La survivance d'animaux préhistoriques dans les littératures conjecturales ne sont pas rares, mais c'est un genre littéraire qui ne va proliférer que lorsque paraîtra le roman de Sir Arthur Conan Doyle « Le monde perdu », lui même inspiré par les exploits du colonel Fawcett convaincu de l'existence d'une cité mystérieuse enfouie dans une région inexplorée du Mato Grosso . A cette époque l'archéologie est en pleine expansion, les théories sont assez nombreuses et certains n’hésitent pas à avancer l’hypothèse de la survivance possible de certaines races dans les coins les plus reculés du globe. Au début du XXéme siècle , de nombreuses régions de notre globe restent inexplorées, terreau fertile à l'imaginaire de nos auteurs pour échafauder quelques théories qui, si elles paraissent peu crédibles , ne manquent pas d'enflammer les fantasmes des lecteurs de l'époque. Peu de nouvelles furent écrite dans ce domaine et celle que vous allez découvrir ici est assez amusante car elle nous est livrée comme le témoignage authentique d'une expédition organisée dans les plaines désertiques de l'Alaska et qui fut le témoin d'un étrange rencontre avec une créature préhistorique censée être éteinte depuis des millénaires. Le plus amusant dans tout cela est qu'il n'y a aucune photo pour appuyer la véracité présumée de ce récit, seulement des gravures faites d’après les témoignages des personnes présentes .Curieux alors que le « document » nous montre un seul et unique cliché du départ de l'expédition.
Un sacré canular qui à l'époque de sa publication à certainement fait frémir quelques lecteurs amateurs de sensations fortes et alimenter un imaginaire déjà bien productif. Un nouvelle qui n'est pas sans me rappeler l'ouvrage de Robert W .Chambers, grand amateur de cryptozoologie, « En quête de l'inconnu » au éditions « Le visage vert » un recueil passionnant et indispensable « d'aventures zoologique et paléontologiques » précédé d'un excellente préface de Michel Meurger, comme il se doit, « Le monde perdu au parc du Bronx ».Toujours du même érudit personnage, nous consulterons avec intérêt sa postface à la nouvelle « Les sphyx », dans le numéro 4 du « Visage vert » et intitulée « Les confins des sciences naturelles selon Robert W.Chambers ».
« Le monstre de « Partridge Creek » Nouvelle de Georges Dupuy publiée dans la revue « Je sais tout »du 15 Avril 1908 N° 39, illustrations de Loévy
M. Georges Dupuy, dont nos lecteurs connaissent la signature et qui est un des rares écrivains français ayant beaucoup voyagé dans les régions polaires, nous rapporte des steppes glacées de l’Alaska, l’extraordinaire histoire qu’on va lire. Nous laissons à notre collaborateur, dont la bonne foi et l’expérience sont hors de contestation, la responsabilité de ses “ révélations ” qui ne sont pas en contradiction formelle avec les données actuelles des sciences naturelles.
L'histoire que voici, pour employer un cliché bien désuet, n’est nullement un conte. Je prie à l’avance ceux qui vont lire cette narration de considérer que, sur un sujet semblable, je ne me permettrais en aucune façon d’abuser leur bonne foi.Je ne prétends rapporter en ces pages que lesfaits brutaux, aussi énormes, aussi inadmissibles qu’ils puissent apparaître au premier examen, tels, absolument, qu’ils impressionnèrent mes deux yeux, doués d'une excellente vue, et ceux de trois autres compagnons de race blanche, sans compter a présence, au spectacle hallucinant que je vais essayer de décrire, de cinq Indiens des Neiges de la tribu Klayakuk, campée depuis les origines sur les bords de la rivière Stewart.
j’achèverai ce préambule en déclarant de suite que MM. James Lewis Buttler, banquier à San-Francisco (mon compagnon de chasse à cette époque), Tom Lee- more, mineur établi à la Mc Questen Hiver, territoire du Yukon, et le Révérend Père Jésuite Pierre Lavagneux, un Canadien- Français, missionnaire, au village indien de Àrmstrong Creek, non loin de la Mc Questen, sont les trois témoins oculaires prêts à témoigner de la véracité de mes assertions. Il m’a été donné de contempler un assez grand nombre de choses stupéfiantes, au cours de dix années de déplacements aux quatre coins du globe, et je m'étais déjà désigné à classer celle-ci dans le tiroir aux souvenirs, lorsqu’il y a quelques jours à peine, le 24 janvier, la lettre suivante m'est parvenue chez moi, à Paris, émanant précisément du Père Lavagneux, qui vit là bas avec ses sauvages, à six cents milles nord-ouest du Klondike. Je la transcris littéralement :
Poste Canadien d’Armstrong Creek, 1er Janvier 1908.
Mon cher enfant, « Le « trader » de la Mc Questen vient de s'arrêter ici avec son traîneau et ses chiens. Il entreprend le dur voyage de Dawson, par le Barlow, Flat Creek et le Dominion. Je compte avoir, par lui, dans deux semaines, des vivres fais et des nouvelles du monde extérieur. C’est aujourd’hui le premier jour d’une année nouvelle et je veux que cette lettre vous porte les voeux affectueux de santé et de bonheur que je forme pour vous. Puisse-t-elle me donner la joie de vous recevoir encore sous mon humble toit ici, à l’autre bout de la Terre! Car je ne pas croire que vous laisserez votre ami du Grand Nord abandonner sa vieille carcasse aux Indiens de la Stewart — (qui lui feront quelque jour un beau cercueil de branches) — sans l'avoir revu.
« J'ai reçu votre livre dont la lecture m’a effroyablement captivé. Par exemple vous vous trompez au sujet de ce pauvre John Spitz. Il n'est plus, hélas, « mail carrier » au Duncan district. Il est mort, le malheureux, à Eagle Camp, peu après votre départ, n’ayant pas survécu aux blessures que lui infligea le « bald face » (1) que vous savez.
« A propos d’animaux féroces, croiriez-vous, au nom du Seigneur, que dix de mes Indiens et moi savons vu, le soir de Noël, cette horrible bête de Partridge Creek, passer comme un ouragan sur le surface gelée de la rivière, chassant avec ses pattes de derrière d’énormes blocs de glacé collés à la croûte supérieure. Tout son poil était couvert de givre et ses petits yeux flamboyaient le noir. La bête tenait dans sa gueule quelque chose qui m’a semblé être un cariboo. Elle courait à plus de dix milles à l'heure. Il faisait 45 degrés sous zéro ce jour-là. Au coin du « cut-off », elle a disparu. C’est bien le même animal. En compagnie du Chef Stineshane et de deux de ses fils, nous avons relevé des traces exactement semblables à celles que nous vîmes, Leemore, M. Buttler, vous et moi, dans la bourbe de ce « mooseleak », le dernier jour. Six fois, sur des amas de neige, nous pûmes mesurer les empreintes de ses énormes pattes, les mêmes, à un vingtième de pouce près. Nous avons remonté la Stewart, dans le grand froid, pendant deux bons milles, puis il s’est mis à neiger doucement... »
- C’est au reçu de cette lettre que ]e décidai d’écrire sans délai la présente histoire.
Le récit de mon ami Buttler
Le poste de la Mc Questen, ce coin perdu de l’étrange Yukon, où les hivers de huit mois sont si terribles, mais les courts étés si merveilleux, fut, par quatre fois, ma retraite de prédilection, depuis tantôt huit ans que je connais le Nord.
Un ami de San Francisco, M, Buttler, qui se trouvait à Dawson-City pour des achats de concessions aurifères, m’avait promis de venir me le joindre à ce point de chasse. Je prenais un jour mon café sous l’auvent de la cabane du père Lavagneux, vers quatre heures du matin, lorsque tout à coup j’entendis siffler de l’autre bord. Un « quenooze » ,canot d’écorce ,pagayé par deux Indiens, remontait la rive opposée, sous l’ombre des arbres. C’était Buttler qui arrivait.
- Mon cher, me dit-il, avec un sourire qui cherchait à cacher une visible émotion, j’ai une petite chose à vous dire qui n’a rien de banal... Saviez-vous qu’il existe encore, ici, des monstres préhistoriques?
Je me mis à éclater de rire et remontai avec lui le petit sentier qui mène chez le Père Jésuite. Dès que Buttler fut assis et eut retiré ses bottes souillées de boue, il se mit à nous raconter l’incompréhensible histoire que voici :
- De Gravel Lake, où je suis arrivé mardi soir, mon avant-dernière étape a été l’embouchure du Clear Creek, où je savais que vous aviez envoyé quelqu’un à ma rencontre. Trail épouvantable; quarante milles dans les marais. Enfin, à la nuit, je descendais la berge et eus la joie d’apercevoir la cabane de Grant, illuminée. Grant était chez lui ; un bon souper m’attendait. Au petit matin ,hier , il vint m’annoncer, dans sa manière furtive et silencieuse, que trois beaux mooses étaient tranquillement en pâturage, derrière le plateau de Partridge Creek. Après une bouchée avalée en hâte, tous quatre, Grant, vos deux hommes et moi, nous mîmes en route. Nous fîmes un grand détour. Juste au haut d’un tertre, comme nous venions de nous effacer, allongés à terre, nous aperçûmes, à peu de distance dans la vallée, près d’un moose leak (1), trois énormes mooses marchant lentement devant nous, les bois au sol. Ils broutaient paisiblement les lichens.
Tout à coup, hop! hop! hop!!.. Trois bonds simultanés! Et l’un des mâles ayant poussé le meuglement impressionnant que ces animaux exhalent seulement lorsqu’ils sont traqués ou blessés à mort, les trois mooses se mirent à galoper vers le sud, à une allure insensée ! Que s’était-il passé?
Nous décidâmes d’approcher du point d’où les orignaux avaient fui si brusquement. Or, arrivés là, arrivés à ce « moose leak», long de soixante pieds environ et large de quinze, nous vîmes, dans le fond boueux et presque à fleur d’eau du « leak », l’empreinte toute fraîche du corps d’un animal monstrueux. Le ventre, d’abord, avait fait dans les limons une dépression de plus de deux pieds, sur une longueur de trente et une largeur de douze. Puis quatre pattes gigantesques, aussi profondément marquées, laissaient, à chaque extrémité de l’empreinte principale, et de côté, des traces de cinq pieds, sur deux et demi, avec des ongles de plus d’un pied, dont les pointes enfonçaient très avant dans la tourbe. Enfin, à l’arrière ,chose qui terrifia surtout nos deux hommes, était amassée une pile de fumier verdâtre, d’au moins deux yards cubes, excrément ne ressemblant à celui d’aucun animal connu et nullement produit par la digestion de végétaux.
L’empreinte d’une lourde queue, accusant dix pieds de longueur, et large, à son point le plus volumineux, d’une soixantaine de pouces, complétait cette vue suffisamment horrifiante. Nous relevâmes les traces du monstre dans la vallée pendant cinq ou six milles, puis, au ravin de Partridge Creek, l’endroit que les prospecteurs appellent « le gouffre », elles cessèrent comme par enchantement.. ....
(1) Source sulfureuse, gelant rarement l’hiver, et où les orignaux vont boire en toutes saisons.
Le monstre nous apparaît
Le lendemain de ce récit, à cinq heures du matin, le Père Lavagneux, Buttler, Lee- more, un mineur voisin prévenu en hâte, moi et cinq hommes de la tribu (ni les deux premiers guides, transis de peur, ni le sergent de la Police Montée, sceptique, ni le « trader », n’avaient consenti à nous accompagner), nous traversions, dans deux quenoozes, la large Stewart. Tout le jour, nous parcourûmes, sans résultat, la vallée de la petite rivière Mc Questen, les « flats » de Partridge Creek, et le territoire compris entre Barlow et les hautes montagnes de neige.
Enfin, vers le soir, harassés, après avoir pataugé longtemps dans un grand marais, nous fîmes du feu au haut d’un ravin rocheux, je ne pourrais exactement dire à quel point précis, nous avions tourné, marché, dans toutes les directions dans un rayon d’au moins cinquante milles, sans la moindre halte.
Il était plus de dix heures. Le soleil déclinait. Les membres courbaturés, nous explorions du regard l’étendue miroitante du marécage que nous venions de traverser. Le thé bouillait et chacun se préparait à plonger sa tasse de fer-blanc dans la marmite, quand, soudain, un bruit de pierres roulées et un ronflement insolite, rauque, épouvantable, nous fit sauter tous sur nos pieds!...
La bête... la bête que nous attendions, noire, gigantesque, les babines pleines ce bave sanguinolente, les mâchoires ruminant je ne sais quel repas, gravissait, lourde, puissante, monstrueuse, le flan opposé du ravin, en faisant ébouler de grosses roches !...
Frappés de terreur, le Père Jésuite, Lee- more et moi eûmes ensemble ce haut-le- corps qui précède immédiatement le cri d’effroi, mais aucun son ne put sortir de nos gorges asséchées. Inconsciemment nous nous étions saisis par le bras, mutuellement. Les cinq Klayakuks s’étaient couchés, la face contre terre, tremblant comme des feuilles que le vent agite, et Buttler, déjà, dégringolait la colline...
- « Un cératosaure... C’est le cératosaure du cercle arctique », balbutia le Père Lava- gneux, les dents claquantes.
Le monstre s’était arrêté à vingt pas de nous à peine, et, assis sur son train de derrière, il regardait, immobile, de cette altitude, le soleil rouge, qui, véritablement, teintait la lande boréale d’une lueur diabolique.
Nous pûmes alors, et pendant dix longues minutes, cloués au sol par nous ne savions quelle force supérieure, contempler la terrifiante apparition. Nous étions bien en possession de tous nos esprits. Ceci n’a jamais fait, et ne fera jamais, dans nos intelligences, le moindre doute. C’était bien une créature vivante, et non une ombre, que nous avions devant nous. ...
- Le cératosaure tourna alors son cou immense, mais ne sembla pas nous voir. Son garot avait, au bas mot, dix-huit pieds de haut. Son corps entier, de l’extrémité de sa gueule bâillante ,surmontée d’une corne semblable à celle du rhinocéros , jusqu’au bout de sa queue (de laquelle il menait de chasser une énorme pierre que nous entendîmes rouler jusqu’au fond du précipice, avec un bruit sourd) mesurait au moins cinquante pieds. Son cuir était celui d’un sanglier, tout garni de longues soies drues, d’un gris noir. Son ventre était plaqué d’une boue épaisse. A ce moment Buttler revint près de nous et dit qu’il pensait que l’animal pesait environ trente tonnes. ...
Soudain le cératosaure fît marcher ces mâchoires, remastiquant visiblement une épaisse nourriture et nous entendîmes Comme le broiement de petits os... De sa gueule, située à vingt-cinq pieds de terre, de la bave blanchâtre tomba, puis, d’un seul coup, il se releva sur ses membres postérieurs, poussa un rugissement ,un rugissement caverneux, effroyable, indescriptible, et ayant opéré avec souplesse, une volte sur lui-même ,avec des mouvements analogues à ceux d’un kangourou ,il sauta dans le ravin, dans un bond prodigieux, en entraînant derrière lui d’énormes blocs de silex!...
Le 24, Buttler et moi, ayant pris deux jours de repos, partîmes pour Dawson-City dans le but de demander au Gouverneur cinquante hommes armés et des mulets. Ici finit mon histoire. Nous fûmes un mois la risée de la Capitale de l’Or et le Dawson Daily Nugget publia sur mon compte un article à la fois flatteur et satirique qui avait pour titre : « Un émule de Poe. »
Georges Dupuy.
Note de l'éditeur
Les dessins comme tous ceux qui se trouvent dans cet article, ont té exécutés par notre collaborateur Loévy, au moyen de documents et de croquis fournis par Mr Georges Dupuy. Ces compositions illustrent ainsi, aussi exactement que possible, ce récit étrange, qui sera sans doute fort discuté,mais qui est, à coup sûr,vraisemblable et certainement sincére.
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