Ouvrir un roman sous le label des « Moutons électriques », c'est toujours l'assurance de vivre une aventure extraordinaire, et le dernier ouvrage lu dans cette collection sous l'énigmatique titre « Espérer le soleil » ( surtout pour un homme du Sud comme moi) ne fait pas défaut à sa solide réputation. Pourtant il fallait une bonne dose de talent afin de tenir tête au superbe ouvrage que je venais de terminer chez le même éditeur et si « Pierre-Fendre » résonnait encore en moi comme l'écho d'une œuvre qu'il me serait difficile d'effacer de ma mémoire, l'écriture de Nelly Chadour a réussi non pas à me faire oublier le remarquable roman de Brice Tarvel , mais voyager dans un univers tout aussi original avec une véritable personnalité baignant dans une ambiance où nul autre auteur ne s'était aventuré.
J'ai toujours été admiratif du style de Nelly et dès ses premières nouvelles j'ai relevé son extrême sensibilité, une plume délicate à l'imagination fertile qui à aucun moment ne choisissait la facilité afin de plonger le lecteur dans cette toile merveilleuse tissée patiemment depuis des années avec ce fil nourri de ses lectures fantastiques. Elle est de cette génération qui a le sens du rythme et de l'aventure et qui parvient à donner au lecteur un véritable plaisir de lecture, car son univers fait toujours preuve d'un incroyable potentiel trouvant son aboutissement dans ce fort beau volume qui se dévore avec avidité à l'image de cet appétit insatiable qui semble frapper, telle une malédiction, certaines créatures de son roman .
Je pensais avoir fait le tour de la thématique du vampire, j'en était même un peu blasé, mais voilà j'ai ouvert « Espérer le soleil » et il m'a fallu me mordre la langue!
Je pense que pour un auteur, se lancer dans la rédaction d'un volume de plus de 340 pages n'est pas une mince affaire, j'imagine le stress et l'ampleur du défi à relever mais l'auteure s'y est attelée avec tout le talent et la virtuosité dont nous n'avions jamais douté.
Une œuvre qui, sous son aspect de roman d'aventure, se cache bien plus de choses qu'il n'y paraît et si certains thèmes d'actualités se fondent délicatement sous des airs de fantasy urbaine, les messages y restent forts dans un monde, pour faire écho à une célèbre roman, bien plus noir que vous ne le pensez, avec ce sens inné de l'écriture donnant à sa prose une vision personnelle d'un monde post-apocalyptique dont on vous a rarement accordé la visite. Avec maestria Nelly se fait entrecroiser les genres, celui des contes et légendes, des figures mythiques et historiques, du vampirisme , de la mafia et de la corruption, des figures angéliques et infernales, de l'amour, de la mort, de l'amitié......Certes le roman est sombre, mais traversé de fulgurances qui viennent frapper de plein fouet la face du lecteur qui à chaque page passe à la ligne suivante, fébrile , comme sous l'emprise d'une drogue subtile qui se dégage de cette plume addictive . Un équilibre délicat entre l'horreur de certaines scènes particulièrement macabres lors de l'entrée en action des « rôdeurs de la nuit » ( Nelly ne l'oublions pas fut une disciple brillante de la collection « Trash ») ces créatures frappées d'une malédiction millénaire, et d'une tendresse extraordinaire ( sans pour autant tomber dans le pathos) avec la relation quasi maternelle entre l’héroïne et cette armée de gosses prête à tout pour défendre ses droits et faire valoir sa légitime part d'innocence.
« Espérer le soleil » c'est également une immense histoire d'amour se foutant pas mal des apparences ( la « différence, une autre des thématiques que Nelly aborde avec force et conviction) , de la fin des illusions d'une adolescence passée sous les bombes ennemies, c'est l'histoire d'une amitié sans faille et de rencontres incroyables .
Dans ces années cinquante, frappée d'une double malédiction, celle d’être recouverte d'une immense nuage masquant le soleil, résultat d'un Staline à la folie destructrice et lâchant ses bombes atomiques pour mettre un terme à la suprématie nazi, et de subir les exactions d'un gouvernement totalitaire utilisant les talents d'une tueuse de monstres infestant un Londres sous l'emprise de truands peu scrupuleux et de créatures mutantes assoiffées de sang et de chair humaine.
Un roman où nous est décrit l'exploitation des minorités ethniques et des enfants des quartiers défavorisés dans le seul et unique but est d'engraisser les plus riches. Un roman, qui à l'image de cette mégapole isolée du reste du monde , est un bouillonnement culturel où se réveillent d'ancestrales créatures engendrées par des siècles d’avilissement et de colonialisme. Un monde où espérer le soleil n'est pas seulement mettre un point final aux créatures de cette nuit éternelle, mais redonner de l'espoir et faire qu'un peu de lumière, de chaleur, d'humanité, vienne réchauffer le corps et les âmes d'une population opprimée, soumise et terrorisée. Un univers dystopique aux relents d'une Métropolis revisitée pour l'occasion, par une artiste des mots, une magicienne des scènes d'actions .
Et du talent il y an a ! j'ai frissonné en pénétrant dans ce monde de ténèbres, je me suis extasié en découvrant la sombre beauté des ces créatures que l'on croyait enfouies au plus profond de notre mémoire, j'ai eu les larmes aux yeux face à ces enfants qui de l’innocence passent la cruauté pour venir en aide à leur mère adoptive , héroïne au grand coeur dont le courage n'a d'équivalent que l'amour qu'elle porte pour cet homme , ce beau ténébreux , au trouble passé qui va se révéler bien plus obscur qu'elle ne le pensait. Et des personnages consistant, ce n'est pas ce qu'il manque , un atout majeur dans ce roman d'une extrême densité mais où jamais vous ne vous égarez. Bien au contraire , il suffit de suivre le guide de cette incroyable odyssée, le photographe Arthur Smitty, qui n'a pas froid aux yeux et qui me fait étrangement penser à Léon Bernstein, surnommé Bernzy dans le film de Howard Franklin « L’œil public » .On retrouve la même dégaine que Joe Pesci, débonnaire, le genre de type qui n'a pas froid aux yeux et qui va tout faire pour la troublante Gwen , cette beauté farouche, riche héritière marquée par le passé dans son âme et dans sa chair. Une ville hantée par Valissa, vampire par les forces des choses et donnant lieu à une introduction tout simplement hallucinante. Jaime , le truand impitoyable mais au cœur tendre qui au fil du récit dévoile son horrible secret. David cette mystérieuse créature de lumière et de feu qui à l'image d'un Peter Pan d'un genre particulier capture des enfants pour servir sa cause …...et bien d'autres personnages encore que je vous laisse découvrir afin de ne pas gâcher votre plaisir de lecture.
Nul doute qu'il fallait preuve d'une grande maturité d'écriture pour mener à bien ce roman qui mélange la fantasy urbaine, le polar, le roman post apocalyptique dans un style parfaitement maîtrisé ou ne règne aucun temps mort : un main de fer dans un gant de velours ! Nelly Chadour possède cette grande force narrative , capable de nous faire passer par des étapes diverses de sentiments, de faire preuve lorsqu'il le faut d'une grande sensibilité et de basculer sans crier garde dans une écriture nerveuse, cinématographique et plonger le lecteur dans un pur roman d'aventure où l'imagination est reine et l'inspiration son roi.
Une conjugaison qui fait d'elle une nouvelle force de frappe au sein de cet éditeur qui ne cesse de nous émerveiller par la qualité de ses auteurs et souhaitons à Nelly une belle carrière et merci de nous avoir révélé ce diamant brut qui se cachait depuis bien trop longtemps à l'abri de nos regards .
Je ne sais pas si les androïdes rêvent vraiment de moutons électriques mais il est certain que pour nous, simples humains et lecteurs assidus, ce rêve grâce à eux est devenu réalité !
Mention spéciale une fois de plus pour la mise en page de l'ouvrage et de la splendide , mais c'est un euphémisme, couverture de Melchior Ascaride, une fois encore un diamant ayant trouvé une bien bel écrin. Un lettrage de rouge et de sang comme une malédiction qui ne semble jamais vouloir prendre fin, pour une chair à jamais meurtrie.....coup de chapeau et coup de maître pour ce premier grand roman !
« Espérer le soleil » de Nelly Chadour, Éditions «Les moutons électriques « Bibliothèque Voltaïque » 2017, Couverture de Melchior Ascaride
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