Ouvrir un ouvrage de Brice , c'est toujours « savanturer » dans des mondes étranges et inconnus, ouvrir la porte d'une échoppe à l'apparence banale mais qui en réalité s'avère être le chantre de l'horreur et de nos terreurs les plus anciennes. Lorsque je me plonge avec délectation dans une de ses nombreuses nouvelles, il m'arrive souvent de repenser à cette histoire terrible qui ne cesse de me hanter et où l'on suit le parcours d'un homme dans une maison réputée hantée. Il l'explore avec un de ses amis et pendant tout le texte il partage ses moindres impressions mais à la fin il découvre que depuis le début, son ami a disparu et qu'il fait la conversation avec « quelque chose d'autre ».
Brice Tarvel c'est un peu ça, vous prendre par la main, vous rassurer, vous mettre en confiance et brusquement lorsque vous vous apercevez vers quels endroits horribles il veut vous emmener, il est
déjà trop tard. On ne mesure pas toute l'importance de l'œuvre immense de ce pétillant personnage qui, toute sa vie durant, consacra son existence à l'écriture. En fidèle artisan d'une littérature
qui fut considérée pendant longtemps comme mineure, avec une patiente et une rigueur exemplaire il constitua une véritable anthologie des littératures fantastiques au travers d'une multitude de
nouvelles et de romans, disséminées dans un nombre incalculable de revues, de magazines et de fanzines. De cette passion, que dis-je, de ce véritable amour pour les littératures populaires dont il ne
cesse de revendiquer la paternité dans une œuvre riche et foisonnante, il ne cesse de rendre hommage en demi teinte, mais dans un style qui lui est propre, à une multitude d'auteurs qui marquèrent
son existence et qui trônent fièrement sur les étagères bien encombrées de ses bibliothèques. Car il est l'homme discret et plein d'humour qui jamais ne renie ses origines littéraires, restant
profondément attaché à ses racines de l'imaginaire qui au fil du temps « façonnèrent » cet écrivain, ce conteur du fantastique, ce dépositaire d'un patrimoine populaire qui n'est pas sans me rappeler
Claude Seignolles , Jean Ray ou Thomas Owen.
Point n'est besoin de discuter d'avantage et si l'un de mes gros défauts et de tomber rapidement dans l'emphase, il vous faudrait pour vous convaincre de cette diatribe quelque peu ostentatoire, vous
munir du recueil paru dernièrement chez Rivière Blanche « La chair sous les ongles » pour comprendre probablement cet enjouement qui est le mien.
Composé d'un court roman et de onze nouvelles (dont une inédite « La tanière des pantins ») pour la plupart réécrites, ce volume témoigne d'une grande richesse thématique puisant son inspiration, non pas dans des histoires hallucinantes de créatures monstrueuses et de toute la panoplie d'un fantastique de bazar, mais dans cette horreur quotidienne, d'apparence souvent anodine qui nous prouve souvent que le monstre est en nous et qu'il n'y a pas plus terrifiant que les secrets qui se cachent derrière les personnages les plus insignifiants.
En puisant dans cet immense réservoir que peuvent être les faits divers ou les histoires colportées dans les bourgades en apparence si tranquille, l'auteur se saisit alors de ce « petit rien » qui
brusquement peut faire basculer cette vision si rassurante d'un monde où la normalité semble de règle.
Avec une sorte de mélancolie dans le ton de ses histoires qui bien souvent font la part belle aux femmes, il conduit le lecteur dans un climat qui trouve toute sa force et son originalité dans une
atmosphère étrange et ouaté, souvent pleine de délicatesse et de poésie. Dans ce fantastique que j'aime bien à qualifier de typiquement Français et dont la défunte collection « Angoisse » porte
toutes les marques de son identité, Brice excelle y évolue, tel un fantôme dans son monde éthéré, avec toute la grâce et l'aisance d'un auteur qui en a fait son univers propre. Un univers peuplé de
fantômes, de créatures évanescentes chargées du poids de terribles malédictions, d'êtres humains ballottés entre deux mondes qui se disputent leur lot d'âmes fraîches, de pauvres hères poursuivis par
le poids de leur passé. Une impression de malaise qui se renforce par l'originalité de chacun des titres de ses nouvelles, pleines de charme et qui révèlent une fois de plus le talent de cet immense
conteur du bizarre.
Le premier texte « La chair sous les ongles » publié dans le N°117 de la défunte collection Gore, pourrait en quelque sorte constituer
le plat de résistance, les gourmands commencent toujours par le meilleur, et ce n'est pas peu dire dans cette histoire de cannibalisme. Pour un peu nous aurions presque de l'empathie pour Gilbert
Joussin, personne taciturne et solitaire qui vient de perdre sa mère et par là même la seule personne en mesure de pouvoir assouvir ces redoutables appétits. Mais ne sommes nous pas en mesure de
pardonner cette singulière déviance dont il ne peut se défaire ? Il va donc falloir qu'il se débrouille seul afin de trouver son abominable pitance et le moins que l'on puisse dire, c'est que son
chemin va être jonché de cadavres. Une histoire trouble et bien menée où les différents protagonistes sont autant de personnages hauts en couleur qui vont parfois, pour leur plus grand malheur,
croiser le chemin de ce redoutable mangeur de chair humaine. Mais le destin est capable de nous jouer de forts belles surprises , les monstres aussi peuvent rencontrer l'amour, même si l'on est
capable de d'aimer d'une façon somme toute assez particulière.
Un roman « Gore » tout en nuance, faisant preuve d'une grande habileté car il s'attarde sur la psychologie du personnage principal, tout en nous réservant quelques scènes bien dégoulinantes de sang
frais. Loin des explosions souvent écœurantes de ce genre de littérature, un roman qui sous une apparente sobriété, nous dévoile un anthropophage hors du commun qu'il vous sera d'ailleurs possible de
retrouver dans le tout aussi excellent « Bal des iguanes ».
Dans « Bouche à nourrir » la première des nouvelles du recueil, nous voilà à la découverte d'une étrange malédiction qui frappe une
jeune fille et dont la tragique histoire ne pourra que la conduire vers une fin dramatique : Qui à dit que le lait maternel était bon pour la santé ?
Le texte suivant « Ce lac aux eaux froides » devrait combler de plaisir les amateurs de H.P.L. Toutefois, cette dernière se démarque de
l'auteur de providence avec cette touche toute Française, dans une atmosphère proche des vielles légendes locales. L'héroïne va découvrir à ses dépends qu'il n'est pas toujours bon de renouer avec de
vieilles connaissances.
« Le mort dans le verre vide » est une de mes préférées, car ici également elle ressemble à une histoire racontée au coin du feu pour
faire peur aux enfants et si un jour on vous a certifié qu'il était possible de berner la mort , lisez cette nouvelle, vous y réfléchirez à deux fois : sobre et d'une grande efficacité.
« La petite fille dans le cimetière » met à l'honneur une jeune fille qui, en voulant défier l'ordre établi par dame nature va essayer
de déjouer son implacable volonté. Telle mère, telle fille...vraiment ?
« La tanière des pantins » me fait penser à une nouvelle dans la grande tradition du fantastique Belge. Une histoire terrifiante qui
nous prouve que la curiosité est un vilain défaut et qu'il n'est jamais très bon de pousser la porte de l'inconnu. Vraiment excellent !
« L'auberge de l'effroi » bien que relativement courte est une autre incursion dans ce que l'on pourrait appeler les maisons hantées. Le
genre d'endroit où il ne fait pas bon faire une petite halte, même en cas d'une grande fatigue.
« Le fabricant d'éternité » est un hommage à un auteur ayant une grande affinité pour les créatures artificielles. Je ne voudrais pas
trop vous en dire bien que Brice, dans sa petite présentation déflore un peu le sujet de la nouvelle et l'effet de surprise. Et c'est d'ailleurs le seul reproche qu'il me sera possible de faire dans
ce volume.
« Le journal d'un homme mouche » que j'avais lu il y a fort longtemps dans la revue « L'impossible » m'avait à l'époque bien étonnée, et
même si l'effet de surprise ne fut plus au rendez-vous, j'ai trouvé cette nouvelle fort oppressante et d'une grande sensibilité.
« Les doigts de foudre » est une nouvelle toute particulière puisque appartenant à mon genre de prédilection « les détectives des
ténèbres » et publiée à l'origine dans l'extraordinaire revue « le Fulmar » . Je crois qu'elle fut, avec les deux nouvelles du cycle de « Brice Flandres » (paru dans
la revue « l'impossible ») et bien évidemment celles de Harry Dickson, à m'avoir donné envie de lire ce genre de textes. Dans cette aventure menée tambour battant on retrouve tout ce
qui fit le charme de ces histoires baignées dans les brumes spectrales de Londres où l'horreur et la mort peuvent venir vous frapper à tout bout de champ. Un singulier personnage que ce Max Corbelin
et l'on regrette qu'il se soit volatilisé dés sa première enquête « officielle » pour s'en aller rejoindre le territoire des âmes perdues.
« L'escalier de nulle part » risque probablement de vous entraîner vers un endroit peu recommandable. Il faut toujours se méfier de ses
voisins car la solitude est mauvaise conseillère et à vouloir rompre la monotonie du quotidien, il y a des rencontres qui peuvent se révéler fatales.
La dernière nouvelle « Pour qu'un soleil se meure » est certainement la nouvelle la plus touchante et la plus désespérée du volume. On y
découvre les affres d'une créature qui se trouve enfermée dans un endroit sombre et répugnat. Un enfant « Moche » qui ignore tout de sa présence dans ce lieu sinistre, qui rêve d'un monde meilleur,
un endroit semble t-il ou le soleil est à la portée de tous. Mais « Satan » son geôlier en a décidé autrement et lorsque enfin la libération arrive, la réalité est d'une tout autre nature. Un récit
poignant et d'une extrême sensibilité. Un sujet d'une sordide actualité et qui nous plonge dans la cruauté et la perversion de l'âme humaine.
Au final une anthologie qui nous révèle une belle facette de cet auteur à l'imaginaire puissant et qu'il était grand temps de ressortir en raison de la rareté de certains textes publiés depuis plus de quarante ans dans des revues qui se font d'une extrême rareté...c'est vous dire le paquet d'années d'expérience du bonhomme !Saluons donc « Rivière blanche » pour avoir eu l'excellente idée de nous concocter ce précieux volume.
Avant d'en terminer, je voudrais également féliciter Danièle Serra artiste Italien à l'immense talent dont il vous est possible d'admirer l'extraordinaire travail sur
d'autres couvertures du même éditeur. La couverture pourra « dérouter » certains lecteurs car il ne semble pas y avoir de lien directe, mais je pense que son intention n'était pas d'illustrer ce
premier texte, mais de donner le ton , par de subtiles nuances de blanc et de noir, à l'assemble des nouvelles du recueil. Il est parvenu à faire sortir toute l'angoisse et l'étrangeté de l'ensemble
des nouvelles en fixant sur papier un instantané de cette peur insidieuse qui vous colle à la peau comme un cauchemar vivant et dans l'attitude des personnages ainsi couché de main de maître, on
retrouve toute l'essence de l'esprit et de l'univers fantasmagorique de Brice Tarvel.
Je ne peux que vous conseiller la lecture de cette petite perle noire qui vient ainsi de surgir d'une bien belle rivière blanche.
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