"Les aventures d'Hector Krine" de Stéphane Tamaillon: Un Univers innovant qui a trouvé ses marques!
Ce qu'il y a d'étonnant dans la littérature fantastique, c'est la faculté d'adaptation dont font preuve certains auteurs. Non contents de réutiliser un genre parfois usé jusqu'à la trame, il se le
réapproprie, le refaçonne, pétrissant à pleine main cette substance si dense et généreuse qui alimenta toute une génération d'écrivains où se confond littérature et cinéma, au final pour sculpter une
œuvre originale et passionnante. Nous avions déjà un magnifique exemple avec l'auteur Américain Gail Carriger ( Tofa Borregaard ) et son excellent personnage d'Alexia Tarabotti du « Protectorat de l'ombrelle » ( Deux volume parus chez « Orbit ») et le tout aussi extraordinaire « Les revenants de Whitechapel
» du très Anglais Georges Mann ( Editions Eclipse) où nous assistons aux brillants débuts des « Enquêtes extraordinaires de Newbury & Hobbes
» . En regard de la suprématie des auteurs anglo-saxons, la France allait-elle baisser les bras ? « By Jove » heu ! Je voulais dire « Sacrebleu » nous avons également notre fierté
nationale et Stéphane Tamaillon avec sa série « Krine » vient ainsi ajouter une pierre supplémentaire à l'édifice respectable du fantastique à ambiance
Victorienne.
En choisissant une fois de plus cette ville de Londres « Lieu géométrique de toutes les horreurs » comme mère nourricière d'un genre qui failli mourir étouffé par son sein par trop généreux,
il faut avouer que le risque était grand et la gageure des plus acrobatique. Combien d'auteurs en effet se sont noyés dans les méandres d'une tamise aux eaux froides et mystérieuses, combien se sont
égarés dans les lacis de ses ruelles où le Fog vous colle à la peau comme un manteau d'étoupe humide et glacé ? Car il ne suffit pas de se servir comme moteur principal, d'une ville généreuse en
mines patibulaires et en forfaitures horribles, encore faut-il avoir le talent de lier tout cela et tel un cuisinier sorti de quelques cuisines infernales, nous concocter un met aux fragrances
fantastiques et au goût profondément novateur. De fait, on peut dire que le résultat va au-delà de nos attentes et s'il vous prend l'envie, et je ne peux que vous encourager, d'ouvrir les portes de
ce foisonnant univers, il est une choses dont je suis sûr c'est que vous ne le regretterez pas.
C'est l'histoire, pour reprendre l'expression de Stéphane Tamaillon, d'un « Dandy baroudeur », un homme intelligent et cultivé qui cache en lui un lourd secret. Doté de quelques pouvoirs surnaturels,
il est l'archétype d'une nouvelle race du « détective des ténèbres », de ceux qui n'ont pas froid aux yeux, faisant marcher aussi bien une logique implacable que la célérité de ses deux poings
noueux. Mais contrairement à ses homologues évoluant dans un monde rationnel et parfaitement « plausible », lui évolue dans un Londres alternatif, une époque imaginaire entre « chien et loup » qui
s'efforce de sortir d'un obscurantisme Victorien pour laisser la place à une industrialisation naissante, faite de progrès et de technologie. C'est ainsi que nous nous retrouvons dans cet univers,
dans un subtil mélange de roman fantastique « classique » avec son cortége de monstres et créatures légendaires et d'un steampunk des plus discret mais en parfaite adéquation avec le contexte du
roman. Il vous sera ainsi possible d'y croiser bon nombre de « Locotube » et « d'autocab » dirigé par la dextérité toute mécanique de quelques automates dociles et consciencieux.
Tout ceci en fait ne sera prétexte qu'à construire un monde des plus complexe et faisant preuve d'une grande diversité de genres car dans cette aventure, les véritables adversaires de notre héros
proviennent de la nuit des temps, de nos légendes les plus extraordinaires. Il se trouvera en effet aux prises avec de bien redoutables loups-garous et il lui arrivera de croiser la route de
personnages aussi fameux que de bien peu fréquentables goules (mais en existe-t-il de fréquentables ?) : Le Docteur Jekyll et surtout Mister Hyde, le Baron de Frankenstein et son improbable créature,
des sorciers, un léprechun, des gueules cassées et patibulaires, des êtres vils et repoussants....Toute une galerie de personnages que tout amateur ne connaît que trop bien, mais dont la légitimité
au sein de cette aventure ne fait aucun doute.
Car voyez vous, Stéphane Tamaillon semble bien connaître le Londres de la misère de cette fin du XIX et à mon avis, son trait de génie réside en l'utilisation de ces bas fonds Victoriens, dont
j'avais apprécié toute l'importance et la mesure dans l'étude de Kellow Chesney (« Les bas fonds Victoriens »Editions Robert Laffont), pour opérer un
astucieux changement et en faire dans cette dimension alternative, le siége des « grouillants ». Cette minorité est un peu, comme à l'image des miséreux et de ses pauvres ères qui tentaient de
survivre tant bien que mal dans la capitale Anglaise en cette fin de siècle, laissée pour compte, livrée à elle-même, ignorée de tous. Dans l'univers de Krine ce sont des créatures surnaturelles qui
chassées et persécutées dans toute l'Europe, tentent de survivre dans un monde implacable et égoïste, qui n'a que faire de leurs misérables vies. Elles essayent de s'adapter, mais savent très bien
que leur survie ne se fera que par un processus d'intégration lent et douloureux. Alors certains humains font commerce avec elles, on exploite parfois leurs merveilleuses facultés tout en leur
faisant comprendre qu'elles n'ont pas vraiment leur place ici. Elles font alors comme font toutes les minorités, elles subissent en pliant la tête jusqu'au jour où...
Tout ceci baigne donc dans une ambiance qui fleure bon les hommages littéraires et cinématographiques et en bon connaisseur des genres abordés, l'auteur se fait non seulement plaisir, mais nous
comble de ravissement à la lecture de ses nombreux clins-d'œil que parsèment le livre, et toujours utilisés judicieusement.
Il y a dans son style d'écriture quelque chose de très agréable, c'est limpide plaisant et malgré toute la complexité de cet univers dans lequel il nous entraîne, la lecture se poursuit allégrement,
où chaque chapitre donne envie de lire le suivant. De son imagination toute référentielle, il se dégage une ambiance unique, et dans l'atmosphère crasseuse et humide des bas quartiers de la city, il
parvient à nous tenir en haleine, qui devient pour l'occasion abondante et saccadée à force de croiser de telles abominables figures de carême. Une galerie de personnages haute en couleurs, aux
trognes les plus carnavalesques. L'ombre des monstres de la Hammer semble se profiler sur les parois décrépites de quelques ruelles sordides et le souffle putrescent de quelques abominations vomis
des nombreuses bouches d'égouts, nous rappellent à quel point cette fière cité peut être un lieu de mort et de désolation. Ce qui se trame au final de l'histoire est une véritable surprise et nous
démontre toutes les horreurs qui se fomentent dans l'atmosphère électrique des laboratoires de la littérature fantastique
Les personnages, astucieusement détaillés en fin de volume, ont une certaine crédibilité car la grande force du roman, c'est de nous immerger totalement dans cet univers et d'assister en spectateur
abasourdi, à des événements qui nous paraissent les plus naturels au monde. En tant que lecteur assidu, cet état de fait est d'une importance capitale à savoir nous transporter, nous faire vivre
intensément l'histoire qui s'y déroule, réussir à nous faire oublier toute notion de réalité.
Je crois que l'on ne pouvait pas rendre meilleur hommage à toute une facette de cette littérature (et du cinéma par la même occasion) qui nous avait habituée à des œuvres répétitives et sans
ambition. A une époque où les étals de libraires sont complètement envahis par les vampires de toutes sortes, qu'il est plaisant et je dois avouer rassurant (mais je suis un affreux égoïste) de
constater qu'il existe encore et toujours des auteurs capables d'insuffler une nouvelle vigueur à un genre qui commençait en librairie à montrer quelques signes de décrépitudes car quasiment
absent.
Avec Fabrice Bourland et Francis Thievicz je découvre avec plaisir qu'il existe un renouveau des « jeunes » auteurs qui parviennent, au fil de leurs plumes facondes et passionnantes, à donner un
nouveau sens et une originalité sans commune mesure, à l'horizon de l'imaginaire Français.
Dans l'attente du second volume qui figure en bonne place sur ma pile interminable de romans à lire en priorités, je voudrais ici vous remercier de nous alimenter de tant choses délectables et
d'assouvir avec une si grande générosité inventive nos petits plaisirs coupables.
L'ouvrage se termine par un fort plaisant appendice intitulé « Dans les coulisses de Krine » où il vous sera possible d'apprendre bien des choses sur cette nouvelle saga à l'avenir prometteur.
Une mention spéciale pour Benjamin Carré et ses magnifiques couvertures, car pour une fois ce qui se cache à l'intérieur est aussi bien que ce qui se voit à l'extérieur
Tome 1 : « Les enquêtes d'Hector Krine : Les voleurs de cercueils » de Stéphane Tamaillon. Editions Gründ Romans. 2010
Petite piqûre de rappel, morsure devrais-je dire, car dans le roman deStéphane Tamaillon "L'affaire Jonathan Harker" c'est de vampire dont il s'agit, mais d'un vampire d'un genre bien particulier. En revitalisant une figure aussi renommée de la littérature fantastique, lui donnant une dimension non seulement plus biblique mais un aspect encore plus repoussant et original, l'auteur nous plonge dans ce Londres alternatif de la fin du XIXéme où les "grouillants" créatures mutantes et hybrides tentent de vivre en bonne harmonie avec le reste de l'humanité. Mais une révolte gronde. Qu'elle hideuse créature se tapie dans l'ombre et oeuvre pour la déstabilisation de l'empire. C'est ce que va essayer de découvrir Hector Krine, détective de son état, mais d'un genre bien particulier, dont nous commençons à percevoir dans ce deuxième volet une partie de ses immenses pouvoirs. Aidé par Le Dr Jekyll et le Dr Kemp, "l'autre homme invisible" entouré d'une horde de chats, c'est une lutte sans merci qui va se dérouler dans les bas fonds d'une ville qui nous réserve encore bien des surprises. Amoureux de cette littérature fantastique si chère à notre coeur, il n'est pas besoin également de préciser que l'auteur est un passionné de cinéma bis. Toute cette culture "populaire" il nous la restitue ici par le biais de ce monde innovent et original dans une écriture extrêmement plaisante à lire. Il n'est pas évident de nos jours de rencontrer des univers qui nous apportent de la sorte une telle satisfaction et surtout l'envie, une fois le livre posé, de s'y replonger séance tenante. Ouvrir un ouvrage de Stéphane Tamaillon, c'est l'assurance de passer vraiment un agréable moment de lecture dans un univers qui mélange avec subtilité une bonne dose des classiques de la littérature fantastique, un soupçon de steampunk, du mystère et de l'aventure dosés toujours avec soin. Jouer ainsi avec les codes du genre avec un tel talent voilà une raison supplémentaire pour ne pas bouder votre plaisir et vous plonger sans plus attendre dans les trois volumes de cette passionnante série.
Tome deux : « Les enquêtes d'Hector Krine : L'affaire Jonathan Harker » de Stéphane Tamaillon. Editions Gründ Romans. 2011.
Dans ce troisième volume, Krine est une fois de plus confronté au mal absolu et va pénétrer dans d'épaisses ténèbres faisant ressurgir un passé encore frais et douloureux. En se lançant une fois
de plus à corps perdu à la poursuite d'un dangereux criminel son périple va le conduire dans des endroits mystérieux de ce Londres alternatif qui semble figé dans une révolution industrielle et qui
peine à trouver ses marques entre les légendes anciennes et la modernité. Commandité par un ancien ami de son fidèle et inséparable Dr Jekyll son affrontement avec un émule de Jack L'éventreur va le
mener au cœur même de l'arbre monde, reliquat des anciennes légendes où se côtoie merveilleux et folklore et dans les entrailles secrète d'une capitale dont la surface n'est qu'une partie infime des
secrets qu'elle abrite en son sein. Car c'est au cœur de cette cité souterraine de Londinium où siégent les Bandar-logs, créatures improbables façonnées par le bistouri dément du Dr Moreau, que va se
jouer l'ultime combat entre les monstruosités du chirurgien dément rallié à la cause de Krine et un vieil ennemi qu'il croyait à jamais détruit et dont le physique de métamorphe devrait séduire nos
amis Savanturiers adepte de Cthulhu. Dans un final apocalyptique au milieu d'un cadre exotique et étrangement envoûtant, l'auteur nous livre un descriptif d'un combat acharné et sans pitié où le
destin de certains personnages va ainsi se forger tout en renforçant une solide et pérenne amitié qui devrait, je n'en doute pas, maintenir largement ouverte la porte de l'imagination débordante de
Stéphane Tamaillon, et nous permettre de nous replonger par la suite dans de nouvelles et trépidantes aventures.
Dans ce « Maître des Hybrides » au titre évocateur et qui ne dépareille pas avec les deux précédents, il nous est ainsi possible de prendre la pleine mesure des points faibles du héros et de nous
confronter à ses doutes et ses interrogations. En plongeant plus avant dans l'univers mystérieux et fascinant de ce Londres « alternatif » nous prenons non seulement conscience de toute la richesse
de cet univers original et innovant mais également de toute la complexité de Hector Krine qui au fil de ses aventures nous dévoile l'étendus de ses pouvoirs. Toute l'astuce de cet univers foisonnant,
où « grouille » toute une faune extrêmement passionnante, est d'y avoir intégré avec brio toutes ces figures mythiques de notre patrimoine littéraire et cinéphilique. Après avoir usé avec un grand
talent de cette figure emblématique qu'est le Dr Frankenstein et dépoussiéré cette vieille icône de vampire, voilà que Stéphane Tamaillon, plonge gaillardement dans une autre des figures
incontournables des littératures de l'imaginaire « Wells et son Dr Moreau. Mais le lecteur rencontrera bien d'autres surprises comme un certain Rudyard Kipling qui, en bon aventurier qui se respecte
prendra une part active à démêler cet immense écheveau fantastique.
Une fois de plus en impliquant ainsi diverses figures imaginaires ou réelles de la littérature « populaire » l'auteur donne à son récit une consistance et un rendu qui parfois fait défaut à ce
difficile exercice de style.
Avec ce sens de l'action que nous lui connaissons, l'histoire ne cesse de progresser de rebondissements en rebondissements, structurant son histoire autour de cette légende du docteur fou ayant
transformé des animaux en un semblant d'humanité, il apporte en outre quelques touches personnelles qui, loin d'alourdir l'histoire originale, se la réapproprie pour nous livrer une version qui
s'adapte parfaitement à son univers.
Avec des chapitres aussi évocateurs que « La taverne de l'arbre monde » « La cour des Miracles » « Magie noire »nul doute que les lecteurs affamés d'histoires palpitantes devaient rapidement
atteindre cet état de manque insupportable qui envahie notre misérable enveloppe charnelle de lecteur et errer, tels des zombies, dans le couloir labyrinthique de notre imaginaire à la recherche
d'une suite tout aussi passionnante : L'état de manque se fait déjà sentir !
Sa fourmille,ça foisonne, ça vie la dedans...et pendre un livre et de ne lâcher qu'avec regret à la dernière page, voilà le résultat d'un univers parfaitement maîtrisé et qui demeure sans contexte
une belle réussite.
Précipitez vous vite vers ce troisième volume, plongez vous dans « Le maître des hybrides » au visuel remarquable et au contenu des plus réjouissant.
Tome trois : « Les enquêtes d'Hector Krine : Le maître des Hybrides » de Stéphane Tamaillon. Editions Gründ Romans. 2013
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