Julien Helbroeck est atteint d'une curieuse maladie, celle de rendre fou d'impatience ses lecteurs assidus et de contaminer ceux qui seraient encore dans l'ignorance de sa plume alerte et
inventive. Car voyez-vous, chez ce passionné de littérature Russe, de catcheurs Mexicains, de romans gores et de musiques déjantées, tout fait ventre et sa boulimie insatiable de curiosités
littéraires en font une sorte d'homme-orchestre de la littérature fantastique qui absorbe, digère et recrache ses propres influences, mais sous la forme non pas d'une bouillie indigeste et
réchauffée, mais d'un plat consistant, riche en saveur et aux merveilleuses fragrances imaginaires. Cet homme à du talent, celui très humble des personnages qui ne font pas de bruit et qui, malgré
une stature de déménageur, est capable d'une sensibilité, dans le difficile exercice de l'écriture, que peu d'auteurs peuvent se targuer de posséder. Ouvrez n'importe lequel de ses romans et vous
constaterez que ce n'est pas par pure flatterie mal placée que je vous présente ici cet ami amoureux du « mauvais genre », mais parce qu'il possède un talent et une facilité à écrire qui ne
cesse de m'impressionner au fil des ses publications. Depuis ses premiers écrits, rien n'est à jeter et c'est toujours avec un certain enthousiasme que je me lance dans la lecture de ses romans et
nouvelles et une fois de plus, le bougre, il vient de faire mouche et me faire passer un moment de pur plaisir !Et c'est bien là l'unique problème avec les romans de Julien,une fois que vous
rentrez dedans, impossible d'en sortir, les pages défilent au mépris des besoins fondamentaux de tout être humain et je ne doute pas qu'un jour ou l'autre, le personnage se retrouve au tribunal pour
avoir causé une déshydratation ou un globe vésical chez un de ses lecteurs. On pénètre dans son texte dans des strates de plus en plus profondes qui nous empêchent de nous retourner, brusquement la
lumière vient à faiblir : comment déjà quatre heures du matin ?
Mais revenons à cette dernière petite perle qu'il vient de nous offrir et qui, sous une couverture assez suggestive, nous promet une virée dans le territoire des morts dont il nous sera impossible de
nous dépêtrer.
« Stoner Road » donc ne déroge pas à la règle et si l'histoire d'apparence banale de ce « roi de la défonce » en quête de sa petite amie, pouvait dans des mains non expertes,
virer à une banale histoire de disparition sur fond de sexe et de Rock'n roll, entre les mains d'un façonneur d'histoire, la donne change du tout au tout.
Josh Gallows, une âme errante qui ne trouve refuge que dans les mondes évanescents des drogues psychédéliques de plus en plus puissantes, possède sous des airs de junky désabusé deux qualités :
il connaît bien les produits qu'il vend et leurs effets ( ce qui lui sera utile dans le cas présent)et possède une détermination que rien ne viendra mettre en péril. C'est l'histoire d'un homme qui
perçoit un peu trop tard que la seule personne pour qui il avait vraiment des sentiments, vient de se barrer avec son meilleur pote. Hélas, il y a des addictions qui sont plus fortes que tout, le mal
est déjà fait, il ne lui reste plus qu'à se morfondre dans son coin. Après tout bienfait, il fallait qu'il y réfléchisse avant non ? Pas aussi simple les amis, pas aussi simple ! Pourtant,
comme saisi d'un petit sursaut de lucidité, il décide de faire table rase sur son passé et essayer de repartir sur de nouvelles bases, enfin presque. Le problème, c'est que lorsque la drogue vous
tient, elle ne vous lâche plus. Commence alors une quête éperdue pour retrouver celle pour qui il trouve encore un sens à sa vie, et dans le désert Mexicain, dans l'ambiance étouffante et toxique des
concerts organisés par des personnages à la limite de la bestialité, le combat va se révéler plus âpre que prévu. Alors qu'il pensait avoir trouvé une piste, il va se casser le nez, au sens propre
comme au figuré, sur une bande de gros bras vivant dans un monde qui ne connaît pas de limites et se retrouver pour mort au bord de la route. Il sera récupéré par cette figure « mythique »
du cinéma Américain, un Redneck du nom de Josh, qui sous des apparences à la fois rudes et basiques va lui offrir une aide précieuse et l'empêcher de crever comme un animal. Pour lui aussi, la
mission sera la même, la recherche de sa sœur dont il a perdu la trace dans un de ces fameux concerts concert sauvages organisé en plein désert. Tout sépare les deux hommes, mais pour un temps, ils
vont délaisser leurs différences et mener jusqu'au bout leur impitoyable enquête pour aboutir à la révélation finale, dépassant en horreur tout ce qu'il aurait pu imaginer !
« Stoner Road » c'est avant tout un road movies, bourré de références à un produit de la contre culture Américaine que l'auteur explore souvent de façon humoristique, en pénétrant dans les
recoins les plus sombres d'un mauvais trip . C'est la mise en exergue d'un monde qui est celui du héros, qu'il a choisi de suivre, au risque de sa propre raison et de sa vie. On en vient à avoir
de l'empathie pour ce personnage qui passe le plus clair de son temps en pleine défonce mais qui garde toutefois sa propre dignité,gardant en lui un sens de l'honneur et du courage que peu de héros
beaucoup plus « clean » pourrait encore conserver en regard de l'abomination qu'il va devoir affronter. À sa manière il est « l'élu » celui qui pourra contrecarrer cette horreur
qui se cache tapie dans nos pires cauchemars, car il est le seul à pouvoir maîtriser ou du moins garder un certain contrôle sur ces mondes fantasmagoriques qui s'insinuent dans les rêves des
voyageurs égarés.
Ce roman nous parle de la déchéance humaine et des pires mensonges que l'on est capable d'inventer pour se cacher la vérité, à la seule différence, c'est que le héros de Julien lui, à pleine
conscience de ses nombreuses tares, il vit dans un monde d'artifice et de déchéance, mais il assume et il sait parfaitement que le peu de dignité qui lui reste servira à se racheter de ses nombreuses
faiblesses. En cela, le tour de force en terme d'écriture est de nous avoir décrit avec une aussi grande exactitude, sans jamais s'égarer, les univers d'un toxicomane, avec un sens du détail assez
extraordinaire. Dans le chapitre « The Nightchild » la frontière ténue entre mauvais trip et fantastique est plus qu'évidente et nous livre un avant-goût de ce qui va suivre. Le périple des
deux hommes, qui baigne dans la sueur, la chaleur étouffante du désert et les canettes de bière, est parsemé de rencontre cocasse et savoureuse, qu'il s'agisse de celle de Rasûl dans cet hôpital
psychiatrique aux forts relents d'un asile à la Lovecraft, et qui fut « mordu » en 1972 par une abomination sans nom, de celle des frères Burke, Geek inséparables pour bien des raisons, de
John Munn ancien journaliste dont les précieuses recherches vont permettre aux deux héros de faire la lumière sur bien des zones d'ombre, ou de cet indien « voyageur imprudent » dans les
artifices de la drogue aux méthodes décalées, et il y en d'autres, tous les personnages rencontrés sont haut en couleur et donne lieu à des passages souvent d'anthologie, forts drôles car décrits
avec ce talent particulier des auteurs qui nous donnent l'impression de nous parler le plus simplement du monde des situations qu'ils ont déjà rencontré. Une galerie de « Freaks » comme on
en rencontre dans les films de genre et nul doute qu'en grand passionné de cinéma bis, il y ait puisé son immense palette chromatique de sales gueules
La grande force de ce roman est la présence d'aucuns temps morts, l'écriture y est fluide et décontractée et je dois avouer qu'en tant que fan de Graham Masterton, j'ai eu l'impression de lire un de
ces romans , tellement l'atmosphère fantastique y est bien entretenue, mais avec cette patte particulière de l'auteur où il est presque possible d'entendre à chacune de ses phrases un délicieux
ricanement .....de goule. Car lorsqu'il décolle vers les territoires de l'horreur, notre homme s'y entend et les confrontations que le héros devra subir avec Piltzintecuhtli sont à la fois mémorables
et fort originales et j'ai très peu rencontré de romans ou la créature mise en cause est à ce point flippante et d'une telle originalité.Ils devront alors user de tous les artifices possibles et de
certaines méthodes peu orthodoxes pour arriver à vaincre ce mal à l'état pur ,donnant lieu à deux confrontations assez mémorables dont la doute dernière qui va se dérouler lors d'un concert hors
du commun que, chers amis, vous ne serait pas prêt d'oublier.
Lorsque l'imagination d'un auteur est à ce point capable de se démarquer pour son originalité, son sens du rythme et sa qualité narrative, nul doute n'est possible, nous avons là affaire à un
écrivain dont il n'est plus besoin faire l'éloge et se laisser porter par le fil de son imagination en priant le ciel pour que son prochain roman ne se fasse pas trop attendre. Mon seul regret lors
de la lecture du roman, est de ne pas posséder l'immense culture musicale de Julien. Chaque début de chapitre est marqué par un titre de musique qui je n'en doute pas un instant, devrait coller
pile-poil à l'ambiance du roman, mais néophyte ou non dans ce domaine, je puis vous assurer que même dans le calme le plus total , j'entendais résonner au fond de mon crâne les accords
métalliques du « Stoner Rock » et connaissant les goûts certains du bonhomme, je ne doute pas un seul instant que cette musique s'avère indispensable pour tout amateur curieux.
Remercions les éditions ActuSF, sympathique éditeur, d'avoir eu l'excellente idée d'accorder sa confiance dans cet auteur dont je vous recommande, à ceux qui ne le connaîtraient pas encore, les deux romans parus dans sa propre collection « Trash » : « Pestilence » et « Garbage rampage » ( sous pseudonyme) c'est aussi jouissif que ce « Stoner Road » qui trouve dans ma bibliothèque une place de choix aux cotés de mes auteurs favoris.
«Stoner Road » de Julien Heylbroeck ».Éditions actuSF .Couverture couleur de Ammo,2014
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