Il y a comme ça des livres qui brûlent d'un
feu intense et qui dégagent une telle force d'attraction qu'il vous est impossible de passer à coté sans le prendre dans les mains. Quel lecteur suffisamment curieux n'aurait-il pas en effet envie de
le saisir et de le feuilleter ? C'est à ce moment que la magie opère, que les pages libèrent ce substrat aussi vieux que le monde et qui réveille en vous l'histoire des origines, où le monde
était régi par des forces que l'homme percevait comme les manifestations de divinités d'une nature qui, selon ses humeurs, pouvait tout aussi bien prendre que donner. Un monde où l'on était attentif
au moindre de ses signes, respectueux de ses moindres caprices et de fait habité par une fatalisme relevant plus de la vénération que de la soumission. Dans ce livre « ovni » dont la
couverture exerce un fascinant pouvoir attractif, il y a l'histoire du monde, mais aussi d'un homme et d'une femme, d'un destin, du courage, du sacrifice, d'un rituel initiatique, d'un voyage hors du
temps et de l'espace....... « Tout au milieu du monde », c'est le livre des origines, où tout pourrait avoir commencé, où tout pourrait se terminer, un cycle, un immense siphon où le
lecteur se trouve aspiré, transporté, émerveillé ! Il pourrait être le commencement de ce fantastique qui puise ses origines au début du règne des hommes où le bruit d'une nature aussi féroce que
merveilleuse était aussi bien l'objet de craintes que de fascination. Il suffisait de tendre l'oreille pour en percevoir toute la magie qu'elle pouvait nous livrer et dans cet immense livre ouvert,
l’être humain y a puisé le ferment d'une mythique et extraordinaire histoire. En lisant ce puissant roman graphique, je n'ai pu m’empêcher de penser à Castaneda et à ce film incroyable de Nicolás
Echevarría « Cabeza de Vaca » œuvre culte que ce voyage d'un explorateur Espagnol au XVIéme siècle, plongé dans le monde du chamanisme.
Ce récit de Julien Bétan, Mathieu Rivero et Melchior Ascaride, est plus qu'un simple livre, c'est une porte ouverte vers un voyage initiatique qu'il vous sera possible de vivre comme vous l'entendez
et c'est probablement l'un de ses forces principales, car en y mêlant texte et dessins, loin de vous imposer une ligne de conduite, il vous permet bien au contraire de vous détacher du support et de
vous laisser emporter par votre imagination. Car la force du talent de cet artiste de génie est de déstructurer son graphisme, certes de conserver des lignes conductrices, mais de laisser
suffisamment de place au lecteur pour y apporter sa propre vision. Jamais je n'ai ressenti une telle liberté entre texte et dessin et, à l'image de ce tableau du film de Kurosawa dans
« Rêves » je me suis senti littéralement projeté à l'intérieur du roman, aux côtés des trois explorateurs en route vers un voyage et une contrée qu'il sera libre à chacun
d'interpréter.
Dans un village dont on ne connaît pas la situation temporelle, mais il pourrait être situé aux origines du monde comme dans un coin perdu de notre époque, des signes avant-coureurs d'une catastrophe
imminente poussent son chamane à partir dans une lointaine contrée, celle du cimetière des géants, à la recherche d'un nouveau talisman de protection, une dent en provenance de ces mythiques
créatures. Le monde est en pleine déliquescence, un parasite vient gangrener le puissant totem de la communauté, les animaux donnent naissance à des monstruosités.....il est grand temps de se mettre
en route !
Amouka le chamane en compagnie de Ushang son jeune disciple et Soha la puissante et silencieuse guerrière décident alors de se lancer dans un périple qui vont les conduire vers la mort ou la vie à
moins que ce ne soit le salut de leur village ou du monde qui les entoure. Amouka est le guide, celui qui fait le lien étroit entre ce qui est et n'est plus, celui qui converse avec des forces qui
nous dépassent, mais un homme vieillissant perclus de douleurs, peut-il à lui seul porter un fardeau aussi lourd ?
Le texte est fluide et captivant servant de miroir au dessin qui à son tour se reflète dans les lignes d'une écriture prenante et parfaite. Je me suis laissé emporté par la puissante imagination aux
relents épiques, aux subtiles fragrances de ces récits des âges farouches où l'homme et l'animal luttaient d'égal à égal pour tenter de survivre dans un monde qui n'accordait que peu de place aux
plus faibles. Il y à tout au long de leur périple des moments d'une extrême beauté , d'une grande poésie à la fois cosmique et barbare lorsque Amouko lors de l'une de ses transes, rêve de la grande
araignée céleste dans une descriptif à donner le vertige , ou se passage de la lutte acharnée entre Soha et cette horde de sangliers , monstres sanguinaires animés par un implacable instinct animal .
Probablement le personnage qui m'a le plus fasciné dans ce roman ! Mais il ne s'agit là que d'ennemis en chair et en os, il en sera tout autrement lors de la confrontation avec les créatures de
pierres qui de leur puissance minérale écrasent tout sur leur passage, ne cédant à aucun compromis........Un monde fantastique où il est impossible de faire la part des choses : sommes nous dans
la réalité d'une œuvre romanesque ou dans les rêves d'un roman initiatique ?
Tout cela va s'achever vers leur but ultime, une contrée qui va mettre à mal leur vision du monde, un champ d'expérience hors du commun que deux des aventuriers vont vivre chacun à leur manière afin
de trouver des réponses à leurs questions. Ainsi, le monde qui les entoure , va-t-il prendre un aspect bien étrange, à moins que ce ne soit leur propre perception qui se mette à basculer dans
une dimension qui dépasse leur entendement. Le cours de la vie semble vouloir faire selon ses caprices et son humeur, le chamane et son disciple plongent au cœur d'une expérience métaphysique hors du
commun.....mais dans ce voyage aux frontières du temps et de l'espace, qui est qui ou quoi exactement ?
« Une ombre furtive passe.......puis du blanc seulement » l'écriture au fil des pages se fait plus asymétrique, comme si le langage ne devait plus être un mode de communication,
les phrases se font alors plus courtes pour finir de disparaître complètement et ne laisser la place qu'à l'expression picturale. Une forme narrative qui non seulement nous fait retourner à l'art
primitif où le dessin était le seul mode de transmission, mais aussi pour laisser libre cours au lecteur de terminer lui-même sa propre histoire, de lui laisser la place à son propre cheminement, ne
rien lui imposer. Ce récit est en quelque sorte le sien, libre à lui d'interpréter les dernières planches qui sont à l'avenant du reste du volume, l’expression d'un artiste hors du commun qui de par
son talent et son extrême sensibilité est parvenu à faire corps avec les mots et toucher au plus profond notre sensibilité de lecteur bien souvent à fleur de peau.
Un magnifique travail collectif réalisé avec brio, porté par la bienveillance d'un éditeur qui, en leur accordant toute sa confiance, révèle au grand public une forme narrative qu'il était grand
temps de mettre à l'honneur. Souhaitons que le travail de Melchior Ascaride soit un jour récompensé par un ouvrage d'art qui lui serait entièrement consacré, car il ne fait aucun doute que nous avons
là un artiste fascinant qui n'a pas fini de faire parler de lui.
Si vous avez une once de sensibilité et l'envie de vivre une expérience littéraire hors du commun, vous savez ce qu'il vous reste à faire les amis !
« Tout au milieu du monde » Un roman graphique de Julien Betan, Mathieu Rivero illustré par Melchior Ascaride. Éditions « Le Moutons Électriques » 2017
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