«Cybèle, voyage extraordinaire dans l'avenir » de Jean Chambon. Editions Georges Carré.1891

 

Martigues (Bouches du Rhône) 1890. Le Lieutenant Numa Honorât de la marine Française se prépare joyeusement à assister au mariage de Jeanne, sa soeur, avec le jeune Marius Foulane, futur notaire. Les deux hommes sont très liés et chacun, doté d'une solide formation scientifique, dissertent un beau jour sur la périodicité des déluges universels et du triste avenir que les siècles futurs réservent à notre hémisphère, fatalement condamné à être un jour presque tout entier englouti sous les flots de l'océan. Le soir de cette conversation,veille de son mariage, Marius s'attarde à la contemplation des constellations célestes et semble plus particulièrement hypnotisé par une des étoiles, Gemma, qui par un extraordinaire pouvoir semble l'attirer à elle. Son esprit quitte alors son enveloppe terrestre et le voilà projeté à une vitesse folle dans l'espace intersidéral. Rapide passage près de la Lune et de sa face cachée.

 

« Mais ce qui était véritablement changé, c'était une coloration particulière des bas fonds, des reflets point trompeurs qui dénonçaient de véritables mares d'eau cette fois, soit au fond des cratères éteints, soit dans les plaines où se détachait une verdure donnant des idées vagues de fougères, de joncs et de roseaux. Ainsi, voilà que donnait raison à ceux qui supposent que ce qui reste de vie humaine s'est réfugié avec tous ses éléments indispensables du seul côté où la force centrifuge repousse les fluides dont il ne reste plus trace du côté qui nous regarde ». (P.48)

 

Après un survol des autres planètes de notre système solaire, un brusque changement de sa trajec­toire se produit. Serait-ce le signe d'un retour à son point de départ ? Approche rapide de la Terre, chute vertigineuse vers la Méditerranée et final par un magnifique plongeon. Marius, sain et sauf est ensuite récupéré à bord d'un étrange navire où l'équipage parle une langue incompréhensible. L'un des passager est fort heureusement un scientifique, le Pr. Alcor, qui parvient à établir le dialogue avec « l'homme tom­bé du ciel » et ce en... Provençal !Les faits sont inouïs car le rescapé est en effet retourné sur Terre, mais un peu différente, semblable à la sienne cependant dans un autre système, éclairé par un soleil du nom de Gemma. A ce jour, sur Cybéle nous sommes le 31 Messidor de l'an 6642 de l'ère Australe.

 

« Il est donc établi par le fait que révèle votre aventure et votre présence au milieu de nous, que vous avez été précipité d'une terre semblable à celle-ci, qui traverse actuellement les mêmes états physi­ques ainsi que les même phases vitales, humaines et historiques que celles qu'a traversées notre monde à nous il y à 6000 ans, car c'est évidemment de tout ce temps-là que votre Terre est en retard sur la notre ». (P.66)


Non seulement notre aventurier vient de faire un voyage dans l'espace mais également dans le temps et plus précisément le futur de la Terre.

 

« Alors donc, reprit le jeune homme en s'exaltant, je suis le passé et vous êtes l'avenir. Il y eut un Marius tout semblable à moi qui vécut en Cybèle il y a soixante siècles et vous-mêmes vous ressuscitez tels que vous êtes, sur la Terre dans le même espace de temps. Je suis pour vous un ancêtre perdu dans la nuit des âges et vous êtes pour moi les rejetons de ma postérité la plus reculée. Je suis le vieillard et vous êtes les enfants ! » (P.73)

 

Pendant cet entretien, le navire se dirige vers Alger, capitale de la confédération Européenne. Tout au long de l'histoire, en raison d'un refroidissement progressif du Nord de l'Europe, Paris laissa la place à Marseille et enfin à Alger où des températures plus clémentes permirent le rayonnement de cette prodi­gieuse cité. Ville de lumière où chaque chose est sujette à d'innombrables questions. Artères immenses pro­pres et dégagées, architecture raffinée de style oriental, trottoirs roulants, véhicules aériens et terrestres fonctionnant à l'électricité, astre artificiel illuminant la ville toute entière pendant la nuit....du grand clas­sique !

 

La rencontre avec la famille du professeur Alcor reste pourtant une des plus grande surprise. Pour­quoi retrouve-t-il des visages qui lui paraissent familiers alors qu'il vient ici pour la première fois? Cette sensation, se confirme au fil des jours avec la vision du sosie de Jeanne, sa fiancée terrestre qui se nomme ici Junie. Son rival de toujours, Comain est également présent et bien d'autres encore. Le pauvre Marius sombre dans un désespoir que seule son insatiable curiosité lui permet de vaincre. Il visite ainsi le palais des musées en compagnie de Hou (Houzard sur la terre) membre de la gente canine et dont l'évolution au cours des siècles parvint ici à atteindre une intel­ligence quasi humaine: compréhension de notre langage, développement et utilisation d'un vocabulaire « chien ». Arrivés dans le musée, découverte de l'histoire de la Terre et de ses différentes époques, ses guerres, son âge d'or. Ici, des prodigieuses machines ayant remplacées l'homme, là, des armes foudroyantes et infaillibles qui avaient rendu la guerre impossible: la science plus encore que l'art avait progressée. Des réserves de forces nouvelles étaient au service de l'homme et permettaient les plus gigantesques travaux. Le grand courant magnétique qui, du Nord au Sud, parcourt sans arrêt toute la planète, avait pu être utilisé au moyen de véritables barrages qui accumulaient des provisions illimitées d'énergie disponible. Sans oublier la présentation de cette boîte fabuleuse, une calculatrice : « capable d'effectuer toutes les opéra­tions possibles en un temps record » et cet autre, permettant de visualiser sur un écran géant et en relief, n'importe quel endroit de toutes les planètes du système solaire de Gemma. Il s'agit du « système de pro­jection » reliant les mondes entre eux car dans ce système « Mars, Jupiter et Vénus » comporte des races intelligentes, avec qui les bonnes relations sont d'une importance capitale.

Une fois la visite terminée, le professeur poursuit l'éducation de son nouvel élève. Dans le futur, l'apprentissage des problèmes les plus ardus se font lors du sommeil, à l'aide d'un appareil émettant des ondes électro-magnétiques, s'imprimant directement dans notre mémoire.

D'un point de vue géographique, la Terre est également modifiée de façon incroyable. Le Nord de l'Europe n'est plus qu'une immense étendue d'eau avec de ci de là quelques îles et archipels peu ou pas habités. La Russie, la Sibérie et pres­que tout le Canada font place à une mer libre, le territoire des Etats-Unis est lui même, de nos jours, envahi par des golfes qui s'avancent profondément en des régions qui avaient été autrefois couvertes de cités florissantes. Quant à l'Allemagne, la majeure partie de sa population avait émigrée en Australie, à présent puissant empire « teutonique ».

 

Dans ce monde futur chacun trouve sa place et la femme y occupe un rôle de tout premier choix. Terminé le vil statut de « reproductrice » car ici de toute manière les naissances sont contrôlées. Sa condition est égale à celle de l'homme. Envolés également les gros capitalistes tout comme les gens pau­vres. Pas de dette nationale, au contraire, d'inépuisables fonds d'Etats se répandant comme une rosée bien­faisante, partout où celle-ci est nécessaire. La famine est complètement éradiquée grâce à l'agriculture qui, ne cessant de progresser, a trouvée des méthodes toutes nouvelles pour multiplier les récoltes. Le travail­leur à bout de force, l'homme de toute classe trahi par la fortune et parvenu au terme de sa carrière, entre comme n'importe quel autre dans une de ces retraites champêtres pour la plupart où il trouve repos, assis­tance, soins et protection, en même temps qu'une place à remplir suivant ses aptitudes au sein de la société et de la famille. La présence du vieillard est devenue également dans cette société éminemment familiale, un élément de sagesse et d'expérience, un repère incontournable.

 

Une nouvelle journée se lève sur Cybéle et lors d'une promenade matinale, Alcor lui enseigne la constitution de la confédération Européenne, de la grande guerre navale contre les Etats d'Amérique du Nord au XXIIème siècle, de l'isolement de l'Angleterre en terminant sur la formation des trois grands états Africains: l'un blanc, l'autre noir et le dernier composé de métis. Au terme de cette petite marche, Marius se renseigne auprès de son ami sur une étrange structure baptisée « Hôtel des Endormis ». Il s'agit d'un centre spécial où l'on voyage à travers les siècles grâce à un puissant anesthésiant. Cette méthode basée sur l'étude des léthargies de fakirs et de certains animaux, permirent aux savants de Cybèle la mise au point d'un produit capable de reproduire celle-ci artificiellement. Placés dans un cocon spécial, le corps souvent visité et soumis à l'expert examen de surveillants intervenant immédiatement en cas de symptô­mes d'arrêt vital, « l'endormi » peut ainsi accéder à une vie quasi illimitée.

 

« Des centaines d'individus soumis au double sommeil léthargique et fakirique, attendent dans leurs alvéoles, soigneusement surveillés, les dates périodiques de leurs réveils temporaires. Ces hommes, dont certains sont âgés de près de mille ans et qu'une préparation toute spéciale retient dans un état de vie la­tente d'apparence presque cadavérique, ne sont rendus à l'existence active qu'à de longs intervalles de temps... Mais à leurs réveils ils ont retrouvé leur mémoire d'autrefois et après un an ou deux passés à ajouter à leur ancien bagage tout ce qui peut leur apprendre le monde renouvelé, après avoir revu des vil­les transformées, etc... ils rentrent pour une autre période dans la nuit de leur sommeil séculaire ». (P.231/232)

 

Hélas, tant de merveilles n'effacent en rien la morosité de notre héros et la vision de Junie, sa Jeanne terrestre, destinée à un autre n'arrange en rien les choses. Alcor propose alors à son jeune protégé une ex­pédition lointaine en aérostat (ainsi qu'aux ruines de Paris...). Car, voyez-vous, l'avenir de la locomotion aérienne reste avant tout le dirigeable. Celui-ci est devenu plus léger et plus rapide, plus confortable éga­lement. Le gaz y est fabriqué artificiellement sur place, en fonction des besoins de l'appareil mais il n'en reste pas moins que ce bon vieux ballon reste à la mode. A bord de « L'Espérance » le must de sa catégorie, la sécurité y est de mise et en cas d'avarie, celui-ci compte plusieurs aérovols permettant soit d'évacuer en urgence.Si la fantaisie en prenait aux voyageurs ils peuvent de plus d'effectuer de courtes excursions dans le voisinage des stations d'arrêts. Actionné par de grandes ailes artificielles, alimenté par des accumulateurs électri­ques, le vol de celui-ci n'est pas sans rappeler le mouvement du papillon. Si par aventure, un malen­contreux accident arrivait à l'ingénieux mécanisme, la sécurité du « nageur aérien » est à son tour garantie par un parachute que l'usager porte artistiquement plié sur la tête en forme de coiffure. Après un passage au-dessus de l'ancien désert du Sahara, devenu une forêt verdoyante, le dirigeable s'approche du specta­culaire sémaphore interplanétaire. Comme signalé précédemment, la vie existe sur toutes les planètes du système de Gemma:

 

« Ainsi en Mars, ces formes étaient un peu massives; dans Saturne au contraire, elles paraissaient sveltes et faites pour le vol à en juger par les sortes d'ailes que présentait le dessin; Vénus, elle, montrait les plus curieux et les plus gracieux êtres humains subissant des métamorphoses comme nos papillons, et terminant sans doute comme ces insectes favorisés, leur existence dans une dernière phase brillante toute de beauté et d'amour, à l'inverse des humaines amours terrestres. Mais les plus parfaits étaient certaine­ment les Jupitériens. Les habitants de Jupiter dont l'image rappelait celle sous laquelle Bouddha tout puis­sant est représenté dans les pagodes de l'Inde, montraient des bras nombreux terminés par des mains diffé­rentes et compliquées, ce qui donnait l'idée d'une haute aptitude à des travaux extraordinaires et impliquait une intelligence supérieure. C'étaient eux d'ailleurs qui avait eu l'initiative de tenter de correspondre avec les autres humanités planétaires ». (P.254/259)

 

L'appareil effectue enfin sa première escale. L'aéroport se trouve à mi-hauteur du mont Etna, amé­nagé pour les besoins de cette navigation spéciale. C'est par centaine que Marius peut compter les vais­seaux, amarrés aux énormes et solides anneaux du port et battants pavillons de toutes les nations de Cybèle. Installés dans un des confortables hôtels de la station, le lendemain une nouvelle sensationnelle s'af­fiche sur le tableau des nouvelles. Encore une magnifique invention où sur un écran mobile s'affichent électriquement, d'instant en instant, tous les faits et événements importants qui se produisent sur n'importe quel coin du globe. Aujourd'hui, une race nouvelle d'hommes extraordinaires vient d'être découverte dans une vallée de Patagonie. Cette dépêche vient enfin confirmer les affirmations d'Alcor, disant que l'huma­nité, à force d'évolution, donnerait un jour naissance à une race qui serait la future maîtresse des conti­nents. C'est l'homme « ultra-diluvien » qui, en sortant de son modeste berceau, se répandra pas à pas et régnera un jour sur le globe entier où la civilisation actuelle se verra effacée par la sienne. Mais ceci est une tout autre histoire....

Le lendemain poursuite du périple avec survol des côtes Méditerranéenne et escale en Egypte. Ici, la pyramide de Chéops rénovée, est devenue une immense aérogare (tout comme l'Acropole à Athènes). Lors du voyage, le savant fait une nouvelle leçon d'histoire et de géographie et une fois de plus, le paragraphe mérite le détour :

 

« Vers la fin du XXéme siècle, ancien style, était paraît-il, survenu un accord entre les divers états de l'Europe qui, après l'expérience de tous les siècles précédents, avaient à leur tour compris l'impérieuse nécessité d'éliminer cet élément dissolvant des sociétés qui s'appelle Juda. On s'était entendu pour se dé- barasser une fois pour toute de cette race parasite, partout inassimilable, mais si étonnamment propre à s'in­filtrer parmi les peuples constitués qu'elle dépouillerait jusqu'à complet épuisement si l'on y mettait à la fin bon ordre. En nations policées qu'elles étaient, les puissances réunies en congrès résolurent, non plus d'expulser brutalement les Juifs mais de les réintégrer tous dans leur Judée de jadis où ils s'arrangeraient en famille et cesseraient ainsi d'être les sangsues de l'humanité, etc... » (P.281/282)

 

Le ballon arrive enfin pour clore son voyage au-dessus du sol de la France. Une douce brise les pousse vers ce qui fut jadis Paris et qui n'est à présent qu'un immense marécage. Tout le Nord de l'Europe gise désormais sous quelques mille mètres d'eau et d'herbes folles. Malgré les efforts des savants du XXVème siècle face au refroidissement précipité de l'Europe occidentale, la technologie fut impuissante face à mère nature. Pourtant l'entreprise ne manquait pas d'originalité puisqu'elle se proposait de détourner le Gulf Stream. Une jetée incomparable s'amorça aux Berlingues en vue des côtes du Portugal et s'avança peu à peu jusqu'aux îles Açores, barrant la voie à la partie méridionale du courant qui fut de force ramené dans la direction Nord, de manière à ne plus former avec sa branche Européenne qu'un seul et même courant. Non seulement on utilisa toutes les roches disponibles du Sud-Ouest Européen, mais la chaîne en­tière des montagnes de Kong de la côte des Mandingues et une partie de l'Atlas furent jetés à la mer. Hé­las cette oeuvre titanesque fut limitée dans le temps et l'Europe du Nord ne put échapper à son funeste destin.

 

Dans la journée, tout en admirant d'un air triste le squelette d'un Paris sous les eaux, un message de la plus haute importance leur parvient par « téléphonoscope » : il est grand temps de rentrer à Alger pour la fête du changement de saison.

 

Arrivés à la ville de lumière, Marius se retrouve participant à cet extraordinaire événement où même toutes les races d'animaux s'y retrouvent représentées. On en profite également pour « ressusciter » quel­ques « endormis ». Brusquement, les festivités tournent court:

 

« Or les fêtes n'étaient pas encore terminées que cette même soirée un craquement sinistre des gla­ces antarctiques, tel qu'une secousse de tremblement de terre, ébranla les contrées voisines du pôle Austral et vint jeter l'effroi dans la planète entière à l'instant prévenu de tous côtés. Ce premier tressaillement de l'immense massif glacière ne devançait que de très peu sans doute l'effondrement total et final, et l'irrésis­tible poussée de tout un océan qui, refluant vers le Nord, allait sur le coup rompre et déplacer le centre d'équilibre du globe ». (P.326/327)


Un immense raz de marée venait ainsi de se former et dont l'impitoyable trajectoire allait tout en­gloutir sur son passage :

 

« Et maintenant le lointain roulement s'était rapproché et son bruit de cent tonnerres couvrait les cris de sauve-qui-peut de tout un peuple, et la voix même des sphinx qui avaient parlé pour la dernière fois. Enfin, s'élevant jusqu'aux nues, une chaîne de montagnes liquides accourut de l'horizon, balayant devant elle dans un déferlement inconcevable, villes et monuments qui se voyaient soulevés et roulés tous ensemble comme les galets de la plage ». (P.333)

 

La vision d'un tel déluge provoque chez Marius un malaise dont une voix familière le réveille avec insistance. Près de lui, Martine sa bonne gouvernante le regarde d'un air inquiet. Il est cinq heures du ma­tin, autour de lui le jardin paisible et rassurant de sa maison, d'où Gemma l'attira quelques heures plus tôt. Tour cela n'était-il que le songe d'une seule nuit ? Junie, Alcor, Nomo... Gemma, Cybèle, la Nouvelle- France et le déluge, comment se peut-il que tant de choses, tant d'aventures étranges qui lui sont si pré­sente aient pu tenir en quelques heures ?

Quoi qu'il en soit, Marius épousera finalement la douce Jeanne mais de temps en

 

temps, quelques visions de son extraordinaire aventure lui reviendront, véritable obses­sion le marquant à jamais. L'avertissement qu'il donnera à son épouse sera sans équivoque quant à la contemplation de cette magnifique étoile car il sait que Gemma possède un terrible et mystérieux pouvoir: attirer à elle les imprudents qui lui abandonnent trop longtemps leurs regards émerveillés. Alors, rêve ou réalité ?

Si loin, Cybèle......


La découverte de ce roman, d'une facture très agréable n'est pas sans nous laisser indifférent et bien des questions viennent alors se poser. Trois grands thèmes s'en dégagent très distinctement: Le voyage dans l'espace par l'intermédiaire de nôtre âme ou corps astral, le thème de l'anti-terre, le voyage dans le temps. Ce dernier se révélant le plus courant, il serait inutile de s'attarder sur les classiques progrès de la science qu'ils soient technologiques, sociaux ou culturels. Le roman de Chambon n'est pas avare de des­criptions et le résumé que vous venez de lire prouve une fois de plus le talent de nos chers écrivains. Les deux autres thèmes, dans le contexte particulier de la date de parution, méritent quant à eux, que l'on s'y attarde quelque peu.

 

Les moyens imaginés pour quitter notre terre furent pendant très longtemps une source incroyable d'élucubrations les plus diverses. Ne figurent au palmarès des « voyages psychiques » que quelques textes désormais connus de tous, dont nous ferons un rapide tour d'horizon.

 

Le premier et le plus troublant fut sans contexte ce « témoignage authentique » de plusieurs voyages sur la planète Mars, effectués de 1894 à 1898 par une jeune femme: Hélène Smith. Ses expéditions se déroulaient lors de rêves et furent décrits dans un ouvrage de Th. Flournoy : « Des indes à la planète Mars » (Editions du Seuil 1983 pour sa réédition). Ce texte nous donne une descrip­tion d'un monde de type terrestre habité par des hommes et dont le description nous est faite lors d'une séance de spiritisme, par Hélène Smith, qui vit lors de ses états de transe dans trois corps différents. En 1889 et 1897 deux ouvrages de Camille Flammarion : « Uranie » et « Stella». Nouveaux voyages sur Mars mais cette fois ci par l'intermédiaire d'âmes réincarnées. Quelques années plus tard trois auteurs utilisèrent la « projection psychique » afin d'explorer encore une fois la planète Mars : « La roue fulgurante » de Jean de La Hire, (dans « Le Matin » du 10 avril au 23 mai 1908); « Sur la planète Mars » et « Les robinsons de la planète Mars » de H. Gayar publiés en deux volumes en 1908 ( L.Laumonier & Cie éditeurs); « Le prisonnier de la planète Mars » et « La guerre des vampires » de Gustave Le Rouge, publiés respectivement en 1908 et 1909 ( Editions Méricant). A cette liste rapide il convient d'ajouter également la saga en deux volumes de Cabarel « Dans l'étrange inconnu » et intitulé « Roman de l'hypnose à travers le merveilleux fantastique, réellement vécu avec un dénouement terrible et vrai » ( Ch.Pelletan éditeurs1928). L'intention n'est pas ici de faire le procès de nos trois fameux auteurs et dont Pierre Versins fit la remarque de leur étrange ressemblance dans sa préface à la réédition de « Le prisonnier de la planète Mars » et « La guerre des vampires » chez Jérôme Martineau en 1966, sous le célèbre titre: « Qui a copié ? »


L'exhumation de ces quelques textes à jamais célèbres vient ici un peu afin de se rafraîchir la mémoire et conférer à « Cybèle » une place de choix tout en démontrant qu'en S.F. ancienne rien n'est acquis et les chercheurs patients et acharnés que nous sommes en savent quelque chose.

Mais, actualité cinématographique oblige, un autre fait encore plus troublant ne cesse d'une manière obsessionnelle, de me chatouiller les méninges. J'ouvre un ouvrage et je lis :

 

« Tandis que je demeurais ainsi à méditer, je détournais mon regard du paysage pour le porter vers le ciel où une myriade d'étoiles formaient un dôme splendide et digne des merveilles du paysage terrestre, Mon attention fut rapidement attirée par une large étoile rouge située au fond de l'horizon. Comme je la contemplais, je tombai sous un charme d'une puissante fascination: c'était Mars, le dieu de la guerre, et sur moi, il avait toujours exercé un magnétisme irrésistible. Comme je la contemplais, en cette nuit lointaine, elle parut m'appeler par-delà l'immensité du vide, m'entraîner à elle, m'attirer comme un aimant attire une parcelle de fer. Mon désir était trop puissant pour y résister; je fermai les yeux, étendis les bras vers le dieu de mon choix et me sentis transporté, avec la soudaineté de la pensée, à travers les vierges immensi­tés de l'espace. Ce fut un instant de froid extrême et d'obscurité complète ».

 

J'ouvre ensuite le deuxième volume :

 

« C'était Gemma qui maintenant regardait, fixait Marius. Le doux et timide éclat de tantôt était de­venu un regard fascinateur et impérieux qui semblait dire: Viens à moi, je l'ordonne ! Ce n'était sans doute qu'un cauchemar horrible qui allait cesser. Mais non ! le malheureux sentait dans son délire que la terre tournante le suspendait maintenant la face en bas, sur l'abîme infini qui était-là, béant sous ses yeux, sans autre soutient que son étreinte désespérée. Et ses forces s'épuisaient et l'attraction magnétique de l'étoile redoublait. La reine perfide de ce cercle magique dardait sur lui ses plus pressantes effluves et ordonnait de nouveau: Viens à moi ! L'infortuné Marius se vit perdu. Dans son angoisse il vit fuir loin de lui une vision suprême de toute sa vie, tout son bonheur: A moi ! à moi !... Tout à coup ses doigts à bout de force se détendirent, et jetant un grand cri, il tomba dans l'immensité... »


Le premier paragraphe est extrait du premier volume de la saga de John Carter « Les conquérants de Mars » d'Edgar Rice Burroughs et le second de « Cybèle ». Deux ouvrages distants de quelques années (le cycle de Mars débutant en 1912) séparés de plus par une barrière liquide (l'océan) et culturelle (langues différentes, aucune traduction possible). Dans les deux cas la fascination et le pouvoir d'une planète peuvent attirer à elle l'infortuné rêveur. A l'examen de ces deux exemples précis, il serait diffi­cile de trouver un dénominateur commun à cette façon peu commune de se rendre sur une autre planète. Toutefois si le roman de Burroughs nous plonge dans une épopée baroque, haute en couleurs où la force physique est un atout déterminant, celui de Chambon se concrétise par un thème beaucoup plus classique, dans la tradition Française, en quelque sorte un pur produit de science-fiction « rétro » avec cependant un bonus supplémentaire pour l'originalité du dernier thème abordé: celui de l'anti-terre.

 

Bien qu'ici un petit peu plus complexe, il ne s'agit pas vraiment d'un monde symétrique où tout se fera « à l'envers », Cybèle est un monde parfaitement identique au nôtre, plus vieux de 6000 ans. Dans cette catégorie, la règle est plutôt d'introduire des différences entre la terre et l'anti-terre tout en gardant un certain parallélisme. Il s'agirait de ce fait d'un voyage dans l'espace-temps par pseudo anti-terre interposée . Lors de la lecture il nous est impossible de savoir si les événements du passé de la planète d'Alcor sont rigoureusement identiques, à ceux qui se déroulent à l'époque où Marius quitte accidentellement sa bonne vielle terre. Peut-on dire que la différence d'époque justifie à elle seule de classer « Cybèle » dans cette catégorie ? Je préfère rester sur cette hypothèse pour le côté jouissif de la découverte puisqu'en ce domaine les précurseurs ne sont pas légions :

 

- « Qui est Charles Avison ? », « Argosy », avril 1916, réédité dans la revue « Antares » n° 6 (2ème trimestre 1986)

- « Planétoïd 127 » d'Edgar Wallace, 1929.

- « La dixième planète », du Russe Alexandre Beliaev, 1938.

- « La planète ignorée » de René Guillot, 1968. (« Bibliothèque Verte »)

Sans oublier le curieux « Journey to the far side of the sun » « Danger planète inconnue » pour le titre Français, film de Robert Parrish de 1969 avec le célèbre Roy « David Vincent » Thinnes où, fidèle à son amour pour la S.F, y interpréta son seul et unique grand rôle.

 

Un roman donc des plus curieux inventif et original où les idées ne manquent pas même si parfois hélas il affiche un ra­cisme des plus lourd. Une de ces visons assez savoureuse et hallucinante, que posaient les auteurs de l'époque sur notre futur. Cependant nous regretterons une nouvelle fois que Chambon ne fasse exception à la règle en terminant son ouvrage par une explication des plus frustrante à savoir le sempiternel rêve fait par le narrateur. Décidément comme le précédent ouvrage utilisant ce procédé narratif du rêve ( « La revanche fantastique »), il semblerait que cet auteur voulant justifier une imagination un peu trop débordante et des hypothèses des plus farfelues, préfère ainsi la thèse du songe et ne pas assumer ses propos de visionnaire et d'anticipateur averti.

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