Depuis que l'homme regarde vers le ciel, il est envahi par un incommensurable désir de voler et, une fois la conquête de ses immenses territoires terrestre entamée, ne rêve que d'une seule
chose : conquérir les autres terres du ciel.
L'histoire de nos territoires de l'imaginaire est riche de mondes étranges peuplés de créatures extraordinaires qui, malgré une curieuse similitude morphologique avec ces lointains cousins de la
terre, se trouvent souvent nantis de ce curieux organe de la navigation aérienne, leur permettant de se déplacer aussi facilement dans les airs que ne le feraient les poissons dans le plus profond
des océans. Dans ce domaine, les œuvres conjecturales sont légions et bien des titres d'ouvrages à la couverture illustrée, exposent une créature humanoïde aux ailes déployées. Toutefois, le champ
des possibilités demeure cloisonné et bien souvent il ne s'agira ici que le fait de quelques savants géniaux ayant trouvé la solution pour vaincre la pesanteur terrestre et peuplant le futur de notre
humanité de véritables piétons aériens désireux une fois pour toute de quitter ce bon vieux plancher des vaches, trop lent, trop classique trop coûteux en terme d'usure de chaussures.
D'autres dans leurs romans, vont préférer jouer sur la rencontre improbable avec les habitants d'une autre planète à l'instar de la magnifique illustration de Henri Lanos dans la revue « Je sais tout » N°22 du 15 novembre 1906, qui nous présente un groupe de martiens ailés observant sur un écran spécial, évoluer ces pauvres terriens privés de cette indispensable excroissance duveteuse que sont les ailes. De nombreuses autres compositions feront d'ailleurs référence à des enlèvements par des créatures volantes et de « La découverte Astrale » de Restif de la Bretonne(1781) jusqu'à René Duchesne et son « Roc des hommes volants » (1937), le ciel fut peuplé de curieuses créatures aux intentions parfois assez troubles.
Cependant, et en dépit de ces fréquentes manifestations en faveur de l'existence « d'hommes oiseaux », notre ciel est-il réellement « habité « ? Voici donc la question, fort légitime, que se pose Michel Meurger dans son excellent dossier, du numéro 24 de l'indispensable Visage Vert et intitulé « Jungles de l'air supérieur ».
Le constat reste au final assez mitigé et ce, en dépit de l'ouverture de nouveaux territoires vierges et pendant fort longtemps inexplorés que propose aux écrivains la révolution technique en train de se produire, entendez par là la conquête des airs. À croire que l'homme, devant l'immensité et la limpidité du ciel, ne pouvait concevoir des êtres « immatériels », invisibles à l'œil nu ou du moins vivants si haut qu'il nous était impossible de les rencontrer ou de les apercevoir. Il est d'ailleurs surprenant que la créature « invisible » de Guy de Maupassant dans son « Horla » ( 1886, puis 1887 pour sa version plus longue) ne soit pas représentée comme la possibilité de créatures évanescentes habitant pourquoi pas, les immenses territoires du ciel et venues en toute légitimité réclamer un peu de cette terre promise.
Pourtant, en ce début du XX éme siècle et de la place grandissante de l'aéronautique, les auteurs avaient là le terrain de jeu idéal pour laisser libre cours à leur
imagination et nourrir notre littérature de textes aux envolées conjecturales. Il est alors étonnant de constater que nombre d'écrivains vont préférer peupler les couches supérieures de l'atmosphère
par des représentations d'une science triomphante, souvent au service du mal comme il se doit, que d'imaginer des créatures éthérées qui, à l'instar de certains monstres abyssaux, hanteraient nos
espaces azurés. Max-André Dazergues en sera un brillant illustrateur avec des romans comme « L'île aérienne » (éditions Tallandier
« Grandes Aventures,Voyages excentriques » 1931), « Aéros empereur des nuages » (éditions du Puits-Pelu) ou de son fameux
« Du sang sur les nuages »( éditions Ferenczi « Le livre de l'aventure » 1930) démarrant pourtant de fort belle manière avec la
disparition de plusieurs pilotes dans l'espace aérien , ponctué par un chapitre portant le nom du roman :
« Ce jour-là, à l'aube, un paysan du Nord de la France, qui se rendait aux champs, aperçut un nuage comme jamais encore, il n'en avait vu, un nuage rouge, un nuage de sang... Un moment, il
attribua le phénomène aux feux du soleil levant... Mais soudain...
Ce paysan se trouvait en plein champs, éloigné de toute habitation... Au-dessus de lui, il n'y avait donc que le ciel, le ciel vide, le ciel nu, sans aucun avion en vol... Il l'assura
formellement : le ciel était absolument désert. C'est alors qu'il sentit sur sa main une goutte tiède, puis une autre, puis une troisième. Ce fut tout... Il n'y eut que trois gouttes... Pas une de
plus... Avec effarement, le cultivateur reconnut du sang... Il leva la tête... Il vit, très haut, le nuage rouge qui pâlissait, devenait rose, puis semblable aux autres... Affolé, ce paysan regagna
sa ferme... Trois gouttes de sang étaient tombées sur lui... D'où, si ce n'était du ciel ? Du ciel même, puisqu'il était loin de toute habitation et que cela supprimait d'office l'hypothèse que le
sang tombât d'une fenêtre... Ce paysan relata sa stupéfiante aventure à tout le village d'abord, au maire ensuite, qui câbla à Paris... C'est ainsi que la capitale eut connaissance de ce
fait... »
Le ciel n'est hélas pas peuplé de cette fameuse « Jungle de l'air supérieur » mais d'un savant aux idées fantasques et meurtrière. Il faut dire qu'en matière « d'îles aériennes » il y avait eu de nombreux précédents et le « père fondateur » dans son très célèbre « Robur le conquérant » faisait déjà évoluer dans le ciel un colossal navire au moyen de gigantesques pales rotatives, lui-même succédant à Jonathan Swift et à sa célèbre île volante du royaume de Laputa . D'autres viendront suivre les traces de ces illustres pionniers et des auteurs comme Henry de Graffigny (« L'île aérienne »), Lauman et Lanos ( « L'aérobagne 32 »), Roger Labric (« On se bat dans l'air »)R.M. de Nizerolles (« Les robinsons de l'île volante ») tous participèrent à créer une thématique dans la thématique puisque la technologie employée dans ce type de roman, pouvait laisser croire aux différents protagonistes de ses histoires que l'espace était vraiment habité par des créatures étranges et certainement pas humaines.....Tout est sujet à hypothèses et supputations, ne sommes-nous pas dans le domaine de tous les possibles ?
Il est donc un peu dommage que les textes appartenant à cette merveilleuse thématique soient si rares et de constater finalement que le plus emblématique outre celui de
Sir Arthur Conan Doyle est celui de Maurice Renard avec son « Péril bleu » :
« Imaginez que le monde où nous vivons n'est en fait que le fond d'un vaste océan et que l'espace qui nous entoure appartient à un univers peuplé de créatures qui échappent à notre
entendement et notre compréhension. Imaginez ensuite qu'elles nous considéreraient comme de vulgaires animaux et de ce fait s'amuseraient à nous pêcher comme de simples poissons.
Tel est l'argument de cet extraordinaire roman de Maurice Renard « Le péril bleu » où une race d'extra-terrestres, les Sarvants, nous regardent comme des animaux sans importance, nous
capturent, nous dissèquent, nous étudient. Au départ tout commence comme un banal roman policier, les personnes disparaissent les unes après les autres, puis vient le tour des animaux, des objets,
des édifices....
À l'image de l'animal de laboratoire, l'homme est ainsi l'objet d'expériences incompréhensibles qui dépasse sa propre logique et qui remet tout naturellement en doute sa légitimité dans un monde
qu'il croyait bien à lui.
Un jour pourtant, les Sarvants découvrent que nous ressentons la peur, la douleur et que nous sommes peut-être un animal doué de raison »
Un postulat plus que prometteur et constituant sans nul doute le chef d'œuvre de cet extraordinaire auteur, mais dont on ne trouvera l'empreinte que chez de rares successeurs. Michel Meurger avance
ainsi l'hypothèse que ce « Péril bleu » publié en 1911 aux éditions Louis Michaud inspira fortement Conan Doyle lorsqu'il réalisa sa nouvelle « L'horreur des altitudes » écrite, elle en 1913. Si le roman de Renard ne fut traduit en Angleterre que très tardivement grâce aux éditions « Black
Coat Press », une « adaptation » du «Péril bleu » fut réalisée en 1912 pour la revue « Pearson's Magazine » sous le titre
de « Up above, the story of the sky folk » et signé John N.Raphael (qui paraîtra un an plus tard en volume). Curieuse coïncidence de retrouver
quasiment la même histoire et si l'on en croit la nouvelle de Conan Doyle, tellement originale,qu'il en fit une source d'inspiration .
La lecture de l'article du Visage Vert est en tout point passionnante et je ne peux que vous conseiller d'en faire l'acquisition afin d'en approfondir plus le sujet.
Bien évidemment, cette « Horreur des altitudes » inspira bon nombre d'artistes qui trouvèrent dans cette thématique matière à des représentations
assez spectaculaires .Dommage que le roman de Maurice Renard n'ait pas bénéficié d'une publication en magazine tel que « Je Sais Tout » peut-être aurait-il eu le concours
d'illustrateurs talentueux comme Henri Lanos ou de Conrad dont le trait significatif aurait porté on ne peut mieux, cet incomparable sens de l'imaginaire scientifique.
C'est la nouvelle de l'écrivain Anglais qui aura les faveurs de quelques artistes.Fort de sa notoriété et de l'impact de son texte, l'occasion était trop belle pour ne pas y exercer leur magnifique
savoir faire.
Je voulais donc rassembler dans cet album photo, toutes les illustrations disponibles et les plus représentatives, afin de vous donner un aperçu de la puissance de certaines compositions et de toute
l'originalité qui s'en dégagent.Elles montrent, dans un style tout à fait différent ( purement « fantastiques » ou alors très classiques ») toute la force d'une thématique qui hélas,
et jusqu'à la découverte de nouveaux textes,ne fut que peu exploitée .
« L'apparence tout entière du monstre était formidable et menaçante. Il changeait de couleur à vue d'œil, passait du mauve clair au rouge sombre de la colère, et bientôt devenait si noir, si opaque, qu'il m'interceptait le soleil. Au sommet de la courbe que décrivait son corps gigantesque, il y avait trois énormes poches formant ampoule ; et je me convainquis, en les regardant, qu'elles étaient gonflées d'un gaz extrêmement léger, destiné à soutenir dans l'air raréfié sa masse informe à demi solide. J'eus l'horreur d'en être escorté sur un parcours de plus de vingt milles. Planant au-dessus de mon appareil comme un oiseau de proie, il avançait en projetant devant lui, d'une manière si prompte qu'elle était presque insaisissable une longue banderole glutineuse, laquelle semblait ensuite haler tout le reste du corps et chacun de ses mouvements le rendait plus répugnant, plus redoutable. »
Bibliographie sommaire de la nouvelle de Conan Doyle ; Le titre change en fonction des traducteurs
- « L'horreur des altitudes » Traduction Louis Labat en pré-originale dans la revue «Je sais tout du 15 Avril 1922.Illustration de Ruck.
- « L'horreur des altitudes » dans la revue « Le Magazine » N°159 du 15 avril 1926
- « L'horreur des altitudes » en volume dans le recueil « La brèche au monstre » éditions Albin Michel vers 1930
- « L'horreur du plein ciel » dans la série des Œuvres complètes de Sir Arthur Conan Doyle Tome 12 éditions Robert Laffont 1960.
- « L'horreur du plein ciel » Éditions Rencontre collection « Chefs-d’œuvre de la science-fiction » 1970
- « L'horreur des altitudes » Union Générale d'éditions collection « Les maîtres de l'étrange et de la peur » 1981.
- « L'horreur du plein ciel » dans le volume « La ville du gouffre » Nouvelles Éditions Oswald N°24. 1981.
- «L'horreur des altitudes » Éditions 10-18 collection « L'aventure insensée »1987 - N° 1853.
- « L'horreur en plein ciel » Éditions Robert Laffont collection « Bouquins, les exploits du professeur Challanger ».1989 ;
- « L’horreur du plein ciel » Nouvelles Éditions Oswald collection « L'intégrale de Sir Arthur Conan Doyle » Tome 1. 1986.
W.R.S. Stott, The Strand Magazine (1913)
Henry Reuterdahl, Everybody’s Magazine (1913)
Ruck pour la revue "Je sais tout" 15 Avril 1922
Virgil Finlay, Famous Fantastic Mysteries (1947)
Eric De Coulon, dans la revue "Le Magazine" 15 Avril 1926
Jean-Michel Nicollet Tome 1 de l'intégrale Néo 1986
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