Vous connaissez tous (sinon vous n'avez rien à faire dans le club des Savanturiers) les éditions Baskerville, dirigées par notre ami Jean-Daniel Brèque qui nous propose des textes d'une grande qualité toujours accompagnés de notices érudites et passionnantes. Mais Baskerville, c'est aussi des éditions numériques qui proposent sur version électronique, la même rigueur et la même qualité de travail frôlant, pour notre plus grand plaisir, une maniaquerie des plus appréciable. Je viens pour ma part de lire, et vous comprendrez pourquoi, un texte de Robert Barr intitulé "A deux doigts de la fin du monde" et si le titre ressemble à si méprendre à celui du colonel Royet édité dans la mythique collection Ferenczi « Le roman d'aventure », les intentions ne sont pas identiques car en ce qui concerne la thématique du texte de Royet il s'agit plutôt de celle du Savant fou et de l'invention d'une arme redoutable alors que pour celui de Robert Barr nous sommes en présence, certes d'une invention extraordinaire, mais surtout du fait de la folie des hommes.
Cette « A deux doigts de la fin du monde » au titre explicite et lourd de conséquences fait preuve d'une grande originalité abordant une problématique qui ne fut jamais traité dans le domaine conjectural ou presque....En effet il s'agit d'une fin du monde par excès d'activité humaine et de l'extraction intensive de l'azote de l'atmosphère, élément nécessaire à la composition d'un aliment chimique. Il est clair que si ce procédé permet de nourrir des millions de ventres affamés, le résultat sera catastrophique sur leur comportement. Eugène Mouton dans sa nouvelle "Origine de la vie" avait de son coté rédigé une nouvelle sur une fin de monde également liée à l'activité humaine. Dans "Quand l'air vint en manquer" de Pascal Bastia, c'est également un problème respiratoire qui sera la cause d'une panique mondiale, mais là aussi le pire sera évité de justesse. Remarquez, dans le texte de Barr, ce n'est pas une asphyxie qui menace la vie des hommes mais plutôt un excès massif d'oxygène, mais je vous laisse le plaisir de découvrir les causes exactes du cataclysme, ne voulant pas déflorer le contenu de la nouvelle. Preuve en est qu'il s'agit d'une thématique fort prisée par les auteurs et il faut accorder à Robert Barr l'avantage d'avoir, en si peu de lignes, dégagé une telle tension avec un sens aussi subtil de l'humour et du drame. En effet dans cette nouvelle la terre va finir dans la joie et la bonne humeur, presque comme une farce, comme le fut le roman de Mac Orlan "Le rire jaune" où une épidémie de fou rire va détruire une bonne partie de la population.
Une fin du monde originale, amusante bien menée avec des chapitres extrêmement courts mais souvent puissants comme ce final avec force descriptifs en peu de mots, de villes entières dévastées. De plus l'hypothèse scientifique avancée est assez audacieuse et excitante pour y trouver un certain crédit et une certaine plausibilité. . Saluons aussi le fait d'avoir soulevé bien avant l'heure un problème écologique, un drame à l'échelle mondiale dont personne ne semble se soucier en raison de la portée financière de la dite invention

Il n'était que justice que d'exhumer cette petite merveille, ignorée de Versins et de son encyclopédie et gageons qu'elle parviendra à séduire un public amateur de curiosités littéraire.
Encore bravo et merci à Jean-Daniel pour son travail d'éditeur et de traducteur, une collection qui fera la joie des véritables passionnés de ces littératures de l'imaginaire et des autres et je ne peux que vous encourager à aller faire un tour sur son catalogue où qualité et originalité sont de rigueur.