Profitant du nom de ce célèbre aventurier explorateur qui , dit-on, aurait inspiré un réalisateur talentueux pour la création d'un certain Indiana Jones, Jean Laneuville excite la fibre des jeunes lecteurs de l'époque en réinventant un hypothétique monde perdu qui pourrait se révéler riche en découvertes. Terres inconnues, vierges de toutes traces du passage des hommes, quoi de plus facile pour imaginer le dernier bastion d'une faune et dune flore préhistorique. Cette hypothèse fut à l'époque très à la mode et si le film King Kong de Mérian C.Cooper et Ernest B. Schoedsack, laissera une trace indélébile dans l'esprit de nombreux auteurs, nul doute que le roman de Arthur Conan Doyle enflammera l'imagination de beaucoup d'autres, en ouvrant toutes grandes les portes vers de nouveaux mondes extraordinaires. Quoi de plus fabuleux lorsque l'on a tout découvert, ou presque, que d'inventer une nouvelle cartographie des mondes imaginaires de tous les possibles. Une fois de plus, le merveilleux Pellos est aux commandes de ce récit palpitant qui, d'un coup de crayon alerte, nous livre une composition saisissante, qui marqua toute une génération de jeunes lecteurs passé et à venir
« Les surprises du Dr Chapman » de Jean Laneuville, illustré par René Pellos. Paru dans la revue « Jeunesse Magazine » N° 43 du 24 Octobre 1937.
On a le cœur ballant, rien qu’à penser au spectacle qui attendra le docteur Roy Chapman Andrews, directeur da Muséum américain d’histoire naturelle, quand il s’enfoncera sous la jungle du temple de Shiva...
Mais qu’est-ce que notre angoisse d’anticipation, simples lecteurs que nous sommes, auprès de celle qui l'étreindra, lui, qui sera là en chair et en os, qui verra et entendra !
Va-t-il se trouver face à face avec un diplodocus, un trachodon, un ichtyosaure, un albertosaure, un ptérodactyle, un monstre enfin de dix ou quinze mètres de long, crachant le feu ou le poison, nanti de griffes comme des sabres et d’une langue comme un lasso, qui l’engloutira séance tenante avec son appareil photo ?
Aura-t-il peut-être la force et le sang-froid de mater ces créatures de cauchemar, sorties du fond des âges abolis, et nous les ramènera-t-il en triomphe, dans une cage ou au bout d’un ruban ?
Pourrons-nous offrir un jour, derrière les barreaux du Zoo de Vincennes; du pain bis aux animaux préhistoriques. grâce à la hardiesse du docteur Roy Chapman Andrews ?
Mais le plus simple serait peut-être que je vous mette au courant...
Sachez donc que le bon docteur, qui est, vous n’en doutiez pas, un très grand savant, a découvert dans son pays, l’Amérique, un endroit, .fantastique, extraordinaire; un endroit où non seulement,comme disent les humoristes, « la main de l’homme n’a jamais mis le pied »,mais où encore la vie s’est isolée, retranchée, coupée de tout contact avec l’extérieur depuis une époque bien antérieure à l’apparition de l’espèce humaine sur le continent américain et. sur le globe terrestre. Un endroit où les animaux, du plus misérable insecte jusqu’au plus gros mammifère, sont demeurés entre eux, en vase clos, sans subir la moindre influence du reste du monde.
Or cet endroit, situé au sommet d’un pic inaccessible et recouvert d’une forêt impénétrable, mesure un kilomètre et demi de long et neuf cents mètres de large seulement !
Pour comprendre tout ce que ceci a d’extraordinaire, il faut se rappeler les lois très simples de l'évolution, Oh ! n’ayez pas peur, je ne vais pas essayer de vous faire un cours d’histoire naturelle, j’aurais plus d’ennui encore à l’écrire que vous à le lire !
Je me contenterai de vous dire que de très grands esprits, sur les traces des savants Lamarck et Darwin, ont établi que toutes les espèces animales sur le globe, y compris la nôtre, ne sont arrivées à leur aspect actuel qu’après des transformations mystérieuses et très lentes, accomplies au cours de milliers d’années.
Le cheval, par exemple, n’eut, pas toujours ce sabot si net et si joli qui orne l’extrémité de son pied; il devait avoir jadis plusieurs doigts !
Jeunesse-Magazine vous a montré de même l’an passe les « portraits » reconstitués de l’ancêtre du rhinocéros, avec sa collerette garnie de pointes, et de la grand-mère de la poule, une sorte de lézard géant ailé... nous vous montrons de nouveau cette étrange créature. En ce temps- là, les poules avaient des dents !
L’homme, lui-même, lors de son apparition sur terre, n’avait pas la même « tête » qu’à présent; il était plus petit, il avait la poitrine bien plus large, les bras plus longs, le crâne plus étroit, la mâchoire plus lourde; c’est aussi qu’il est devenu plus intelligent...
Remarquez qu’en vous parlant du fameux mesa, ou temple de Shiva (c’est l’endroit privilégié que le docteur Chapman va explorer), je ne prétends pas le moins du monde que cette évolution, que ces changements dans l'aspect et les mœurs des animaux, ne s’y soient pas produits comme ailleurs; sans nul doute, les êtres vivants ont dû s’y transformer avec la même patience inconsciente que partout...
Mais ce qui donne néanmoins à ce véritable laboratoire naturelson caractère d’exception c’est que, tandis que la reste du monde demeurait accessible au cours des âges, c’est-à-dire soumis aux invasions destructrices, à l’apparition d’espèces nouvelles venues d’un peu partout, à des influences extérieures susceptibles de modifier à la longue la nature de ses habitants, il restait, lui, fermé comme un coffre-fort, et ne pouvait compter que sur ses propres ressources pour trouver du nouveau !
Mais comment peut-on expliquer qu’un endroit du monde, et un seul endroit, ait pu être ainsi soustrait aux échanges universels P
C’est très facile... On l’explique par la nature de son sol.
Le grand Canon du Colorado dont Henri Darblin et André Falcoz, grands voyageurs, vous ont conte déjà les merveilles, s’est trouvé creusé dans un terrain particulièrement friable, au cours de milliers d’années, par d’énormes torrents, dont le lit s’est enfoncé de plusieurs milliers de mètres dans le sol.
Son aspect extraordinaire attire des millions de touristes depuis cent ans. C’est à quelques kilomètres, justement, d’un des points de vue les plus fréquentés de ce canon, que le temple de Shiva s’est trouvé isolé par l'érosion des eaux. L’endroit était autrefois un « petit bout » de plaine, sans doute marécageuse, que rien ne devait distinguer du reste de la plaine. Mais, peu à peu, des courants d’eau s’étant formés autour de lui, et ces courants étant devenus de plus en plus rapides et larges, une profonde vallée entoura bientôt le temple de toutes parts. Pendant des milliers et des milliers d’années, la nature continua à creuser ainsi sans arrêt le sol autour de lui.
Et quand les eaux se furent enfin retirées à jamais, il ne resta plus qu’une montagne étroite et verticale, haute de 2500 mètres, complètement inaccessible en raison de ses parois abruptes de pierre friable, et au sommet de laquelle un minuscule plateau, empanaché de la végétation la plus folle, grouillait d’une vie mystérieuse,depuis des temps incalculables...
Incalculables ? Le docteur Chapman Andrews les a depuis lors calculés !
De l’examen (fait en avion) des couches de terrain les plus voisines, il a pu déduire que le mesa ou temple de Shiva (c’est lui qui a ainsi baptisé ce pic solitaire), se trouve isolé du reste du monde depuis plus de cent mille ans !
Or, il n’y a que cinquante mille ans que l’homme est apparu sur le continent américain...
Quelle trouvaille !
Je vous ai parlé tout à l’heure de diplodocus, d'albertosaures et autres sales bêtes préhistoriques à gueules de requins, peau de serpent, pattes d’hippopotame et ailes de vautours... À la vérité, il paraît certain (c’est du moins l'avis du docteur Chapman) qu’il ne s’en trouve plus sur le temple de Shiva. Mais, ceci dit, on ne sait vraiment, pas du tout quelles espèces animales ont dû s’y maintenir et s’y créer...
Quelles surprises ne peut-on attendre d’un « zoo » primitif au sein duquel la célèbre loi de sélection naturelle (qui est cette loi cruelle de la nature selon laquelle les espèces les plus faibles sont peu à peu détruites par les espèces les plus fortes ou par les conditions climatériques de la vie) s’est exercée sur une « échelle » aussi réduite ?
Apprêtons-nous à voir bientôt de surprenantes photos !
Maintenant, comment le docteur Chapman et ses collègues vont-ils pouvoir mettre le pied sur ce sommet jusqu’ici inviolé ?
En avion ? Impossible ! Où se poserait la machine ? Même si l’étroit plateau était plat comme un billard, l’atterrissage serait scabreux, en raison du peu d’espace disponible. En autogyre ? Certes, l’autogyre peut atterrir sur place, sans rouler plus de quelques mètres. Mais encore faut-il trouver ces quelques mètres de terrain dégagé. Et sur le temple de Shiva, ils n’existent pas !
Toutes les explorations aériennes pratiquées au-dessus, au ras des arbres, n’ont en effet révélé la présence que d’une végétation, je le répète, fabuleuse, qui déborde de partout, s’agrippe au-dessus du vide et ne laisse pas la place de poser sur le sol... un simple regard !
Jetterait-on sur le sommet un caillou qu’il resterait perché sur le feuillage épais, sans pouvoir descendre plus bas.
Alors l’expédition ne pourra que tenter l’escalade naturelle, à la force des bras et des jarrets, en s’aidant du pic, du piolet et de la corde!
Seulement, comme sa tentative serait vouée au même échec que les précédentes si elle était pratiquée sans plus d’apprêts, une exploration photographique aérienne détaillée réunira au préalable le plus d’informations possibles sur les cheminements d’accès. De nombreux survols de la montagne, en avion, permettront de dresser une carte de ses parois' verticales, et d’en révéler les moindres saillies, les plus modestes cheminées... Ce travail est déjà très avancé.Le docteur Roy Chapman Andrews est persuadé qu’il réussira et se pourlèche d’avance à l’idée de la surprise qu’il nous fera en revenant du paradis ( ?) oublié sur ce coin de terre. Pourvu qu’il ne le trouve pas trop séduisant, et qu’il ne lui vienne pas l’idée, une fois parvenu là-haut, d’y rester !
Jean Laneuville
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