Les moyens de transport n'ont eu de cesse d'intriguer les auteurs d'anticipations qui voyaient en eux les signes d'une révolution technologique donnant à l'homme le moyen d'aller encore plus vite et encore plus haut. Déjà en 1898 dans « La Fin du Cheval » publié chez « Le Petit Français illustré » Pierre Giffard passionné de bicyclette met en évidence le remplacement inéluctable du cheval par ce curieux engin à deux roues puis par l'automobile : un signe des temps que rien ne pouvait contrarier. La fin de ce siècle est un tournant décisif quant aux moyens de se déplacer et il est clair que pour vivre avec son époque il sera impératif de se laisser porter par les ailes du progrès, ailes qui seront-elles aussi le signe d'une avancée fulgurante dans le domaine des transports et que bon nombre « d'anticipateurs » vont utiliser dans leurs romans.
Cette science au service de l'homme et de son besoin d'aller toujours plus vite, fut déjà mise en exergue dans un article du marquis de Dion. Souvenez vous de « L'automobile reine du monde » (dont vous retrouverez l'intégralité sur les pages de ce blog dans la rubrique intitulée « Les introuvales ») publiée dans la revue « Je sais tout » du 15 mars 1906 et magnifiquement illustré par H.Lanos. Grand spécialiste de l'automobile, celui-ci voyait en elle le signe incontestable des prochains grands bouleversements de l'humanité et de son inévitable « marche » en avant.
Octave Uzanne, homme curieux, bibliophile de la première heure, éditeur et dont le cercle d'amis comprenait hommes de lettres et artistes,fut lui aussi passionné par cette intrigante machine qui sans nul doute allait dans un avenir assez proche, bouleverser notre mode de vie. Aussi dans l'article que vous allez lire, insiste t-il sur la nécessité de cette révolution technologique qui, non seulement va permettre à l'humanité de s'élever encore plus haut, mais lui permettre également le rapprochement des peuples entre eux, en abolissant toute notion de race, de frontières et de culture. Il avait peut-être oublié qu'a trop se rapprocher du feu on fini par se brûler !
Les moyens de communication sont certes l'avenir de l'homme, mais l'utilisation qu'il en fera dépasse malheureusement le cadre « humaniste » que l'auteur a ici développé.
Uzanne fut d'ailleurs très intéressé par les liens puissants qui unissent l'homme à la machine, puisqu'il rédigera un ouvrage en 1900 ,publié aux éditions Ollendorff et intitulé « La locomotion à travers l'histoire et les mœurs » : Tout est dans le titre
Grand ami de Albert Robida, qui fut lui aussi à maintes reprises concerné par les moyens de locomotion et une grande partie de son œuvre conjecturale en témoigne, prêta sa plume inspirée à Uzanne afin d'illustrer de façon souvent humoristique cet article inédit et passionnant sous bien des formes, ne serait-ce que pour cette vision des plus optimiste de notre futur.
Les deux auteurs furent en outre réunis à l'origine pour un travail à quatre mains dans les fameux « Contes pour les bibliophiles » publié en 1894 et contenant la célèbre « la fin des livres ».


Je vous laisse donc en compagnie de cet auteur aux multiples facettes, à déambuler dans les rues de la capitale à l'intérieur de bien curieuses machines qui ne sont là que pour servir l'homme et l'arracher à sa misérable condition de piéton.

 

« Perspective d'avenir : La locomotion future » De Octave Uzanne. Illustrations d'Albert Robida. « Le monde moderne »Janvier 1895.

L'écrivain qui s'aviserait de nous doter d'une Histoire de la Locomotion au XIXéme siècle et qui étudierait cette monographie avec toute la passion des recherches qu'elle comporte devrait s'attendre à un véritable succès, tant en France qu'à l'étranger, car il donnerait carrière à un livre à la fois instructif, pittoresque et amusant, rempli d'images documentaires, d'épisodes caractéristiques, d'anecdotes oubliées, de détails ignorés et piquants. Ce serait une œuvre typique, l'une des plus curieuses qui se puissent produire à cette époque où s'imposent les divers tableaux récapitulatifs des multiples progrès accomplis dans toutes les artères de notre vie sociale, durant cette extraordinaire période des cent dernières années.


Les récentes Expositions internationales tant à Paris qu'à Chicago, ont ouvert à la locomotion rétrospective et contemporaine de vastes sections, sinon des palais spéciaux comme il en exista en 1893 sur les bords du lac Michigan, et il ne faut pas douter que les directeurs de notre futur Congrès de 1900 accorderont également un vaste emplacement aux divers véhicules et moyens de transports présents et passés qui ont si profondément transformé —depuis cinquante ans surtout—les relations internationales et le goût du déplacement dans une population naguère trop stagnante.


Le Temps, ce vieux marcheur intrépide, qui pourrait être symbolisé aujourd'hui sous l'effigie d'un gentleman affairé et positif monocyclant sans trêve sur le cadran des heures, ou bicyclant sur le disque des pièces de cent sous, le Temps qui semble avoir gagné de valeur et de vitesse depuis que la lutte pour la vie, devenue plus âpre, donne à chacun le sentiment de son souverain pouvoir, ce terrible temps mythologique dont la faux n'est plus qu'un rasoir menaçant, a eu vite fait de reléguer dans le magasin des accessoires du passé les antiques diligences de nos précurseurs, les berlines, les carrosses, les cabriolets et tous les autres instruments de torture que nos pères, insoucieux et ironiques, nommaient déjà des incommodes ou des désobligeantes.


Les locomotives et les wagons ont été presque aussi vite démodés. C'est à la vue des différents types inventés de 1814 à 1894 - et combien nombreux sont-ils ! - que l'on conçoit la véritable philosophie du progrès qui, en toutes choses, n'est jamais que relatif.


Certes, le XIXéme siècle nous semble extravagant et démesurément bondé, d'autant mieux que nous apportons tous, à quelque milieu social que nous appartenions, un vague amour-propre inconscient d'y être combattant et d'avoir consacré le faible instrument de notre personnalité agissante à l'impulsion générale, à la force commune. Mais sommes-nous vraiment assurés de l'admiration, de l'étonnement, de la stupeur ou même de la simple considération des générations à venir, comme nous nous plaisons ingénument à le croire et à nous en convaincre, dans nos paroles et nos écrits? — Serons-nous les hommes épatants que nous pensons être, les grands remueurs de choses et d'idées, les titans fameux que nous imaginons et qui doivent déconcerter l'Opinion de demain?
A vrai dire, dût notre vanité en souffrir, nous ne le pensons pas.

Le XIXéme siècle n'aura été, en toutes choses, qu'un initiateur, un tâtonnier un chercheur fiévreux, un semeur d'idées et de projets que le XXéme siècle, plus positif, plus scientifique, plus pondéré et moins idéaliste et sentimental, réalisera.
Les hommes du xxe siècle ne comprendront. rien à nos angoisses, à nos complexités, à nos inquiétudes, à nos mesquineries, à notre chauvinisme, à nos guerres civiles et internationales; en dépit des documents que nous nous sommes plu à accumuler à leur intention, ils ne pénétreront pas notre psychologie, nos états d'âme; ils sentiront le ridicule de regarder en arrière, et,méprisant nos livres, nos monuments, notre art, nos tentatives vers le Beau, ils auront de nous une idée assez pauvre de bonnes gens un peu falots, faisant montre de scrupules et d'honnêtetés invraisemblables; nous serons, en un mot, à leurs yeux, quelque chose d'analogue à ce que nos pères de 1830 sont, aux nôtres, des bourgeois façon du père Poirier, d'un esprit méticuleux, vaniteux et borné, des rêveurs d'utopies, ne comprenant rien à l'action instantanée.


Pour ne considérer que l'horizon déjà lisible et précis de la locomotion prochaine dans ses transformations à la veille de s'accomplir, il nous est permis, en nous basant sur des probabilités, d'établir, sans prétendre en préciser scientifiquement les détails, le tableau de la vie de voyage ou de transport par terre, par eau et par air, d'ici quelque trente ou quarante années.

Trois principes de traction semblent dominer à l'heure présente pour nous transporter au loin, vite, confortablement et économiquement : la vapeur, l'électricité et le cyclisme ou automotion encore à ses débuts.


Tous trois offrent sur le cheval, la plus noble conquête de l'homme, des avantages trop réels et trop appréciables pour ne pas,à brève échéance,réduire le rôle de nos coureurs à celui de bête de luxe et de représentation. Ce sera pour ces intelligents et malheureux animaux, depuis si longtemps victimes de notre indolence et de notre tyrannie, une revanche méritée, une retraite bien gagnée.


Tandis que le cheval-vapeur se développera à l'avant de toutes les voitures publiques ou privées et que fonctionneront les chaudières, les bielles, les condensateurs et tous les nouveaux propulseurs susceptibles d'être adoptés pour nos diligences de campagne et de montagne, nos charrettes, tombereaux, fardiers et instruments aratoires, les cavales enfin rendues à l'indépendance, aux gras pâturages — et ajoutons peut-être à l'hippophagie—auront droit aux mêmes loisirs que l'espèce bovine et contempleront, à travers barrières ou haies, d'un œil inconscient et vague, les voitures sans attelage, sans brancards et sans fouet, qui, à peine mugissantes et enfumées défileront sur les routes où jadis elles meurtrissaient leurs sabots.


Nous n'entendrons plus, sur les chemins le rythme si agréable des trots et
des galops, les joyeux hennissements déchirant l'air, les clairs grelots, ni le souffle oppressé des percherons aux dures montées; seuls, de lourds cahotements de roues, des halètements de machines, des bruits de sirènes avertisseuses troubleront la paix des champs.

Partout des voitures à vapeur ou électriques, partout des entrepôts de charbon, de pétrole ou d'accumulateurs, partout des prises d'eau pour les chaudières, des restaurants pour les voyageurs, des forges pour réparer les avaries des moteurs; les villages transformés, les paysans encore si casaniers et routiniers, métamorphosés, toutes les chaussées départementales envahies par des cars automatiques et surtout par des voltigeurs de la bicyclette fuyant légers comme des oiseaux clans l'air!

Tous ces véhicules  ne seront point sans caractère et prêteront encore à la physiologie. On remarquera la large voiture de promenade ou family-car propre à tous usages et surtout aux repas en plein air, car la chaudière, utilisée comme cuisinière bourgeoise pendant les arrêts favorables sous l'ombrage, facilitera la confection des succulents ragoûts, des petits pâtés chauds et du café brûlant. Le médecin de campagne adoptera une pétroleuse confortable, munie de coffres à médicaments, avec chauffeur tempéré permettant de maintenir à une bonne température les tisanes sudorifiques, les potions antiseptiques et les injecteurs et vaporisateurs prophylactiques.

Tous ces véhicules " ne seront point sans caractère et prêteront encore à la physiologie. On remarquera la large voiture de promenade ou family-car propre à tous usages et surtout aux repas en plein air, car la chaudière, utilisée comme cuisinière bourgeoise pendant les arrêts favorables sous l'ombrage, facilitera la confection des succulents ragoûts, des petits pâtés chauds et du café brûlant. Le médecin de campagne adoptera une pétroleuse confortable, munie de coffres à médicaments, avec chauffeur tempéré permettant de maintenir à une bonne température les tisanes sudorifiques, les potions antiseptiques et les injecteurs et vaporisateurs prophylactiques.


La châtelaine possédera une baladeuse en osier, à trois roues, tout au plus large comme un vaste fauteuil indien, qu'elle conduira seule dans les sous bois et même sur les venelles les plus étroites. On verra également des Arachnéennes électriques dont les deux roues principales, légères et finement tissées de menus fils de laiton, auront un diamètre dépassant en élévation le dôme même de la capote, tandis que la roue directrice, plus solide, sera réduite des deux tiers afin d'assurer les évolutions des tournants. Les Arachnéennes seront des voitures de voyage et de grande vitesse. Elles atteindront de 25 à 35 kilomètres à l'heure.

Les commis voyageurs rouleront dans des magasinières aux couleurs très voyantes, s'ouvrant sur les côtés comme des armoires normandes, et exposant sous vitrines les amorces de la coquetterie rustique ou les conserves alimentaires de toutes marques; beaucoup exploiteront le genre voiture-réclame et conduiront d'étranges pièces de carrosserie en forme de bouteilles, de pots, de brocs, de futailles, selon les spécialités représentées.


La voiture deviendra un luxe intéressé, une enseigne, une démonstration, une affiche. Il y aura des voitures-tribune, pour les candidats à la députation en tournée électorale ; des voitures blanches mystérieuses et tabernaculaires, à sonneries automatiques, pour les prêtres portant au loin le saint sacrement; des voitures de notaires en corvée d'adjudications, avec des feux électriques s'allumant et s'éteignant à volonté pendant les enchères; sans compter les roulottes des forains, véritables maisons ambulantes pourvues de tout le confortable du siècle et qui porteront dans les plus petites bourgades la connaissance des jeux olympiques, des clowneries savantes et des parades burlesques.

Les rues des villes, de Paris, de Londres, de Vienne, de Berlin ou de Bruxelles, ne ressembleront plus à la calme cohue des temps modernes, et les poètes qui, à la façon de Boileau, voudront exprimer les embarras de la cité, devront avoir recours à l'harmonie imitative diabolique des forges du Creuset en plein labeur; les injures, les quolibets,les plaisantes attrapades des cochers, ne pourront plus dominer, tant sera intense et prodigieux le vacarme des roues grinçantes, des chaudières de tôle bossuées, des sifflets, des cloches, des sirènes, des freins d'arrêt s'agrippant aux essieux et des vapeurs subitement renversées dans un rauquement d'agonie.


Ici encore, le spectacle sera pittoresque, bien que dangereux pour le flâneur; dans la grande coulée vivante des avenues, défilant pressées les unes derrière les autres, au milieu de l'assourdissante clameur des trompes d'avertissement, les Cabs de la Nouvelle compagnie électrique, à l'avant cintré et blindé, aux
roues caoutchoutées, s'emboîteront dans un long ruban ascendant et descendant, entremêlés parfois de lourds fardiers ou de camions à vapeur chargés jusqu'à la hauteur d'un premier étage, avec la grue mécanique prête à décharger la marchandise sur les trottoirs. De tous ces véhicules surchauffés, se dégagera comme une fade odeur de graillon et de sulfure, faite d'huile tournée au cambouis, de coke en combustion grésillant dans l'eau et de suie volatilisée dans l'air.
Pour ne pas empuantir les quartiers riches et élégants, les allées des bois et les promenades de la société dorée, les classes qui donneront le ton proscriront à la fois la vapeur et l'électricité comme ne convenant qu'à la foule des gens peu délicats et affairés.

 

Ce qu'ils mettront à la mode, ce seront de riches carrosses aux panneaux coquettement enrichis de peintures, et montés sur d'admirables ressorts avec une livrée de pédaliers, deux valets à l' arrière, en tenue de gala, actionnant à grand renfort de jambes le disque des roues, tandis qu'à l'avant, le conducteur, habile veloceman, donnera à l'équipage une allure preste, ondoyante et distinguée.
Plus de chevaux nulle part, hormis dans quelques allées cavalières des parcs suburbains; les anciens hippodromes de Longchamps, d'Auteuil ou de Saint-Ouen, convertis en vélodromes par des sociétés industrielles offrant des prix considérables pour l'amélioration des bicyclettes; chaque dimanche et chaque jeudi,le pari mutuel entraînant au jeu les cinq sixièmes de la population, sans que le gouvernement puisse, sous peine de révolution, mettre un terme à cette folie de la cote. Telle sera la notation de l'observateur de demain; les convois funèbres électriques, qui ne contenaient jadis qu'un char isolé, seront formés désormais de véritables trains encombrés de corps enfin rendus au repos et que des rapides nommés P. P. C. Express emporteront à la vitesse de cent kilomètres à l'heure vers les usines incinératrices établies aux confins de la mer du Nord.

Ces progrès, en effet, ne seront-ils pas complets, presque définitifs, d'ici moins d'un siècle, et les initiatives déjà en éveil ne parviendront-elles pas à conquérir tour à tour les derniers éléments contre lesquels nous luttons encore? La terre, avant que la génération naissante soit octogénaire, sera couverte d'un réseau de voies ferrées, comparable au filet en lacis de cordes qui enveloppent un ballon; les océans seront sillonnés de bâtiments dominateurs qui subjugueront les flots, et le problème de la navigation aérienne pourra, il est hors de doute, se trouver en partie résolu. Les peuples, selon Hugo, auront fouillé les flancs de la nuit et opéré, au profit de tous, une immense extraction de clarté. Imaginons, afin d'abandonner l'odieuse répétition de ce verbe futur, que le chroniqueur, qui esquisse cette causerie familière, soit devenu tout à coup, par anticipation, non pas un visionnaire en avant, mais un contemplateur des fait accomplis et qu'il se voit placé sur le terrain de l'an de grâce 1994; admettons qu'il soit alors optimiste à la façon d'un ministre des travaux publics et que, pour fêter le centenaire de la création du Monde moderne, il puisse évoquer à vos yeux, en un discours substantiel et satisfait, le pas de géant — cliché connu — marqué en un siècle par le génie humain. Écoutez-le, la bouche arrondie, le geste vainqueur, développant ses conclusions historiques dans des phrases d'une éloquence officielle.

« Eh ! oui, messieurs, il y a un siècle encore, nos pères,-ces fils vaniteux de leur révolution, sceptiques et naïfs à la fois, n'auraient point osé affirmer la réalisation de tant de projets alors à l'étude ; plus théoriciens que praticiens, nos excellents aïeux n'apportaient que trop d'indécision dans la mise en œuvre ; ils cloutaient de tout et s'étonnaient de rien, avec cette sorte de sentimentalisme suranné dont les féroces obligations de la vie et la connaissance plus précise des choses ont su enfin nous délivrer.


« Sur la fin du XXéme siècle, à cette heure où la Paix, cette déesse à huit mamelles, encore inquiète, troublée et inconfortablement assise au milieu de notre nation, conviait le monde à l'Exposition de 1900, médiocre conception établie au centre de la capitale, sans moyens de transport et sans aperçu grandiose, que voyons- nous?
« Un Paris encore emprovincialisé, bourgeoisement habité, lamentablement éclairé, à peine percé de quelques belles avenues, tandis que, des bords de la
Seine à Montmartre, nous ne remarquons qu'un fouillis de petites rues maussades, mal pavées, bordées de vieilles maisons inélégantes et peu hygiéniques, comme, seules, certaines petites villes d'Espagne ou d'Italie pourraient encore nous en fournir l'exemple.

 

« Cette cité que nos complaisants aînés osaient nommer sans rire la Ville Lumière, alors qu'un gaz noir fuligineux sans puissance vacillait dans quelques pauvres lanternes espacées le long de la chaussée, cette cité, où l'on constatait une émeute encore imprécise des intelligences vers l'aurore, était dépourvue de tout souci de bien-être et de locomotion, et les neuf dixièmes de nos concitoyens, en ces temps sombres, ignoraient l'étranger, ignoraient l'Europe, ignoraient le Monde.  Il fallait alors quinze heures pour se rendre à Marseille, sept à huit pour gagner Londres, plus de deux jours pour atteindre Pélersbourg et Constantinople et nos musées rétrospectifs vous ont montré clans quelles pitoyables voitures, à l'aide de quelles lentes et lourdes machines de traction ces trajets accablants s'accomplissaient.  ombien loin de nous tout cela, mes amis!

 

« Regardons notre Paris moderne, messieurs, le Paris sorti des limbes où il végétait sous la barbarie ou l'incurie de nos prédécesseurs, et bénissons la destinée qui nous a fait naître en un temps où tant de progrès accomplis ont sinon amorti nos peines morales, du moins décuplé les plaisirs de notre indolence native. Admirons les efforts qui nous ont permis de couvrir noire grande ville de voies de communication innombrables, voies aériennes, souterraines et terrestres; admirons nos chemins de fer élevés sur des architectures de fer qui ajoutent plutôt qu'ils ne retirent à l'élégance générale et qui donnent raison à ce mot d'un de nos poètes de l'Ecole praticienne : « Le temps a perdu ses mesures, « ses règles, sa notation, ses divisions, sa « tyrannie; la société moderne lui a volé « sa faux et son cendrier ; l'heure contemporaine vaut une année d'autrefois! »

 

Ne pensez-vous pas mes chers co-progressistes que nous avons atteints dans la pratique de nos besoins matériels les colonnes d'Hercule des ambitions humaines ? Que nous reste-t-il à réaliser des problèmes qui nous ont été légués par nos pères? Nous avons assoupli, domestiqué à nos moindres usages les forces électriques à un tel point de perfection que, chez le riche ou le pauvre, notre devise éclate également : Nihil in obscuro. Rien qui ne soit lumineux !


L'aérostation, qui si longtemps tortura le cerveau des chercheurs et qui sembla en tant que direction méthodique, une utopie absolue, est devenue pour nous de la plus élémentaire application et, pour employer une vieille locution de naguère, « est entrée définitivement dans nos mœurs ». L'électro- cable aéronef qui, en moins de deux heures, parcourt le pays des rives de la Manche à celles de la Méditerranée, le London-Wien - Téhéran-Kaschmir-Pékin aérophage Limited qui rejoint, en trois petites journées, le Royaume-Uni au Céleste Empire, ne semblent pas devoir être dépassés en vitesse, en sécurité, en confortable; je ne parle pas de nos Aéro-cycles, dont l'usage est si développé dans la population actuelle que le firmament compte aujourd'hui plus d'hommes gravitant sur le zénith qu'il n'y avait d'oiseaux aux temps préhistoriques.


« Ces conquêtes, messieurs, ont, de plus, assuré la salubrité morale et physique des habitants de notre planète; les maladies, les guerres, les révolutions qui désolèrent durant tant de siècles notre pauvre humanité, sont enfin rayées du registre de nos misères. On peut dire que tant de calamités, tant de désastres, n'eurent qu'une cause : la stagnation des êtres, Egoïsme des peuples, l'ignorance d'autrui; pour tout dire, l'impossibilité de se mouvoir et de regarder au delà.
Il y a plus de soixante ans, messieurs, que les gouvernements internationaux, désireux d'échapper aux folies du socialisme et de l'anarchie, l'ont compris; un puissant philosophe, en un Congrès célèbre, a démontré, vers 1935, que le voyage était la soupape de sûreté de nos institutions sociales; je n'ai pas à vous rappeler les bienfaits qui nous sont venus du Congrès de Washington qui nous donna, avec l'indépendance véritable, la tranquillité du lendemain.

« Il s'agissait, en effet, par un commun accord international, de développer à outrance toutes les voies de communication, de multiplier les lignes ferrées, les câbles électro-conducteurs, les rapides aériens et de donner libre parcours dans ces hôtels roulants à tous les citoyens, en s'appuyant sur cette raison souveraine que, les routes étant à la communauté, le transport devait logiquement, comme le chemin, appartenir à l'individu. Un admirable système d'impôts de compensation permit la réalisation de ce programme et nous devons dire que c'est grâce à la locomotion pour tous que nos villes ont perdu peu à peu cet aspect monotone, cette allure maladive, cet esprit de clocher étroit et abaissant pour le cerveau qu'elles conservèrent jusqu'à 1945 environ.


« Jadis, les hommes vivaient entassés dans les cités, comme les malades dans les hôpitaux, étiolés, flétris, ne pouvant échapper au joug de la misère, pleins d'envie pour les riches, qui seuls pouvaient aspirer à se mouvoir et à chercher l'air pur et l'éducation pratique du dehors. Les chemins de fer, aux mains d'avides capitalistes, n'étaient ouverts qu'aux classes fortunées ; voyager signifiait dépenser ; l'air, l'eau, la lumière se payaient au poids de l'or ; le pauvre était traqué comme une bête féroce par des administrations qui semblaient inféodées à la gendarmerie; le public était corvéable à merci, il devait implorer la faveur d'être accueilli aux bureaux des transports, des impositions et des postes, lutter contre des douanes et des octrois devant lesquels il comparaissait comme un criminel devant des commissaires; les ronds de cuir administratifs étaient rogues, grossiers, pleins d'importance et d'un esprit monstrueusement borné par des règlements ridicules et plus vieux que des édits du Moyen Age.

« Tout déplacement était une fatigue; les voitures, traînées par des bêtes brisées de fatigue et vidées par insuffisance de nourriture, s'en allaient cahin-caha,  sur la chaussée, vers des gares lointaines, malpropres, incommodes, où fallait traîner ses colis dans d'affreuses boites capitonnées à l'intérieur desquelles des geôliers vous enfermaient durement en compagnie d'autres prisonniers, et ce peuple bon enfant qui, par une série de gamineries cruelles, avait fomenté tant de sanglantes révolutions pour obtenir de vagues et inutiles libertés, se laissait conduire comme un troupeau de moulons, incapable de réclamer la plus chère de toutes les indépendances, celle de l'individu.


« Ce tableau, vous le connaissez, messieurs, il a été décrit cent fois dans tous les livres qui traitent de l'esclavage du peuple Républicain au XIXé siècle; mais si je l'esquisse au passage, c'est pour vous rappeler l'admirable solution de la question sociale dès maintenant obtenue par notre cosmopolitisme ou plutôt noire internationalisme gratuit. Nous avons su échapper, non pas à ce pessimisme que donnent souvent le bonheur et la réalisation du rêve, mais à l'affreux gâchis dont les justes revendications populaires menaçaient notre société. C'est à la locomotion à outrance, à la vapeur, à l'électricité, à la domination de l'air, à la possession des océans, aux facilités données à tous d'explorer notre globe, sans bourse délier, que nous avons pour toujours tourné cette grande difficulté d'être, qui angoissait si cruellement nos précurseurs.


« Mais ce qu'il fallait surtout, c'était sortir ce peuple de ses idées routinières, de ses opinions préconçues, de cette manière de fakirisme vaniteux qui le portait à se juger comme le premier du monde; c'est aux voyages entraînant la masse hors frontières, c'est à la locomotion que nous devons surtout le réactif puissant, le vigoureux moxa qui put le sauver au milieu même de cette ère nouvelle, apaisée et généralisatrice.


« Messieurs, les premiers hommes étaient errants, le destin voulait qu'ils le redevinssent. Buvons à la locomotion qui nous assure la santé physique et morale, qui sont les seules richesses humaines! »
Arrêtons ce discours xxe siècle, qui, tout, fantaisiste qu'il puisse paraître, est pour le moins vraisemblable ; il résume un état de choses qui, espérons le, deviendront des réalités;  l'humanité, nation définitive, peut être entrevue sans paradoxe.
La locomotion future sera le grand véhicule de celle humanité nouvelle, les hommes ont besoin de mêler leurs races, de connaître leurs habitats, d'apprécier leurs qualités distinctives; la haine des peuples n'est qu'un immense malentendu.
Les progrès mécaniques vont du reste se développer si hâtivement qu'ils feront bientôt crier au prodige; mais le génie des gouvernants sera, d'ici quelque vingt ans, souhaitons-le, de donner à tous nos concitoyens la fantaisie du voyage et d'ouvrir gratuitement les voies universelles. Dans le domaine économique et social, la gratuité des voyages serait encore le plus grand progrès que nous puissions réaliser.


Octave Uzanne.

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