Ce texte publié dans « La veillée des chaumières », revue qui ne cesse de nous surprendre par les articles qu'elle contient et touchant notre domaine, met le point sur les questionnements de nos illustres pionniers sur l'avenir de la science et de la portée qu'elle pourrait avoir sur le développement de notre technologie et par voie de fait sur notre société. Elle figure une fois de plus sur cette balance qui peine à trouver un certain équilibre entre le confort prodigué par ses bienfaits et tout le malheur dont elle nous ferait profiter si de nature elle était utilisée à mauvais escient. L'article fut écrit en 1910, bien avant les horreurs d'une guerre qui ne tardera pas à affirmer le coté vers lequel ce « déséquilibre » risque de se confirmer. Un regard une fois de plus qui brille des promesses espérées tout en gardant une certaine méfiance et une réticence à lui accorder toute sa confiance. Propos que l'on retrouvera dans un grand nombre de textes d’anticipations anciennes et qui exprimeront toujours une position mitigée face à une science triomphante
« Autour de la science : Aérobus et Radium » Article signé Charles Arjol et publié dans la revue « La veillée des chaumières » N°25 du 26 Janvier 1910
Les écrivains ont, parfois, d'extraordinaires intuitions.
En 1771, Mercier publiait: « L'An 2440 ou Rêve s'il, en fut jamais », ou l'on rencontre non seulement l'annonce la plus imprévue de la Révolution, mais surtout le pressentiment très net de toutes les grandes découvertes qu'on fait éclore le siècle qui vient de finir et celui qui est à peine naissant. Est-il besoin de rappeler que les sous-marins ont été prévus par Jules Verne, dont le Nautilus est le prototype? Tout récemment encore, un auteur anglais, dans un de ces derniers livres, nous montre les générations de demain voyageant par les airs au moyen de trains fantastiques et jetant en passant sur les villes -en cas de guerre- des engins d'une force de destruction démoniaques, capables d'anéantir en quelques secondes les cités les plus vastes et les mieux défendues. Ces visions de cauchemar sont à peine d'hier, et voici qu'aujourd'hui elles sont sur le point de rentrer dans la réalité.
Un ingénieur français très connu, M. Francis Laur, vient d'adresser au conseil municipal de la ville de Paris et au ministre de la Guerre, une demande de concession d'une ligne d'omnibus volants, tout autour de la Métropole, en suivant les fortifications, avec lignes rayonnant en étoiles sur les banlieues. Nous ignorons la réponse du ministre de la Guerre, mais le président du conseil municipal a adressé à l'inventeur une lettre un peu effarée -on le serait à moins- où il se déclare tout disposé à entrer en négociation avec M. Laur. Et, de fait, celui-ci a été convoqué par M. Félix Roussel, président de la Commission. Ce n'est pas tout. La Compagnie Thomson-Houston a accepté la mise au point de la partie électrique, alors que les maisons Voisin, Blériot et Mallet auront à exécuter la partie aérienne.
"Il ne faudra que quelques mois, dit le journal Les Inventions Illustrées, pour construire un premier modèle, et vraisemblablement, l'année courante verra la mise au jour de ce projet qui permettra d'ajouter aux routes, aux chemins de fer, aux métro,s, des lignes aériennes moins dangereuses que les voix terrestres et plus rapides, car elles seront à l'abri de l'encombrement.
« Il s'agissait de s'affranchir de la tyrannie du sol, il fallait cesser de ramper et se lancer carrément dans l'azur en foule, et non individuellement.
« Ce sera chose a peu près faite, si tout va bien, avec l'Aérobus parisien. Les lignes provinciales suivront. L’aérodrome de Juvisy est tout indiqué pour procéder aux expériences et, si le succès couronne nos efforts, la démocratisation de l'aviation sera chose bientôt faite ».
A lire ces lignes tranquilles sur ce projet insensé, on sent comme un vent de folie passer dans nos cheveux. Mais ne sommes-nous pas au siècle des réalisations de l'impossible! Il semble, maintenant, qu'il n'y ait rien d’invraisemblable.
Bien que garantie par un brevet, on ignore jusqu'à présent, les secrets de cette invention. L'Aérobus est encore un mystère, sinon un mythe. Cependant M. Francis Laur a bien voulu nous en révéler les avantages, qui seraient les suivants:
1° Le prix de transport, par tête et par cent kilos, serait le plus bas qu'on ait encore atteint. Cela tiendrait à la modicité du prix de construction des omnibus volants, comparés à tous les grands véhicules plus ou moins luxueux qui existent à l'heure actuelle pour le transport en commun.
2° Le frottement dans l'air, avec un appareil bien conçu, présente le minimum de résistance à la propulsion.
3° Le mode de traction serait entièrement simplifié.
4° Enfin la vitesse pourrait être augmentée considérablement sans danger. Ce serait même une des conditions de la bonne marche de l'Aérobus.
Notez que M. Laur présente son projet comme une certitude. Il ne dit pas ce pourrait être, mais ça sera! Cette confiance absolue semblerait de nature à inspirer des inquiétudes pour l'état de santé de l'inventeur, mais le génial Edison qui fait autorité en ces matières, a formulé son opinion, et elle est en tous points favorable à l'optimisme du savant français.
« Nous avons, dit-il, à envisager la navigation aérienne d'une façon à laquelle nous n'aurions jamais pu songer. Dans dix ans, les machines volantes serviront à la poste. Elles porteront aussi des passagers. Elles iront à la vitesse de 160 kilomètres à l'heure. Il est impossible d'en douter. Tout ce qui n'est pas déraisonnable sera accompli. La machine volante qui réussira au point de vue commercial n’est pas une absurdité. Elle viendra. »
Le célèbre américain entre aussitôt dans les détails techniques où il serait peut-être fastidieux de le suivre. Cependant, il croit plutôt à l'avenir des petits appareils, car, en raison de leur exiguïté, ils offriront moins de résistance à l'air. Pour lui, grâce aux puissants moteurs qui ne tarderont pas à voir le jour, la vitesse de 160 kilomètres à l'heure n'est qu'un minimum.
Le grand agent des nouvelles merveilles que nous promet Edison est ce fluide mystérieux dont on se sert pour ainsi dire empiriquement depuis longtemps sans bien le connaître: l'électricité.
« Je crois, poursuit-il, que l'on parviendra à découvrir un moyen de transmettre sans fil l'énergie électrique de la terre au moteur d'une machine en plein vol. Je ne sais pas comment cela se fera, mais il n’y a aucune raison de la croire impossible; donc ce sera fait quelque jour.Naturellement, si cette découverte était faite demain, la question de la force motrice pour le vol aérien serait immédiatement résolu. Il n’existe, pour ainsi dire, aucune limite à la force dont on pourrait doter un appareil, donc aucune limite à la vitesse que l’on pourrait atteindre. »
Ces pronostics d'un « homme de la partie » ont quelque chose de rassurant pour le projet un peu fantastique de M. Francis Laur. Et pourquoi, en définitive, celui-ci ne serait pas le roi de l'air imaginé par Benson? Ce n'est pas que nous songions à identifier M. Laur avec le tragique héros du roman anglais où l'auteur nous silhouette une grande machine blanche figurant un vautour et portant l'Antéchrist qui veut détruire la ville sainte d'où le salut est sorti.
Dans la même « couleur » est ce croquis fourni dernièrement par un journal de Lyon, sous la rubrique sensationnelle: La Destruction de New-York par les rayons du radium. D'après cet organe, des expériences viennent d'être faites en Angleterre par le ministère de la Guerre qui ont démontré que l'emploi des rayons du radium rendrait la guerre si effroyablement destructrice, qu'on pourrait, à l'avenir, la considérer comme absolument impossible.
On vient, en effet, de découvrir, dit notre confrère, que la force de ses rayons peut être concentrées et dirigées de manière à désagréger la substance la plus dure avec laquelle ils sont mis en contact, quelle que soit son épaisseur.Même si cette substance se trouvait protégée par une matière quelconque réfractaire aux rayons du radium, il suffirait du plus petit interstice pour qu'ils retrouvent tout leur pouvoir destructif. Les rêves de Wells et d'autres visionnaires sont ainsi sur le chemin de la réalité et au lieu de combattre avec des canons, demain, les nations antagonistes auront recours aux rayons du radium.
Le professeur J. J. Thompson estime, d'autre part, que le radium émet un million de fois plus de force qu'un poids égal d'oxygène et d'hydrogène. Il lance ces atomes à une vitesse d'environ 29 000 kilomètres à la seconde.
Notre éminent compatriote, le docteur Gustave Le Bon, qui s'est spécialisé dans cette études, à fait à se sujet les déclarations suivantes:
« D'ici une vingtaine d'années, la guerre ne sera plus possible (ou alors elle dépasserait l'horrible). Je viens de faire toute une série d'expérience avec M. Branly, en employant à tour de rôle les ondes hertziennes et les émanations du radium.
« Ce qu'on dit des ondes hertziennes, peut s'appliquer mieux encore au radium. Nos premières expériences tendirent surtout à nous rendre compte du degré de perméabilité de différents corps.
« Nous avons remarqué que si les ondes hertziennes étaient capables de traverser des murs de trois mètres d'épaisseur, les rayons du radium, non seulement les traversaient, mais les désagrégeaient.
« Nous savons que, dans l'espace, les ondes hertziennes se propagent sphériquement dans toutes les directions. II en est de même du radium. Il est donc facile de diriger à volonté le rayonnement de ce dernier corps; c'est ce qui déjà été fait.
« On a remarqué que les ondes polarisées se meuvent sur un plan uniforme. On pourrait donc, en quelque sorte, canaliser une certaine quantité d'ondes parallèles, et les lancer, toutes dans la même direction. Il n'y aurait de cette manière, aucune déperdition d'énergie électrique.
« Quand elles rencontreraient un obstacle, tel un vaisseau, un fort, une poudrière, la partie métallique de ces obstacles serait saturée d'électricité, et il en résulterait une telle force destructrice, que vaisseau, fort ou poudrière seraient anéantis!
« Les radiations dirigées en vagues parallèles pénétreraient les arsenaux, les casernements, les forteresses détruisant tout sur leur passage. Les maisons s'écrouleraient comme des tas de sable. Rien ne pourrait résister au choc de ces millions de rayons concentrés sur un même points
« Cette expérience a été faite sur une petite échelle avec un entier succès, ainsi peut-on s'attendre à la voir répéter, d'un jour à l'autre, dans une guerre future.
« Un seul homme pourrait, d'un dirigeable ou d'un aéroplane, détruire la plus importante ville du monde. Et ce n'est pas là une chimère: II existe des preuves à l'appui de mes dires. »
Tout cela est merveilleux, mais en principe seulement dira-t-on. Le radium est rare, par suite fort cher, et ne sera jamais qu'un épouvantail de laboratoire. Attendez!
Il n'y a pas très longtemps, un jeune chimiste de Bordeaux a communiqué à l'Académie des Sciences, une découverte aussi sensationnelle que celle du radium. Il étudiât, paraît-il, dans son petit laboratoire privé, installé dans la maison paternelle, les propriétés radio-actives des corps de la famille du radium, lorsqu'un jour il parvint à faire la synthèse d'un nouveau sel: le Molybdane d'urane.
Ce nouveau corps présenterait à peu près toutes les qualités du radium, sans en avoir les inconvénients. Son pouvoir radio-actif égalerait pour ainsi dire, celui du radium: il est de 39 au lieu de 40. De plus, il aurait un grand avantage sur ce dernier, c'est qu'il ne produirait pas, comme lui, les terribles brûlures qui en rendent le maniement si difficile. Et, avantage à considérer, son prix de revient serait de 25 fr. Le gramme, tandis qu'une quantité égale de radium coûte 4000 francs.
Si cette découverte était confirmée, l'humanité aurait fait une admirable conquête, dont elle ne tarderait vraisemblablement pas à abuser, et nous verrions, bientôt peut-être, se réaliser les craintes exprimées par M. Eugène Huzard, dans son livre ,déjà ancien, « La fin du monde par la science ».
Dans ce petit volume, plein de vues profondes, l'auteur nous met en garde contre les abus du progrès. L'orgueil de la Science a été la cause de la chute de l'homme dans le passé, dit-il, elle sera encore lu cause de sa chute dans l'avenir et amènera la catastrophe finale. Quod di omen avenant!
Charles d'Ajol
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