Jean Cabanel à qui nous devons au moins deux superbes articles (que vous trouverez sur les pages de ce site à la rubrique « En feuilletant les revues » ) sur des auteurs de « Merveilleux scientifique » , Rosny-Aîné et Maurice Renard pour la revue « Triptyque » (1929) , récidive 20 ans plus tard avec cette nouvelle présentation du père du « roman à hypothèse » dans une tout autre revue « Les belles lectures » N°65 du 28 Mai au 3 Juin 1947 .Elle lui consacrera en outre quatre nouvelles, provenant toutes du recueil « L'invitation à la peur », publié aux éditions Crès en 1926 :
« La grenouille », « L'homme qui voulait être invisible », « Le balcon » et « La damnation de L'Essen ». Deux des nouvelles « La grenouille » et « La damnation de L'Essen » figurent dans le volume publié chez Néo en 1985 ( volume 139) sous le titre « Le papillon de la mort ». Ce que ne précise pas la bibliographie que l'on trouve en fin de volume c'est que « La grenouille » fut publiée dans la revue « Je sais tout » de Février 1922 (N°194) et que « La damnation de L'Essen » le fut également, et ce dans la même revue, en 15 Juillet 1923 (N° 212) et réédité dans la mythique revue « Le visage vert » dans son recueil de nouvelles « L'homme peste et autres contes » en Mars 1986.
Mais à présent laissons la parole à Jean Cabanel qui en homme clairvoyant, reconnu bien avant tout le monde, le talent de ce « merveilleux » artisan de l'imaginaire scientifique français.
La littérature du merveilleux scientifique, cette fille du savoir et de la fantaisie, a pour parrains Edgar Poe, Villiers de l’Isle-Adam et Wells. Le fantastique et la féerie donnent aujourd'hui la main à la science. On herborise dans la forêt de Brocéliande, et Merlin l'Enchanteur cache les étoiles de sa robe sous la blouse des laboratoires.
A vrai dire, de nos jours, le fantastique semble avoir été étranglé par le policier, et je ne vois plus qu’Alexandre Arnoux, et surtout Marcel Aymé, pour entretenir commerce avec le mystère. Encore ce dernier écrivain est-il un humoriste !
Maurice Renard, qui écrivit « le Péril bleu » et « le Docteur Lerne sous-dieu », roman exactement dans la tradition du merveilleux dont H.G. Wells fut l’incomparable maître, a composé des contes extraordinaires dont les divers recueils sont depuis longtemps introuvables en librairie. Son œuvre témoigne d’une étonnante imagination, et le souci de logique qui l’éclaire lui confère une remarquable puissance. J’ajoute que Maurice Renard est poète, ce qui donne à son œuvré une résonance peu. commune.
Un récit comme celui de « la Cantatrice », où l’on voit une sirène, prisonnière d’un Neptune wagnérien, se traîner sur des béquilles jusqu’aux coulisses de l’Opéra de Monte-Carlo pour interpréter incognito le chant de l’oiseau dans « Siegfried », le conte si poétique et si déchirant de « la Mort et le Coquillage » sont des œuvres tout à fait dignes d'Oscar Wilde. « Le Rendez-vous dans la montagne » évoque un des plus beaux contes de Wells : « la Porte dans le mur ». C’est « Ligeïa » et « le Puits et le pendule », d’Edgar Poe, qu’évoquent « le Rendez-vous » et « le Balcon » que nous reproduisons ici. Quant à « la Grenouille » c'est un conte cruel bien dans la manière de Villiers de L'isle-Adam. Ainsi Maurice Renard a de qui tenir.
J.H. Rosny, qui s’y connaissait, classait l’auteur du « Péril bleu » au premier rang des romancier d’imagination.J’ajouterai que sa présence d’esprit — car Maurice Renard est loin d’être comme Hoffmann un halluciné — donne à ses mystérieuses constructions un équilibre, une mesure et une logique qui en font des œuvres particulièrement précieuses. C’est un Latin, un poète et un écrivain admirablement cultivé. A chaque instant, dans ses singuliers récits qui sont, comme il le dit lui-même, des « invitations à la peur », on rencontre des notations ou des allusions ravissantes qui constituent comme un signe de reconnaissance adressé aux délicats .
Il semble leur dire : « Ne vous y trompez pas. Je suis des vôtres. Maintenant, laissez-moi faire... » C’est ainsi qu’en plein roman-feuilleton d’une tragique fantaisie : « les Mains d’Orlac », au moment où des policiers éventrent un mannequin soupçonné d’avoir étranglé un peintre spirite, Maurice Renard, délaissant un instant son récit, se prend à rêver : « Mon inquiétude vagabondait dans les champs du souvenir. La fable et la réalité se partageaient mes sens, et sans rien perdre de l’incroyable dissection, j’étais la proie d’un mirage mnémonique. Au balcon de mon rêve s’accoudait Galatée. L’androïde Halady traversait un jardin où Coppélius errant agitait ses longs bras. Vaucanson les montrait tous deux à Maelzel. Plus loin, enlacées l’une à l’autre, la Vénus d'Ille et la statue du Commandeur cheminaient tendrement. Leurs pieds lourds ébranlaient le sol de ma mémoire, et Pétrouchka me cornait aux oreilles son scherzo le plus fantasque. »
Comment ne pas s’attendrir à ce rappel de personnages si rare ?
Maurice Renard a d’ailleurs lui-même situé avec beaucoup de finesse son champ particulier d’observation, où la science joue tendrement avec la fantaisie : « Entre les épaisses ténèbres de l’inconnu et le bloc lumineux de notre savoir, il y a une zone extrêmement captivante qui est le domaine de l’hypothèse, contrée fort mince où sont dardés tous les efforts des savants et des philosophes. Cela fait une espèce de halo fantomal. C’est comme la frange de la science, le duvet de la certitude. Là s’agitent les personnages du roman d’hypothèse, là sont allumées ces lumières qui, tout artificielles qu’elles soient, font pour ainsi dire rayonner la connaissance sur l’ignorance et nous donnent, sinon le pouvoir même, du moins l’illusion ravissante de comprendre un peu l’inexpliqué. »
On ne saurait plus joliment situer le domaine du fantastique, Maurice Renard, y aura vécu toute sa vie. Depuis son premier recueil de contes : « Fantômes et Fantoches », paru en 1905 sous le pseudonyme de Vincent Saint-Vincent,jusqu’à son dernier ouvrage, « le Carnaval du mystère », daté de 1929, en passant par « le Docteur Lerne, sous-dieu », « le Voyage im mobile», « le Péril bleu.», « Monsieur d Outre-mort », « les Mains d’Orlac », « l’Homme tru qué », « le Singe », « Lui ? » et « l'invitation à la peur ».
Mais cet extraordinaire et minutieux visionnaire fut toujours un homme de sang-froid. Fondateur, en 191], d’une revue poétique, la « Vie française », il a collaboré à cet étonnant « Spectateur », dirigé par son neveu, René Martin Guelliot et dont le comité de direction se composait de jean Paulhan, Guillaume de Tarde et Vincent Muselli. Les préoccupations de ces cruels « spectateurs » devaient particulièrement séduire ce passionné de logique qu’était Maurice Renard. Il ne s’agissait rien de moins que d’étudier dans leurs applications à la vie quotidienne le jeu des opérations logiques de l'esprit.Il s’agissait de constituer une grammaire des idées et une jurisprudence du raisonnement.
Connaissant à la fois ce penchant pour le raisonnement dépouillé et cet amour de la poésie qui habitent Maurice Renard, on ne s’étonnera plus de la satisfaction que reçoivent tout ensemble l’esprit et l’imagination à la lecture des contes et des romans de celui qui, faisant semblant de nous inviter à la peur, nous permet de jouer avec un mystère parfaitement apprivoisé.
Jean Cabanel
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