« Le Prix Jules Verne »…Qui trop Embrasse Mal Etreint !
Lancé en 1927 par les éditions Hachette, en partenariat avec la revue « Lecture pour tous », le prix Jules Verne, récompense, une œuvre de fiction qui devra répondre à des critères bien précis, à savoir rester dans la continuité, sinon dans l'esprit de l'écrivain Nantais.
Mais visiblement cette condition, plus que de la servir, n'a fait que « plomber » cette louable entreprise en nominant des romans relativement fades, avec toutefois une exception « L'éther Alpha » de Albert Bailly, d'une qualité supérieure. En effet si l'on fait un peu le tour des huit œuvres récompensées il est un peu affligeant de constater qu'il ne s'agit que de textes d'aventures un peu exotiques, où la touche conjecturale n'a que peu d'importance, un élément insignifiant de l'intrigue et non l'élément moteur.
Pourtant comme l'a si bien écrit Bernard Heuvelmans :
« Jules Verne n'a pas créé l'avenir, il a fait mieux : il a engendré ceux qui l'ont créé »
Avec un tel énoncé la donne était pourtant prometteuse, mais à trop vouloir recopier (toujours très mal) plagier ou imiter le « père fondateur », on arrive à toute une génération de romanciers à l'imagination pleine de retenues où bien souvent le contexte de l'histoire ne dépassera pas le cadre des possibilités scientifiques du moment.
Le drame à l'époque de la célébrité de Jules Verne, c'est qu'il est considéré comme un écrivain pour enfant, au talent certes indéniable, mais qui reste classifié en tant que tel. Un visionnaire un peu rêveur, qui reste en marge de la « vraie littérature ». En fait on a plutôt l'impression qu'il dérange, car il vient un peu bousculer l'ordre des choses avec ses idées fantaisistes où la science, cette chose abstraite car basée sur des théories, est l'élément indispensable à l'évolution de l'espèce humaine. En somme tout ceci n'est pas très sérieux !
Fort de sa renommée sans cesse croissante, on le tolère mais on le catalogue. Il devient la référence d'un genre nouveau mais qui hélas va déposer une sorte de chape sur la génération à venir. A trop vouloir faire du Jules Verne, on en devient vite une victime. C'est un peu l'impression qui se dégage de cette fameuse collection qui annonce elle-même les bases du projet :
« Les romans de Jules Verne ont orienté l'esprit de nos contemporains vers les sciences et développé chez bien des jeunes le goût des grands voyages aventureux. Dans les lettres qu'ils ont écrites, M le Dr Charcot, dont on connaît les belles explorations scientifiques, se déclare modestement son disciple, et Mr Belin, le savant électricien qui a réussi le premier à transmettre une image par ondes Hertzienne, nous dit que l'œuvre du célèbre romancier a exercé sur lui « une action incontestable ». Il n'y a donc pas intérêt à laisser péricliter une forme si précieuse de roman. Et pourtant elle subit une crise. Actuellement le roman scientifique ou d'exploration aux pays inconnus est trop souvent d'une documentation incertaine, d'une science fantaisiste, ou l'hypothèse ne repose sur aucune base solide. Or aujourd'hui, la science a pris une trop grande place dans notre vie pour qu'on la traite avec une plaisante désinvolture. C'est en elle et dans les perspectives qu'elle ouvre que l'imagination du romancier doit chercher son inspiration (...) IL faut en un mot revenir à la saine conception de notre Jules Verne dont on va bientôt fêter le centenaire. »
Dans ce texte on parle de « science fantaisiste » et de « saine conception de notre Jules Verne ». Une mise en garde contre tout débordement de l'imaginaire, un contexte scientifique, strict et rigoureux, pas de place aux chimères ou aux extrapolations. De plus il y a dans le ton du rédacteur, cette notion de « saine conception » : oser imaginer l'impensable est-il honteux, malsain et répugnant ? Serait-il préjudiciable de supputer que l'homme n'est pas la seule créature intelligente de l'univers, qu'il n'est pas le nombril du monde ?Le débat serait trop long pour évoquer ici toutes les aberrations de cette époque où un certain colonialisme triomphant, élevait l'homme blanc au rang d'être supérieur.......alors pensez des créatures venues d'un autre monde !
Afin de légitimer un peu plus cette théorie selon laquelle, le roman scientifique est une chose trop sérieuse pour être confiée à de joyeux fantaisistes à l'imagination trop débordante, on cite Charcot et Belin, des gens respectables et dont le savoir ne fait aucun doute. Lisons entre les lignes : soyons carré et rigoureux, ne nous éloignons pas du cadre scientifique, au risque d'ennuyer le lecteur. Un peu comme si la réputation de l'élite scientifique Française était en jeu.
Une excellente idée que d'avoir transformer le terme de « Roman scientifique » en « Imaginaire ou merveilleux scientifique », au moins cette terminologie laisse t-elle plus de place à quelques envolées extravagantes. Et puis cette notion de possession à l'égard de Verne : « Notre Jules Verne » à croire qu'il est un objet de culte, un élément unique et isolé dans le domaine de l'imaginaire et du roman scientifique.
Je respecte énormément l'auteur et toute son œuvre, il a de toute évidence un rôle de précurseur que je ne conteste absolument pas, mais à trop vouloir le placer tout en haut de l'échelle, on finit par en oublier les autres. La preuve s'il en est, à force d'étouffer un peu trop l'imagination des lauréats du prix Jules Verne, sur des bases un peu trop strictes, on assiste au couronnement d'une série au nom très ronflant mais qui au final est loin de tenir ses promesses : Rien qu'un ensemble de pétards mouillés.
Seule exception, comme je le disais au début, « L'éther Alpha ».Un roman assez audacieux pour l'époque, à la thématique intéressante : Un savant découvre une substance « l'éther alpha » qui va lui permettre de construire un appareil révolutionnaire avec lequel il va se rendre sur la lune. Il y découvre des sélénites, des êtres électriques, possédant une technologie très avancée et qui menacent d'éradiquer l'homme. Coup de théâtre, invention fabuleuses et situations trépidantes sont le lot de ce roman passionnant où les sélénites choisiront finalement de propulser « notre satellite » aux confins de l'univers à la recherche d'un voisinage plus adapté.
Je rêve parfois du changement du cour des choses si un esprit cabotin mais lucide avait eu la géniale idée de créer un prix « Albert Robida » ou « Maurice Renard ».
Le prix « Jules Verne » sera ressuscité en 1957, couronnant des ouvrages de la collection « Le rayon fantastique » chez « Hachette/Gallimard »
Les prix « Jules Verne »
- « La petite fille de Michel Strogoff » de Octave Béliard. Edition pré-originale dans la revue « Lecture pour tous » Juillet/Août/Septembre 1927. Illustré par G.Dutriac. Edition en volume « Collection Prix Jules Vernes » Librairie Hachette 1927. Illustré par G.Dutriac.
- « Quand le mammouth ressuscita » de Max Begouen. Edition pré- originale dans la revue « Lecture pour tous » Avril & Mai 1928. Illustré par De Bouché Leclercq. Edition en volume « Collection prix Jules Verne ».1928. Illustré par De Bouché Leclercq.
- « Le secret des sables » de J.L.Gaston Pastre. Edition pré- originale dans la revue « Lecture pour tous » Juin/Juillet/Août 1928. Illustré par G.Dutriac. Edition en volume « Collection prix Jules Verne ».1928. Illustré par G.Dutriac.
- « L'éther Alpha » de Albert Bailly. Edition pré- originale dans la revue « Lecture pour tous »Août/Septembre/Octobre 1929. Illustré par J.Touchet. Edition en volume « Collection prix Jules Verne ».1929. Illustré par J.Touchet.
- « L'île au sable vert » de Tancrède Vallerey. Edition pré- originale dans la revue « Lecture pour tous »Août/Septembre/Octobre/Novembre 1930. Illustré par H.Faivre. Edition en volume « Collection prix Jules Verne ».1930. Illustré par H.Faivre.
- « L'étrange menace du Professeur Iouchkoff » de Hervé De Peslouan. Edition pré- originale dans la revue « Lecture pour tous » Août/Septembre/Octobre 1931. Illustré par G.Dutriac. Edition en volume « Collection prix Jules Verne ».1931. Illustré par G.Dutriac. Apparemment ce titre n'existe pas au même format que les titres précédents (Format 13×19, relié avec jaquette)
- « L'étrange disparition de James Butler » de Pierre Palau. 1933. Parution en pré-originale dans « Lecture pour tous » ? D'après mes sources ce roman n'a jamais paru en volume dans la collection prix Jules Verne. Edité en volume chez Hachette « Bibliothèque verte ».1933.
- « Les vaisseaux en flamme » de Jean-Toussaint Samat. Edition pré- originale dans la revue « Lecture pour tous » Août/Septembre 1936. Illustration de G.Dutriac. D'après mes sources ce roman n'a jamais paru en volume dans la collection prix Jules Verne. Il existerait une édition en volume éditions « les loisirs » 1944.
« Prix Jules Verne » 2éme Série.
- « L'adieu aux astres » de Serge Martel. Hachette/Gallimard. Collection « Le rayon fantastique » N°57. 1958.
- « Surface de la planète » de Daniel Drode. Hachette/Gallimard. Collection « Le rayon fantastique » N°63. 1959.
- « La machine du pouvoir » de Albert Higon. Hachette/Gallimard. Collection « Le rayon fantastique » N°71. 1960.
- « Le sub-espace » de Jérôme Sériel. Hachette/Gallimard. Collection « Le rayon fantastique » N°82. 1961.
- « Le ressac de l'espace » de Philippe Curval. . Hachette/Gallimard. Collection « Le rayon fantastique » N°100. 1962.
- « Métro pour l'enfer » de Vladimir Volkoff. Hachette/Gallimard. Collection « Le rayon fantastique » N°118. 1963.
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