De Jérôme Sorre & Stéphane Mouret
Le rythme des parutions est tel, qu'il nous est souvent difficile de parler des ouvrages qui nous ont vraiment procuré un immense plaisir. De plus il faut savoir concilier entre travail et vie de famille et nous nous retrouvons ainsi submergé par une pile incroyable de livres qui non seulement menace de s'écrouler à chaque instant mais nous regarde d'un oeil accusateur comme pour bien vouloir nous faire comprendre à quel point nous avons un retard considérable de lecture. Je suis comme beaucoup de nos amis lecteurs, un boulimique de livres, mais ma capacité de lecture est inférieure à mon rythme d'achats et donc il m'arrive de lire certains romans quelques semaine après les avoir achetés.
Ce petit « problème » vient donc de se produire avec le recueil de Jérôme Sorre et Stéphane Mouret « La mort et quelques amis s'invitent au club Diogène », acheté dés parution mais « dévoré » quelques semaines après. Pourtant je voudrais faire ici amende honorable car je n'avais pas attendu un tel délai pour lire le premier volume qui fut déjà une révélation. Vous savez tout le bien que je pense de cet excellent éditeur qu'est Malpertuis, honorable institution dont j'avais déjà eu l'occasion de vous e parler lors d'un article précédent sur mon blog. Christophe Thill, qui dirige la collection, est un homme charmant, rencontré au festival « Zone franche » de Bagneux, et dont l'enthousiasme, le dynamisme et le professionnalisme, sont des gages de réussite. « Malpertuis », un nom mythique et qui force le respect pour toute une génération de lecteurs de littérature de l'imaginaire et la politique éditoriale de son équipe est une preuve de sa volonté, de son identité. Un label de qualité, qui nous propose des ouvrages passionnants, venant de ce fait égayer un peu la morosité dont souffrait quelque peu le domaine fantastique en France.
« Le club Diogéne » est une de ces curiosités littéraires comme nous aimerions en lire plus souvent et dont il nous faut saluer la venue, tant l'originalité de son contexte, l'excellence de son style narratif et la diversité de ses thématiques, sont une véritable bouffée d'air pur (ou de relents putrides car l'on y croise souvent la mort) pour le lecteur curieux et avide de nouvelles sensations. Un cabinet de curiosités donc, qui se visite avec délectation et chaque nouvelle est un objet rare et précieux dans laquelle nous plongeons avec une joie toute gourmande. Mais une petite visite guidée s'impose.
Les deux romans entrent dans un cycle qui devrait nous porter jusqu'à l'aube de la première guerre mondiale, et pour notre plus grand plaisir les deux auteurs n'auront de cesse, au fil des extraordinaires et rocambolesques aventures de leurs héros, de nous présenter ainsi un éventail de tout ce que la littérature d'horreur peut nous servir de délectable. « Goules, vampires, morts-vivants, fantômes, monstres humains, maniaques, pervers, quatrième dimension, rejeton de Cthulhu, extra-terrestres .... » tout y passe, ou presque.Un improbable musée des horreurs, que les différents protagonistes vont affronter avec plus ou moins de succès, dans un étalage de scènes parfois assez spectaculaires où le grand guignol côtoie l'horreur suggérée la plus pure et la plus efficace qui soit.
C'est à la suite 52, au cinquième étage d'un hôtel sordide, d'une rue située probablement en dehors du temps, que sévit ce club très fermé, dirigé par un mystérieux « Monsieur », un homme sans age « aux traits d'un vieillard mais au corps de jouvenceau » et dont les mystérieuses origines nous seront à peine esquissées dans la nouvelle du second volume « Le trafiquant d'éternité »...vous avez dit immortel ? Cette « société secrète », agissant dans l'anonymat le plus strict, ne possède pas de statut légal et semble être inconnue des services de police (Bien que dans le second volume, un certain inspecteur Dacan, suive les faits et gestes du club avec un intérêt particulier). Constitué de sept membres permanents, cinq hommes et deux femmes, il semblerait que ce soit la soif d'aventure qui pousse ainsi nos courageux personnages à pourchasser le crime sous toutes ses formes. L'aventure certes, mais surtout rompre également une vie monotone que les différents intervenants, trouvent fade et insipide. Ils voulaient de l'action ? Ils vont être servi !
Pourtant, loin d'être des investigateurs de l'occulte à proprement parler, ils sont avant tout une sorte de rempart contre le crime et si leurs propres existences ne sont pas exemptes de zones troubles et de quelques dérives de comportements, ils n'en restent pas moins voués à une seule et unique cause: combattre le mal sous toutes ses formes. Bien souvent le crime prendra une bien sinistre et infernale apparence. Dès la première enquête du volume « Le chérisseur de tête » intitulé « Une amie commune » (on appréciera le jeux de mot) le ton est donné et cette course poursuite dans un Paris ensanglanté par l'épisode trouble de la commune, est une sorte de mise en bouche brutale et sans concession où notre atypique club se lance sur les traces de « La bosse » une goule perfide aux appétits féroces. L'atmosphère y est oppressante, les pages transpirent le sang et la peur et tout le génie des écrivains est de nous avoir propulsé dans une époque où les rues de la capitale étaient plongées dans une horreur sans nom. En choisissant délibérément de telles circonstances, les méfaits de la redoutable créature ne pouvaient que faire partie de cette ambiance de feu et de sang et donc pouvoir opérer sa sinistre besogne en tout impunité, sans risque d'attirer l'attention. En effet quelques cadavres de plus dans la panique générale, quoi de plus naturel dans cette période de tueries et de massacres.
La grande force du style est de mêler de façon habile et bien documentée les différentes actions dans des quartiers de Paris à une époque où la misère, la crasse et la corruption étaient de mise. Tout transpire le vice et la décadence et ce n'est pas le comportement libertin de certains de ses membres qui va mettre un frein à une telle ambiance. En effet au club Diogène,on couche à tout va et dans la mesure du possible on déboutonne son pantalon aussi vite que l'on vide une bonne bouteille. Il n'est pas rare de croiser les relents hallucinogènes de quelques flacons d'absinthe ou l'ambiance moite et doucereuse de sordides fumeries d'opium. Bons vivants, il veulent jouir de la vie et y croquer à pleines dents. Ils savent qu'il ne faut pas manquer une bonne occasion lorsqu'elle se présente, la vie est trop courte et les redoutables créatures qui vont leur barrer la route sont des preuves supplémentaires qu'il faut jouir de chaque instant. D'ailleurs ils n'hésiteront pas à s'acoquiner avec certains des monstres qu'ils auront à combattre tel Franklin avec une vampire dans « Pour vierges avertis » (Tome premier) et dont le titre ne laisse pas indifférent. Une histoire soit dit en passant absolument extraordinaire et qui renouvelle le mythe du vampire d'une manière très habile. J'ai toujours été blasé par les nouvelles axées sur les suceurs de sang et là je peux vous dire que j'ai pris un « pied » incroyable..... Mais comme nous parlons un peu des idées souvent brillantes de nos deux compères, revenons rapidement sur l'originalité des différentes thématiques abordées dans les deux volumes.
En fait le sous titre qui pourrait convenir à cette incroyable équipée est sans nul doute « Les anciens mystères de Paris » en voulant en cela rendre hommage non seulement à Eugène Sue, mais à toute une cohorte d'écrivains qui choisirent Paris comme lieu géométrique de toutes les terreurs et du mystère: Léo Malet et son « Nestor Burma » dans « Les nouveaux mystères de Paris », Frédéric Dard et ses « Derniers mystères de Paris », et le trublions de cette joyeuse équipe Roland C.Wagner et ses « Futurs mystères de Paris » où le détective « Tem » possède un curieux pouvoir. Si la capitale fut ainsi à l'honneur par ces écrivains si talentueux, Jérôme Sorre et Stéphane Mouret sont parvenus à la rendre plus mystérieuse, inquiétante et dangereuse. Car la peur rode dans chaque ruelle. Des venelles torves et sinueuses qui ne sont pas sans nous évoquer un monstrueux tube digestif, prêt à vous engloutir et vous digérer à tout moment. Paris nous y est alors décrit comme un organe gigantesque, aux féroces appétits et qui ne se trouve rassasiée, qu'à grands renforts de massacres et d'épouvantables rituels. Cette ville est une apologie de la violence, repère de tous les monstres que les enfers ont engendrés et jamais métropole ne fut plus dangereuse pour un chasseur de spectres.
Des goules (« Une amie commune » Tome1) et des vampires vous disais-je, mais également un savant psychopathe ( «La folle étude du Dr Seyeux »), un dangereux collectionneur de têtes ( « Chef d'œuvre », tome 1, un must!), un fantôme amoureux ( dans la remarquable nouvelle « Un péché presque de chair » tome 1, que n'aurait pas renié le grand W.H.Hodgson),un « Nevolodz » un cauchemar de la mythologie Russe qui à la désagréable manie de dévorer vivantes ses victime ( « Puzzle » tome 1), un extra-terrestre venant sur terre pour réaliser de redoutables et horribles expériences sur les êtres humains (« Universellement votre » tome 2, une excellente nouvelle mêlant SF et grand guignol sur fond d'exposition universelle, un régal quand à son final!). J'ai pour ma part apprécié cette dernière, une introduction au deuxième volume assez brutale et cauchemardesque (une version « Freaks » mais en plus hallucinante, mais où vont-ils chercher tout cela...), sans oublier « D'une rue à l'autre » (Volume 2) qui pourrait être un brillant hommage à Jean Ray et sa « Ruelle ténébreuse », si ce n'était l'explication finale,vraiment géniale, nimbée d'une poésie surréaliste et dont l'originalité est à mon avis unique dans la littérature fantastique. Dernier petit coup de cœur personnel « Nos Aïeux » (volume 2).Une fois de plus ils ont frappés très très fort avec cette organisation de vieillards qui sous couvert d'une paisible maison de retraite, fomente une domination mondiale de la pègre avec un passage des plus jubilatoire qui n'est pas sans nous rappeler un épisode de James Bond : Génie quand tu nous tiens ! Vous parler de toutes les histoires serait gâcher le charme de la découverte, mais sachez qu'il y aura également des mouches récalcitrantes, des tentacules un brin collants, un collectionneur de cheveux particulier, la disparition brutale et horrible d'un être cher......
Dans les méandres de ce labyrinthe infernal il y en a pour tous les goûts et chacun y trouvera « créatures à son pied ». Il est en effet difficile de ne pas se laisser entraîner dans d'aussi palpitantes aventures et de partager la quotidien assez mouvementé de cette plaisante et picaresque assemblée. Le style narratif y est toujours dynamique et incisif, pas de temps morts ou presque et si le langage employé par ces hommes d'une époque révolue peut nous sembler parfois un brin « ampoulé » le vocabulaire sera souvent un parfait équilibre entre le précieux et le châtié, avec un soupçon toujours a bon escient de vulgarité, propre aux gens dont le comportement glisse de temps en temps vers la décadence.
Au final un équilibre parfait ou l'humour est une qualité constante et dont la truculence de certaines situations vous feront regretter de refermer le livre. Gageons que ce cycle sera promu à un brillant avenir et dont l'originalité et le plaisir de lecture (mais le mot est faible) feront date. Félicitons ce duo de choc qui mérite ici toute notre attention et nos encouragements les plus vifs et les plus sincères et en grands égoïstes que nous sommes : Mettez vous vite au travail car le « Club Diogène » c'est comme un verre d'absinthe, les délires qu'il nous procurent sont un ravissement, mais quand la bouteille est vide, le manque se fait cruellement ressentir.
Félicitons enfin pour les illustrations de couvertures de Patrick.Mallet qui au début je dois l'avouer me laissèrent perplexe, mais que finalement après lecture, je trouve fascinantes et collant parfaitement aux ouvrages : colorées, mystérieuses, une bonne transcription des redoutables aventures qui attendent nos héros. Dans la veine des romans populaires d'antan. A quand un portfolio du reste des nouvelles ?
- « Le chérisseur de têtes et autres pacotilles » Le club Diogène (1871-1877) Volume 1. De Jérôme Sorre et Stéphane Mouret. Editons Malpertuis collection « Absinthes, éthers, opiums » N°9. 2009.
- « La mort et quelques amis s'invitent chez le club Diogène » (1878-1885) Volume 1. De Jérôme Sorre et Stéphane Mouret. Editons Malpertuis collection « Absinthes, éthers, opiums » N°9. 2009
Ne manquez pas le Tome 3 des aventures du « Club Diogène »
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