Beaucoup disaient le genre agonisant voire complètement obsolète, car vidé de toute substance et ne pouvant plus rien apporter de neuf. Pourtant, l'esthétique
Steampunk a continué en France à faire son bout de chemin et s'il est exact que nous avions parfois l'impression que le genre ne vivait que par l'intermédiaire d'une communauté nostalgique d'une
époque révolue, les lecteurs que nous sommes, complètement détaché de sa forme artistique ( vêtements, bijoux.......) que je trouve parfois trop envahissante, mais il s'agit là d'un autre débat,
arrive encore à découvrir des œuvres surprenantes qui relancent, à la force de ses puissantes machines à vapeur, un concept qui n'a finalement pas dit tout ce qu'il avait dans le ventre. Grâce à
l'excellente initiative des éditions Bragelonne et de ces fameux « mois du cuivre » il nous est ainsi possible de (re) découvrir des ouvrages phares et de faire la connaissance avec des
nouveaux talents qui sous le sigle d'un rétro-futurisme innovant et enlevé, contribuent à l'édification d'un genre désormais bien implanté sur notre territoire. Mais peut-être faut-il se plonger dans
notre lointain passé, riche d'une tradition empruntée au merveilleux scientifique et de tout un courant artistique à l'iconographie faisant la part belle au triomphe de la machine et du progrès, à
moins qu'il ne s'agisse de la résurgence de cette immense galerie de personnages célèbres de notre fiction populaire qui vient alimenter une génération d'auteurs qui de manière consciente ou non,
veulent leur rendre hommage en se réappropriant leur histoire, qu'il faut aller chercher le substrat d'un tel engouement ?
Ces fameux « compagnons de l'ombre » héros de toute une littérature qui, à une décennie près, faillirent tomber dans un oubli total, ont heureusement la particularité d’être flexible, car,
si leurs actes sont clairement établis, leurs vies restent quant à elle un terrain vierge qu'il sera possible, à l'auteur intelligent et surtout nourri de cette culture, de pétrir à volonté. Mais
avoir à sa disposition un tel vivier de figures archétypales reconnues ne suffit pas, faut-il encore un liant qui permettra de façonner quelque chose de cohérent et de divertissant : le
talent !
La mode est à la reprise de tous ces héros oubliés, réels ou imaginaires qui peuplent les rayons entiers de nos bibliothèques, mais encore ne suffit-il pas de les utiliser, il faudra leur tisser une
toile de fond, un contexte, une trame historique originale et savoir jouer de la plume afin qu'ils y trouvent une certaine légitimité. La première chose qui m'a beaucoup intéressée dans l'ensemble
des nouvelles de Victor Fleury et composant un roman se déroulant dans une monde uchronique dominé par la force de l'énergie voltaïque, c'est la cohérence de l'univers dans lequel il nous entraîne
avec comme fil conducteur le chef de la sûreté, Larsan, individu froid et calculateur, au passé trouble et qui n'hésite pas à frayer avec les rebuts de la pire espèce pour arriver à ses fins.Car
voyez-vous, dans cet « Empire électrique » Robert Louis Napoléon Bonaparte est devenu le souverain d'un empire immense et faisant régner la terreur à la force de sa puissante machine de
guerre alimentée par des armes de destruction massive qui ne laisse aucune chance aux peuples refusant de se soumettre à son autorité . Un fait qui m’emmène au deuxième élément particulièrement
récurent de ce volume, celui de la vengeance et de l'oppression. Dans les huit longues nouvelles qui composent ce volume, les grandes figures mythiques que l'auteur « détourne » avec malice
et brio, le lecteur se trouve confronté à un monde où règne certes la magie d'une science triomphante au service du progrès, mais au détriment bien souvent des petites gens où pour se livrer à des
expériences impies .De fait, le glaive de la justice n'est pas un puissant instrument pour protéger, mais pour asservir. Victor Fleury y trouve ici prétexte à nous décrire un monde noir et
impitoyable où certaines figures vont se dresser contre l’oppresseur Bonapartiste avec toute sa clique de sales trognes et de savants fous et dont le seul but est d'assouvir leur soif de pouvoir et
de conquête. Dans ce monde parfaitement huilé où Lyon, capitale du monde voltaïque, génère son lot d'intrigues et ses rêves de conquêtes, Larsan, marionnettiste fou aux appétits féroces, manipule,
complote et exécute sans vergogne. Une ville puissante qui nous donne le vertige tant par la puissance de sa technologie que par les monstres humains qu'elle enfante. Nous assistons alors, à la fois
émerveillé et épouvanté, à la renaissance de personnages hauts en couleur et que l'auteur, non sans un brin de malice, va nous présenter sous une forme différente avec des buts et des prétentions
bien évidentes, mais différentes de celles auxquelles nous avions l'habitude de les rencontrer : Un Sherlock Holmes condamné par l'empire et libéré provisoirement pour arrêter un dangereux
usurpateur, un Docteur Frankenstein lancé dans la chirurgie esthétique et voltaïque pour embellir la bourgeoisie,se trouvant aux prises avec de bien curieuses créatures, un zorro
« modifié » prêt à défendre la cause des esclaves noirs, mais qui devra affronter le courroux du « Baron Samedi » , une revisite de notre célèbre Gavroche amoureux d'une
Cosette bien vieillissante et qui va chercher par tous les moyens de s'évader d'un sinistre bagne ( du nom de Vidocq) de l’empire électrique en Australie, une nouvelle version de jack l'éventreur
version steampunk où le célèbre Dr Moreau occupera une place de choix pour assouvir son rêve d'homme « modifié » et pour terminer une poursuite haletante pour attraper, à bord du fleuron
des vaisseaux voltaïque, le célèbre Nautilus, une chasse haletante tournant court par l'intervention d'un autre monument de la littérature d'aventure..... Machines infernales, savants fous, décor
baroque subtilement mélangé à un univers rétro-futuriste, dans un monde forgé dans la corruption, la dépravation et la technologie, où seul le pouvoir de l'église et son hyper science voltaïque
réfugiée à la Havane pourrait représenter le seul obstacle à la mégalomanie de Bonaparte, tout dans cet univers alternatif est sujet à émerveillement , et ce n'est que pour plus vous allécher
que je vais arrêter là cette galerie de personnages qui vont sûrement vous rappeler de bons souvenirs. De tous ici vous les citer serait inutile, ils foisonnent, mais sachez que vous n’êtes pas au
bout de vos surprises.
Au final, tout un monde incroyablement bien structuré où chaque pièce vient s'imbriquer et formant un ensemble cohérent et d'un grand divertissement.Ici, le but n'est pas de faire étalage de la
connaissance de la culture populaire que l'auteur a patiemment forgée au fil de ses lectures, mais de les utiliser de façon pertinente et intelligente tout en leur accordant un nouveau crédit et au
final une approche tout à fait étonnante. L'auteur s'y emploie toujours avec une certaine forme de panache, et même si quelques-uns d’entre eux nous paraissent un peu fatigués par les ans, c'est pour
mieux nous faire comprendre que les héros ne sont pas éternels et qu'ils peuvent être faillibles voire corruptibles. Une preuve supplémentaire que l'auteur connaît non seulement ses classiques sur le
bout du doigt, il mélange avec humour et brio héros passés et présents de la littérature et du cinéma, mais apporte cette fraîcheur et cette originalité à un genre qui nous montre que les limites
peuvent encore et toujours être repoussées. Dans la dernière nouvelle qui est en quelque sorte un retour aux sources en utilisant la figure anarchiste la plus populaire de la littérature de genre,
outre sa faconde pour nous décrire deux univers opposés dans un mélange parfait , celui de Lovecraft et de Herman Melville , il termine un cycle qui au-delà du simple roman Steampunk, réalise un
œuvre qui vient un peu chambouler les codes du genre en renouant avec l'esprit de ces romans feuilletons qui jadis, écrits pour les petits gens, leur accordait un peu d'espoir en dénonçant le pouvoir
des riches tout en laissant une lueur d'espoir pour les plus démunis.
Un bel exercice de style qui mérite toute notre attention de lecteur et il serait dommage que vous passiez à côté de cet excellent volume qui plus est rehaussé par une magnifique présentation et une
couverture tout aussi inspirée de Benjamin Carré.
Probablement l'un des meilleurs titres de la série , et là mes amis, du talent, il y en a !
« L'empire électrique » de Victor Fleury. Éditions Bragelonne. Couverture de Benjamin Carré.
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