Si la revue collaborationniste « Le Téméraire » N°7 ( Avril 1943) reste la plus recherchée par les collectionneurs en raison de sa magnifique couverture reprenant des éléments du films « Métropolis » de Fritz Lang ( très apprécié de Goebbels et Hitler) et qui consacra ce numéro aux « Automates » , le N° 19 du 15 Octobre 1943 nous intéresse plus particulièrement car elle consacre sa couverture et deux pages intérieures à notre sujet de prédilection : L'an 2000!
Avec cette magnifique couverture futuriste ( il faut dire que cette revue mettait le paquet pour attirer l’œil d'un jeune public sympathisant) où l'on voit un sous-marin faisant le plein de ses accumulateurs ( probablement pour aller torpiller les villes Anglaises et Américaines), nous avons le plaisir de découvrir à l’intérieur un article et une nouvelle de Pierre Devaux, bien connu des conjecturopathes. Dans l'article intitulé « Que sera le monde de l'an 2000 » ( bientôt en ligne sur ce site) l'auteur qui débute par « Dans 57 ans l'an 2000..... » passe en revue le monde de demain avec une rubrique sur le voyage à travers le temps, les progrès de la communication, le voyage vers Mars.......et trois montages rétro-futuristes assez sympathiques.
La nouvelle qui suit cet article et dont vous allez avoir la primeur ci-dessous, n'est pas très innovante pour l'époque car elle retrace la journée d'un reporter en l'an 2000, en passant également en revue tous les progrès techniques que l'on était en droit d'imaginer à l'époque,tout en restant bien évidemment dans le cadre assez strict des jeunes lecteurs à qui il était destiné. il s'agit là en somme, d'une pierre supplémentaire à l'édifice du merveilleux scientifique qui s'est également enrichi pendant cette période trouble de l'occupation sur le courant de la propagande,et qui pour l'occasion savait toucher un public avide d'histoires extraordinaires. D'ailleurs cette revue ne s'y est pas trompée, en proposant bon nombre de numéros spéciaux consacrés aux domaines de l'imaginaire avec de superbes couvertures qui ne pouvaient que détourner le regard !
Une journée en l'an 2000
Dans la pénombre tiède de sa chambre où la lueur de la fenêtre est adoucie par des rideaux de quartz tissé, François Moyen, de Paris-Majuscule,grand journal quotidien, quatre millions de lecteurs, repose sur son matelas en caoutchouc poreux, rafraîchi ou réchauffé, suivant la saison, par une circulation d’eau intérieure. François dort. Sommeil excusable, du reste; la « Pendulette parleuse », sur la tablette, chuchote à mi-voix, inlassable :
- Huit heures, 3 minutes, 10 secondes... 8 heures, 3 minutes, 20 secondes...
Tout à coup, un déclic se produit dans le plafond. Un jet discret fuse, l’air s’emplit d’une délicieuse odeur de foin coupé et de sous-bois. Puis une musique majestueuse débute en sourdine — la Symphonie pastorale de Beethoven — tandis qu’une voix aux inflexions engageantes s’échappe d’un électro-parleur :
- Réveillez-vous, amis, la vie est belle ! Aujourd’hui, 20 mai de l’an 2000. Temps clair, soleil, vent ouest-nord - ouest, temps propice pour les excursions à la campagne.
- Huit heures 15 minutes, répond la Pendulette parleuse.
François se retourne, bâille et presse un bouton. Un pas lourd se fait entendre : la porte s’ouvre et livre passage à un géant de métal.
Les premiers essais des ingénieurs pour construire des Automates capables de remplacer les domestiques, des Robots-Valets de chambre, n’avaient pas été heureux. Plusieurs étranglèrent leur maître en lui nouant sa cravate, parce qu’ils avaient été réglés pour des maîtres à cou maigre. Le problème de la cuisine fut également délicat; il fallut doter les Robots d’un « humeur électrique » basé sur la composition de l’air et capable d’apprécier le fumet des viandes, le degré de cuisson d’une pâtisserie. Grâce à des Yeux électriques ces menues difficultés étaient surmontées, et maintenant tout appartement parisien avait son Valet-Robot que l’on reléguait dans le placard aux balais, avant de partir en vacances, avec un peu de naphtaline dans les poches, de son veston, de peur des mites.
D’un geste adroit, le Robot écarte les rideaux, ouvre la fenêtre, laissant entrer le bon air du dehors ; point n’est besoin, en cette saison, de ces Climatiseurs qui fabriquent à volonté, au cœur de l’hiver, un climat de l’Inde ou de l’Égypte. Sur la tablette, près du lit, il dépose une tasse fumante de thorio-chocolat synthétique, préparé par l’action de microbes sélectionnés sur la sciure de pin des Landes ; dans le sucrier, quelques boules blanches de Sucre glucose — foin de la saccharine, qui fait illusion, mais ne nourrit pas! — obtenu en faisant agir l’acide sulfurique sur des déchets de chiffons. François, conservateur, n’a jamais pu s’habituer à cette nourriture chimique, à ces pilules nutritives que les hommes d’affaires avalent sans s’arrêter de dicter leur courrier à leur secrétaire. On dit même que le grand Dumas-Cardaigne, administrateur de plus de vingt sociétés industrielles, s’est fait enlever l'estomac, comme on se débarrassait autrefois de son appendice !
Chez les cochons automatiques
Crépitant dans l’espace, ceinturé de flammes mauves, l'autogyre 305 EG (Presse) file à grande vitesse sous la corolle tourbillonnante de son hélice de sustentation. Le Paris de l’an 2000 défile comme un plan en relief, avec ses quadrilatères de rues coupées de jardins, ses perspectives de forêts et de lacs. Voici Colombes, Saint-Germain, Poissy, depuis longtemps incorporés dans les quartiers parisiens, reliés à la station centrale de l’Opéra par le métro à bobines aspirantes filant gaillardement ses 400 kilomètres à l’heure.
Sur la manette des gaz, la main de François se pose, le tonnerre du moteur ralentit ; l'autogyre descend « en roue libre aérienne » et vient se poser sur la terrasse de l’usine des cochons automatiques.
François, suivant son guide, pénètre dans une véritable nef de cathédrale, aux piliers de ciment armé, hauts de 30 mètres. Derrière des panneaux vitrés, des tapis roulants défilent, plongeant dans des bacs emplis de liquide et émergeant, en montagne russe, sous les rayons ultra-violets d’un soleil artificiel. Ensemencés au départ, au moyen de graines qui se logent dans des millions de petits trous, ces « champs mobiles » se couvrent rapidement d’une épaisse « moisson » que des faucheuses électriques coupent à l’autre extrémité. Ici, pas de gelées, pas de mauvaise saison à craindre : la vie est domestiquée !
M. Machault de Lariboisière appuie sur un bouton, une porte métallique glisse :
- L'usine à viande !
Des milliers de grognements, de piaiIlements, de bêlements, s’échappent d’un nombre prodigieux de boxes en ciment, où des poules, des moutons, des cochons de 6 mois, vivent et se développent sans jamais voir le jour, dans la lumière ultra-violette, nourris au tuyau, douchés automatiquement, contraints de faire de l’exercice par un tapis roulant qui leur file sous les pattes. Alimentés par les déchets de l’usine à plantes, ils fournissent un énorme contingent de viande et d’œufs pour l’alimentation de Paris.
Sur la poitrine de François, son doigt déclenche l’appel du radio-téléphone ; ses paroles, son article, sténographiés par un téléphoniste de Paris-Majuscule, sont aussitôt portés à la typographie : avec un petit peu de chance, le « papier » passera à l’édition de midi.
En fusée intercontinentale
Dans la haute atmosphère de la Méditerranée, confortablement enfoncé dans son fauteuil pneumatique,de la Fusée Marseille-Tokio, François Moyen rêve au spectacle qu’il vient de voir dans les lagunes du Rhône ; ces kilomètres carrés de vitrages, recouvrant des bassins plats, à fond peint en noir, dans lesquels l’eau circule en couche mince. Échauffée jusqu’à 70°, cette eau est admise dans des turbines géantes, à vide, type « maréthermiques », semblables à celle que Georges Claude essayait, en 1943, sur le littoral de la Côte d’ivoire. Capter l’Énergie solaire, tel est donc la plus récente conquête de ces ingénieurs de l’an 2000, à qui les ressources de la planète ne suffisent plus !
Avec un puissant sifflement, la Fusée vient s’amortir dans les bassins allongés de Yokohama. Autogyre-taxi, terrasse d’un gratte- ciel de 150 étages (700 mètres) ; François est dans l’immeuble-ville de la Compagnie scientifique expérimentale.
- Bonjour, monsieur Moyen ! Je suis très honoré de vous recevoir dans ma modeste demeure.
Ce petit homme rose? Mais oui, Notosu, 85 printemps, que les procédés de rajeunissement intégral par les hormones maintiennent dans la « forme » d’un gaillard de 20 ans.
Le long de passerelles aériennes, les deux hommes circulent au-dessus des parcs où l’on élève les monstres, les animaux-colosses. Depuis bien avant 1940, les savants avaient découvert les propriétés surprenantes de la colchicine, cette substance extraite du colchique des prés et qui « gigantifie » les plantes; en combinant cette action avec celle du froid, Notosu et ses collaborateurs sont parvenus à faire naître des moineaux comme des autruches, des puces comme des caniches et un éléphant -Élephas magnus !- haut de 20 mètres, qui a brisé les portes de sa prison, dévasté tout un quartier et jeté une locomotive en bas d’un remblai avec sa trompe !
- Oui, honoré monsieur, s’exclama Notosu avec une visible fierté, il a fallu l’abattre avec du canon de 105 !
Mais l’heure presse : 17 h. 30, heure planétaire ; 2 h. 30, heure locale; le journaliste n’a que le temps de prendre la Fusée intercontinentale, s’il veut se trouver au dîner de gala offert à la presse parisienne par les usines d’auto-turbines Citrault-Reno, à l’occasion de la sortie de leur dix-millionième châssis... Dans la Fusée, où le jour revient rapidement, le projectile marchant en sens contraire à celui de la rotation de la terre, François murmure dans le radio-téléphone son article sur l’Éléphant de Tokyo, tandis que la radio, discrète, annonce à mi-voix : « Dans le secteur du lac du Soleil, les troupes terrestres poursuivent leur mouvement en avant, rendu pénible par des végétations rouges et par l’extrême ténuité de l’atmosphère martienne... »
Pierre Devaux
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