des coins d'ombre. Les yeux cyclopéens des carillons, des cartels, fixaient les intrus face une insistance malfaisante tandis que ceux plus petit des montres et des réveils épiaient plus sournoisement. Sur la droite, des rayonnages supportaient une théorie de bocaux de verre dans lesquels finissaient de sécher des plantes médicinales ressemblant à d'effrayantes petites momies ravagées ».
Je dois avouer mon penchant pour cette aventure, car la thématique de l'automate, que l'on rencontre non seulement chez Jean Ray mais également dans beaucoup de textes d'imagination scientifique, à quelque chose de mystérieux, de magique et d'effrayant à la fois. Dans cette folle course de l'homme à se vouloir l'égal de dieu et de créer un ersatz d'humanité, il y a quelque chose de terrible et de pathétique. La créature, le double qui dans « L'homme aux yeux de porcelaine » porte le nom tellement adorable de Gédéon, a quelque chose d'attachant et de profondément humain, peut-être en raison de ce pourquoi elle avait été conçue. Sinistre fin que la sienne « obligée » de disparaître car son créateur va mourir
« Vous avez raison Mr Flandre, Gédéon ne vous fera aucun mal. Probablement ne bougera-t-il même plus jamais car je vais mourir.... »
Triste fin pour une noble cause.
En tout cas, les titres de jean-pol Laselle sont des plus évocateurs, et il faut lui décerner une mention spéciale pour les noms pittoresques de ses personnages. A travers l'originalité de cette création, on sentait vraiment poindre sous sa plume féconde, les prémisses d'un formidable chasseur de fantômes.
Pour conclure, il faut noter que de mémoire je n'ai pas de souvenir où cette véritable fonction de « Détective des ténèbres » apparaisse dans des textes antérieurs et clairement écrite en tant que telle. Le sous-titre est des plus explicite et même si l'on retrouve ce genre de « spécialistes » dans des œuvres beaucoup plus anciennes, « Brice Flandre » se pose comme le précurseur d'un genre nouveau et qui auparavant n'avait jamais était défini et revendiqué de manière aussi explicite.
Pour cette raison, je trouve assez regrettable que ce dernier, ne figure pas dans le recensement effectué dans le volume consacré au colloque de Cerisy et dont le thème « Les détectives de l'étrange, domaine Francophone et expansions diverses ». Dans son « survol chronologique des œuvres de langue Française » l'auteur ne parle absolument pas de ce « détective de l'occulte » qui, à mon avis plus que le personnage de « Fascinax » (que j'admire énormément mais qui a pour moi plus une stature de « super héros justicier », voir mon article sur le blog) aurait mérité une place au sein de cette chronologie.
Preuve en est que, une fois de plus ces « héros de l'ombre » issus de tout un courant de la littérature populaire et des publications amateur, sont voués à l'oubli le plus total. Mais nous ferons face et tenterons de leur accorder la place qu'ils méritent. Très prochainement, nous poursuivrons notre découverte des œuvres de Jean-Pol Laselle/Brice Tarvel qui participa grandement à l'édification de ces détectives occasionnels mais qui n'en restent pas moins très sympathiques.
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