"L'autobus de minuit" de Patrick Eris: Ou comment se perpétuent les légendes urbaines
Cher Thomas/Patrick
Je viens enfin de terminer ton roman « L'autobus de minuit ». Le temps n'étant pas malheureusement flexible et ma boulimie de bouquins pas du tout
proportionnelle à de trop rares moments de lecture, il me fallut reporter à chaque fois la prise en main de ton ouvrage. Ce n'est pas par favoritisme vis-à-vis d'un collègue Savanturier et loin de
moi vouloir te jeter des fleurs (je pense que tu préfères les livres) et de te passer une quelconque pommade qui sur ta peau de coriace écrivain, n'aurait que peu d'effet, mais je dois te dire que je
me suis laissé emporté par ton histoire étrange et originale.
Dans cet ouvrage faisant référence à une légende urbaine, point de tueur en série pervers et sanguinaire ni de la personnification du mal sous les traits d'une créature de cauchemar mainte fois
utilisé au cinéma et en littérature, mais un « objet » d'apparence anodine dans lequel se tapit une créature millénaire. Poussée par une soif de s'abreuver à la fontaine intarissable des âmes
humaines, elle poursuit ainsi sa quête effrénée à la recherche d'un « réceptacle » capable d'abriter la noirceur de tout son être. C'est une histoire d'amour et de mort où un jeune homme se lance
dans une chasse impitoyable à la recherche de son amie disparue mystérieusement dans une rue sombre et déserte. C'est l'histoire du « Nettoyeur », l'exécuteur des « rebus » de l'humanité, une âme
sombre et maléfique dont la soif de destruction va se conclure d'une façon abominable. C'est l'histoire de trois destins qui vont se rencontrer au cour d'un final d'apocalypse, dans un chapitre fort
bien mené et l'on prend conscience de toute la mesure et de l'originalité d'une thématique assez difficile à réactualiser. Dans cet univers d'un Paris gris et froid, en parfaite adéquation avec le
ton du roman, l'auteur nous plonge dans un univers de la misère et de la solitude, une capitale qui, une fois n'est pas coutume, devient le lieu géométrique de toutes les terreurs. Un lieu inhabituel
où l'on chuchote à demi voix de terribles histoires de lieux maudits et d'objets maléfiques car la ville est le terreau fertile où va naître certaines légendes.... Il nous est alors possible de
ressentir tout le désespoir, le chagrin, la misère et l'horreur des personnages qui en sont les tragiques acteurs. Une ambiance fort réussie dont la main glacée et fantastique va vous entraîner comme
si de rien n'était, à une conclusion où les légendes urbaines ne disparaissent pas, elles se renouvellent.
Un agréable moment de lecture et ce n'est pas une vaine parole que celle de Patrick qui en début d'ouvrage remercie Graham Masterton. On retrouve certes ce coté original des vieilles légendes
réactualisées ou tout simplement inventées, mais avec cette touche évidente lui conférant toute son identité et sa particularité. Un roman d'une grande sensibilité, une visite guidée comme le dirait
Rodolphe Trouilleux » d'un « Paris macabre », envoûtant et original qui le place dans les réussites du genre : Bravo et merci !
Editions Naturellement collection « 2000.com »2010. Réédité chez l'incontournable « Malpertuis » dirigé par notre ami Jean-Christophe Thills
La littérature fantastique est de nos jours un exercice assez improbable en raison de l'épuisement d'un genre qui semble avoir depuis longtemps usé ses semelles
fantomatiques sur la longue route du succès. Bien souvent, il a le goût amer de la redite et certains auteurs qui si essayent n'ont malheureusement pas assez de souffle pour tenir en haleine le
lecteur qui, une fois sur deux, repose son livre avec ce sentiment de frustration et de cette pénible sensation d'avoir perdu quelques heures de lecture.
De nos jours, si l’écrivain ne possède pas un certain style d'écriture, s'il ressemble à tous les autres, nul doute qu'il sera vite oublié, ignoré, abandonné. C'est un monde, il me semble, assez
impitoyable, il n'y a en effet pas de place pour tout le monde où du moins, pour ceux ne possédant pas assez de talent pour venir occuper celle du cœur des lecteurs.
Patrick Eris est en tout cas de la race de ceux que l'on ne voit hélas pas assez souvent, mais dont la sortie de l'un de ses ouvrages attire l'attention du lecteur affamé que je suis. À l'image de
son autre roman que j'avais dévoré avec autant d'ardeur, « L'autobus de minuit », il prend le temps de créer l'ambiance dans laquelle il veut conduire le lecteur. Il tisse peu à peu cette gigantesque
toile où il va venir l'engluer afin de pouvoir mieux se rassasier de son incommensurable terreur.
De fait, dans son livre, il nous présente une situation somme toute assez banale, une jeune chômeuse, Karin Frémont, prête à tout pour trouver un emploi stable et qui accepte un poste de secrétaire
pour un auteur à succès, excentrique, peu exigeant et qui paye bien. La seule condition, est de rester discrète, loger chez son employeur et surtout ne le déranger sous aucun prétexte ! Tout
irait bien dans le meilleur des mondes si son nouveau job n'était entaché par la récurrence de certains rêves assez macabres qui viennent la hanter de façon traumatisante et puis il y a ces
disparitions mystérieuses et la présence de « l'homme en noir » qui ne cesse de la troubler et de l'effrayer. Persuadée qu'elle est sous l'influence néfaste de cette maison dans laquelle elle vie et
elle travaille, Karine pense trouver le salut lorsque son patron lui demande de chercher une nouvelle demeure loin de la fébrilité de la capitale. Oui, elle pense trouver enfin un repos salvateur,
mais si cette nouvelle maison lui révélait l'horrible secret de son employeur, si elle se préparait à vivre son plus abominable des cauchemars ?
Avec un thème relativement classique, l'auteur parvient à créer une atmosphère lourde et pesante tout en arrivant à capter notre attention d'une manière insidieuse et efficace. La tension monte
progressivement, il sème de temps à autre de petits éléments qui viennent titiller notre curiosité, en maintenant notre intérêt en éveil avec des personnages qui ne peuvent nous laisser indifférents.
Dame ! Lorsque l'on nous parle d'un écrivain spécialiste de l'occulte et qui a la charmante passion de classifier sa bibliothèque qui regorge de livres sulfureux, mais aussi d'éditions populaires où
il est question de sujets passionnants, comment résister ? Et puis il y a ce mystérieux homme noir que l'on rattache obligatoirement à ces bonnes légendes urbaines et qui me fait penser au roman de
G.J. Arnaud au titre justement évocateur de « L'homme noir ». Tout cela avec une lente progression qui tend vers un univers fantastique, rajouté par touches progressives et habillements distillées
pour mieux nous emprisonner et nous surprendre. Il utilise au mieux, de par son style, les ressorts du fantastique avec au final un personnage assez conventionnel, fort, mais à la fois d'une grande
fragilité émotionnelle. Cette femme décrite comme le produit de notre société actuelle, diplômée, mais sans emploi, connaissant l'angoisse de ne pas pouvoir payer son loyer, ne mangeant pas à sa faim
et toujours à surveiller ses dépenses et donc sans jamais s'offrir de petits plaisirs, donne à ce roman une touche sociale non négligeable et une note supplémentaire de réalisme à cette tragique
histoire. C'est curieux, dans le drame que vient de vivre Karin, on sent le vécu, comme si l'auteur avait lui-même bouffé de la vache enragée...... Autant d'éléments qui, rajoutés à ce talent
d'écriture et cette façon de nous dépeindre un récit d'allure insignifiante, se révèle particulièrement efficace lorsque les éléments surnaturels nous explosent au visage.
À la lecture de ce roman, comme ce fut le cas pour « L'autobus de minuit », j'ai l’impression de me retrouver à la bonne époque du « Fleuve Noir Angoisse », de me délecter de ces ouvrages
aux belles couvertures et d'y retrouver ce qui faisait l’âme de cette collection, avec parfois, lorsque les auteurs phares y donnaient ce qu'ils avaient de meilleur, un fantastique tout en nuance,
plus fait de portes qui claquent au vent, de portes qui grincent, de voix lointaines ou de fugaces apparitions fantomatiques. Une littérature fantastique plus construite sur l’atmosphère que sur les
éléments chocs qui, par contre, lorsqu'ils surgissaient sans crier gare, vous collaient d'agréables frissons. Patrick est parvenu à recréer ce fantastique là, que nous chérissons tant et qui a
toujours caractérisé l’imaginaire français.
Je reste toujours un fervent défenseur de ce magnifique don de savoir raconter les histoires qui vous prennent aux tripes et à l'image de « Ceux qui grattent la terre », parviennent à vous étonner
jusqu'au bout dans un final terriblement surprenant ! Ajoutons à cela les petites références qui parsèment l'ouvrage, la présence d'un personnage qui attire forcément la sympathie puisque, amateur de
livres et portant le curieux nom de « Cardinal Rive », Jean-Luc de son prénom ( magnifique petit clin d’œil) et la superbe couverture de Philippe Jozelon dont le talent ne cesse de nous émerveiller
et vous aurez de bonnes raisons de lire cet ouvrage ne faisant que confirmer, une fois de plus, de l'excellent état de l’imaginaire français
« Ceux qui grattent la terre » de Patrick Eris, Éditions du Riez collection « Sentiers Obscurs ». Couverture de Philippe Jozelon.2016
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