Tout le monde connaît bien évidemment la célèbre revue « Le journal des voyages » qui, sur prés de 72 ans d’existence et pratiquement 2300 numéros, publia des articles, reportages, témoignages, documents et romans. Ces derniers couvrirent un large éventail, du roman d’exploration en passant par le roman d’aventure, populaire, fantastique et conjectural.
Avec un total de cinq séries, il est incroyable de constater la longévité d’une telle publication, championne toutes catégories de l’image choc, où tout ce qui n’avait pas les attributs de l’homme blanc, entrait dans la catégorie de la « sous-race », le « Journal des voyages » était le symbole type de toute une époque qui prônait un colonialisme à outrance pour le bien des « pauvres indigènes ». Mais il nous faut être objectif, le véritable filon de la revue, fut ses récits exotiques, romancés ou prétendument véridiques, qui emmenaient le lecteur au fin fond de l'Afrique sauvage, de la cruelle Asie ou de la pittoresque Amérique. Thévenin et Lermina, pour ne citer qu'eux, durent payer leur tribut aux histoires au fort parfum éxotique. Ah! ces mœurs choquantes, ces lents supplices infligés par les bourreaux d'Orient, narrés avec délice par les « journalistes » de la revue ! On imagine alors sans le moindre doute, le lecteur lambda qui, au fil des publications, suivait d'un œil horrifié pourtant teinté d'une certaine fascination, ces couvertures parfois complètement folles où s'affichaient les mœurs de peuplades inconnues aux rites étranges et qualifiées de barbares parce que dépassant l'entendement du citoyen moyen dit « civilisé ».
Le « Journal des voyages », c'est un condensé d’exotisme et de dépaysement, du voyage à bon marché, mettant toujours en avant, par le biais de ses extraordinaires dessins, ce que l'on nommera plus tard « Le choc des photos » . C'est ce qui fait actuellement tout le charme et l’intérêt de cette revue, cet immense vivier de talents où des illustrateurs comme Georges Conrad, Clérice, George Pierre Dutriac, Joseph-Charles Beuzon, Louis Bombled,Georges Montbard (pseudonyme de Charles Auguste), Albert Robida, Édouard François Zier, Eugène Damblanc, dit Damblans et tant d'autres... ,donnèrent cette solide réputation à ce « Journal des voyages » bien connu des amateurs du genre et plus particulièrement à toute une génération de Savanturiers en quête de récits extraordinaires. Une époque révolue où les artistes par leur habille coup de crayon et de pinceau, donnaient vie à des scènes qui du « mystérieux au tragique » nous procurent encore, pour d'un siècle après, ce même petit frisson de l'aventure.

Sur ces illustrations, rien n'est figé, les couleurs vous pétent à la fuigure avec des planches d'une extrême vivacité, la magie opère et d'un simple coup d’œil le lecteur se retrouve plongé au cœur de l'action : une époque lointaine où d'un trait inventif, l'artiste savait attirer l'attention de son public !
Comment ne pas être durablement marqué par la magnifique couverture de Robida pour le roman, inédit en volume » de William Cobb (Jules lermina) « Mystère -ville » (4 décembre 1904) ou cet autre tout aussi inédit de Jules Lermina « To-Ho le tueur d'or » (2 Juillet 1905) trop méconnu du grand public, comment rester insensible à cette couverture de Joseph Beuzon pour « Les reclus de la mer » (7 juillet 1907) de Maurice champagne avec ce scaphandrier aux prises avec ce redoutable requin. Exotisme, aventure, conjecture sont les maîtres-mots des artistes qui vont s'en donner à cœur joie et la liste est impressionnante, jugez plutôt : « Droit au pôle Sud » (4 novembre 1900) de Émile Chambe, le « Le sous-marin le vengeur » (1 décembre 1901) de Pierre Maël, « Le triangle rouge » (15 juin 1902) de Fernand Noat illustré par Louis Tinayre ,« L'archipel des monstres » (2 décembre 1906) de Louis Boussenard illustré par Conrad, « La cité des tortures » (4 novembre 1906) par René Thévenin illustré par Conrad, « L'automobile de verre » (17 octobre 1907) de Paul d'Ivoi illustré par Louis Bombled , « Sous les griffes du monstre » (14 juin 1908) de René Thévenin illustré par Dutriac ,« Robinsons de l'air » (8 novembre 1908) du capitaine Danrit illustré par Dutriac et repris par Conrad le 3 janvier 1909, « Le meurtrier du globe » (15 mai 1910) par G,de Wailly illustré par Conrad, « La proie des sirènes » (21 août 1910) de René Thévenin illustré par Dutriac, « L’âme du docteur Kips » (16 juin 1912) de Maurice Champagne illustré par Dutriac, « Le chevalier illusion » (29 décembre 1912) par Paul D'Ivoi illustré par Conrad et probablement l'une des couvertures la plus marquante de la série, « Le château hanté » (7 octobre 1912) de René Thévenin illustré par Conrad …....
A cette liste s'ajoute celle des articles, nouvelles relevant de notre domaine qu'il s'agisse d'arbres anthropophages (numéro du 8 septembre 1878) de revenants et autres légendes populaires ( numéro du 5 mai 1907 ou 13 mars 1910), d'habitants d'autres planètes (numéro du 12 février 1901) de fin du monde ( 19 janvier 1902 ou 29 novembre 1903) de Cryptozoologie ( 18 janvier 1914) ou d'images insolites et extraordinaires ( 14 février 1904 ou 14 mai 1905), tout est fait pour susciter la curiosité du lecteur et lui montrer une image du monde sous son coté le plus extraordinaire ;
Sans nul doute, le « Journal des Voyages » fut une revue unique en son genre, un régal pour les yeux car extrêmement coloré et attractive pour les rats de bibliothèques que nous sommes et surtout la preuve qu'à une époque, le talent d'un artiste pouvait à lui seul être un argument de vente et surtout parvenir à nous faire voyager et frissonner tout en restant bien confortablement assis dans notre fauteuil.
Souhaitons que cette galerie de couvertures et d'illustrations parviendra à vous procurer ce même plaisir.

Mais je vous laisse jiger par vous même.
Bon voyage !