" Joseph Altairac & L'anticipation Ancienne: Une longue Histoire D'amour !"
Amoureux des littératures de l'imaginaire et de cet excellent breuvage odoriférant le maintenant éveillé lors
de ses longues nuits de lecture, Joseph Altairac est une des grandes figures de la science-fiction Française, un érudit discret et sympathique qui passe le plus clair de son temps à compulser,
archiver, répertorier une masse impressionnante de livres et documents qu'il entasse dans sa maison bibliothèque. Esprit vif et curieux, il donne sans compter et la présence de son nom dans plusieurs
collections, revues, magazines et fanzines est la preuve de sa grande disponibilité et générosité à l'égard des territoires de l'imaginaire.Tout amateur qui se respecte possède au moins chez lui le
colossal « Les terres creuses » réalisé en collaboration avec le non moins érudit Guy Costes, complice de toujours avec qui il prépare une autre surprise de taille pour les conjecturopathes
Français, tout comme les autres ouvrages toujours chez Encrage dans la collection « Référence » en hommage à H.G,Wells et Alfred E.Van Vogt, auteur qu'il
retrouvera dans le tout aussi copieux volume que les éditions de l'œil du Sphinx lui consacreront. Arpenteur infatigable il collabore avec Alfu à la collection « Travaux » toujours
chez encrage , en proposant aux aficionados de Lovecraft un fort belle collection bourrée d'informations, dont la plupart proviennent de ses très recherchés 14 numéros du précieux « Études
Lovecratienne ». Mais il faut lire avec délectation ses fameuses rubriques « L'expresso de l'oncle Joe » sur le site de ActuSF et « Café, SF et assimilé (même de
très loin) » sur Facebook, qui chaque matin ravissent nos zygomatiques tout en nous apportant la preuve que les plus belles découvertes en matière de littérature sont plus souvent le fait
du hasard que d'une traque acharnée chez libraires et bouquinistes ( les habitués de la rubrique « Café ,SF et assimilé » comprendront). Un homme qui s'intéresse à tout (essayez d'aborder
avec lui les domaines scientifiques, de la Seconde Guerre mondiale et de l'opéra et vous comprendrez), d'une grande culture et surtout, surtout d'un mémoire prodigieuse, car le bougre d'homme est
capable de se rappeler d'une bande dessinée de SF qu'il a lue à l'age de sept ans dans un de ces périodiques d'avant-guerre dont il est si friand .Joseph , c'est surtout et avant tout un grand
connaisseur d'anticipations anciennes, un fin limier du merveilleux scientifique si cher à notre cœur et nous ne serons donc pas étonnés de le retrouver dans quelques revues amateurs qui font toute
le charme de notre quête perpétuelle, où l'on retrouve des références d'œuvres hélas oubliées et constituant pourtant les bases de la science-fiction de notre pays. Si le « bulletin des
amateurs d'anticipation ancienne et de littérature fantastique » reste la référence la plus connue dans ce domaine, la plus riche et la plus recherchée, il participa également à la revue
« Encrage » et dans le tout aussi intéressant « Le petit détective » , revue éphémère qui pourtant avec seulement sept numéros, vint à l'époque enrichir notre
base de données en matière d'œuvres de SF ancienne. Autant de précieux articles, disséminés dans l'immense base de documentation qui dorment dans nos bibliothèques et je pensais qu'il n'était que
justice de les ressortir au grand jour afin d'en faire profiter, chercheurs, amateurs et curieux pour qui elles se révéleront fort utiles. Avec l'autorisation de Joseph , je vais donc reproduire dans
cette rubrique «Les histoires de l'oncle Joe » ( les amateurs de la revue « Spirou » apprécieront) l'intégralité des ses articles parus dans la revue « Le
petit détective », suivront probablement d'autres, en provenance du « Bulletin » et qui sait ? sera t'-il possible également de regrouper ses merveilleuses rubriques
publiées dans la revue «Encrage »
Pour le moment, place à cette littérature au goût suranné, ces merveilleux « nids à poussière » dont il s'est fait, avec beaucoup d'autres, le merveilleux porte parole.
Cette premiére rubrique d'une longue série à venir fut publiée dans la revue « Le petit détective » N°3 du mois de Mai 1986
Que l'auteur de « La Roue Fulgurante » se soit intéressé au moins superficiellement, à l'occultisme, nul ne l'ignore (1). Mais alors, se demande-t-on souvent, pourquoi ce prolifique auteur n'a-t-il jamais joué franchement le jeu du fantastique ? Pourquoi ses connaissances en matière d’occultisme et de surnaturel n'ont-elles servi qu'à épicer des romans essentiellement tournés vers l'aventure ?
Une exception cependant; sous le pseudonyme d’Edmond Cazal (2),
Jean de La Hire publiera un remarquable recueil de nouvelles fantastiques ayant pour titre « Les nuits de l’Alhambra » (Librairie Ollendorff, 1923).
Sous le signe d'Edgar Poe et de Nostradamus
« Enfin, ce fut fini. Toutes les briques étaient enlevées. D'un élan je fus au flambeau. Je l’empoignai. Je revins. Et ce que je vis !.. Deux cadavres, assis face à face, appuyés aux dossiers opposés d'une couchette qui occupait toute la largeur d'une petite chambre étroite, basse et longue. En robe blanche et les cheveux épars, celui de gauche était une femme, l’autre un hommê*. Une corde liait leurs mains et leurs pieds. Et entre eux, suspendue au mur, il y avait la pendule, une vieille pendule à colonnettes..„ Je vis tout cela dans le temps d’un éclair, avec un relief prodigieux. »
Cet extrait de « La Pendule », première nouvelle du recueil, montre clairement que Jean de La Hire cherche à suivre les traces d’Edgar Poe: le thème, d’abord, celui de l’enterré vivant, si cher à l’auteur de « La barrique d'amontillado »; le style ensuite, très descriptif, mettant en évidence les détails propres à effrayer le lecteur.
« La pendule » n'est pas le seul récit de cette veine: dans « Une nuit au couvent », une jeune femme manque d'être enterrée vivante dans une crypte par les supérieurs du couvent où elle est enfermée !
Jean de La Hire va beaucoup plus loin dans « La jeune morte », conte aussi terrifiant qu'émouvant: le héros tombe amoureux d'une jeune femme. On lui apprend sa mort. Un terrible pressentiment le pousse alors à exhumer le cadavre de sa bien aimée: elle est vivante, simplement tombée en catalepsie. Mais la joie du jeune homme sera de courte durée, puisque, après une nuit d'amour, son aimée retournera à la tombe, définitivement cette fois.
Il serait cependant injuste de ne voir en Jean de La Hire qu'un simple épigone d'Edgar Poe. Plusieurs autres nouvelles sont assez originales et doivent peu au maître américain: « L'eau de Jouvence » traite du thème de l'immortalité, « Au seuil de l'inconnu » et « De Profundis Clamavi » sont deux impressionnantes nouvelles sur la parapsychologie. Et puis il y a l'histoire la plus marquante du recueil, « Le Satyre du Généralife » où l'on voit une statue de satyre s'animer, violer puis assassiner des jeunes femmes ! Un texte tout à fait digne de « Weird Tales ».
L’ouvrage se termine sur une série de nouvelles plus poétiques, réunies sous le titre « Le fantôme des jardins et des vieux murs de Provence »; l'on y apprend que Nostradamus n'était pas seulement l'auteur de célèbres prophéties (3)» mais aussi un puissant magicien capable de créer des fantômes...
Une réussite sans suite
Jean de La Hire, après « La roue fulgurante » aurait pu devenir un grand écrivain de science-fiction s'il n'avait pas choisi la voie du roman- feuilleton. Les contraintes qu'impliquent ce genre l'obligèrent à tirer sans cesse à la ligne et donc, dans une certaine mesure, à gâcher son talent. Après lecture de ce recueil, nous ne doutons pas qu'il aurait pu être un grand écrivain fantastique. Le fait de choisir un pseudonyme pour le publier semble prouver que le nom de Jean de La Hire était déjà lourd à porter et risquait de rebuter le public « sérieux »..
Le succès ne couronnera pas cette entreprise (4): Jean de La Hire était condamné à ne rester qu'un feuilletoniste, pour la joie du plus grand nombre.
Joseph Altairac
Notes :
1) L'envoûtement, le magnétisme, la transmigration des âmes, les sciences secrètes sont des thèmes souvent abordés par l'auteur, plus spécialement dans la série des aventures du Nyctalope. Pour s'en convaincre, lire l'article de Yves Olivier- Martin « Les sciences occultes » dans le Cahier « Jean de La Hire » dirigé par J. Van Herp (éditions de l’Hydre, Bruxelles, 1972).
2) Sous ce pseudonyme, on lui doit « Joe Rollon, l'autre homme invisible », un roman en forme de réponse à celui de Wells auquel il se réfère explicitement.
3) Les prophéties de Nostradamus seront utilisées dans un autre roman de l'auteur» « L’antéchrist » (en volume « La captive du démon » et « La Princesse rouge »).
4) Ce recueil est bien peu connu: il est mentionné dans la bibliographie du Cahier « Jean de La Hire » mais ne figure pas dans le « Panorama de la littérature fantastique de langue française » de J.B. Baronian qui cite pourtant des ouvrages bien moins intéressants.
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