« Fulgur, grand roman d’aventures de police et d’épopée » Par Jean Serviére
Un vent de folie souffle sur la capitale. La statue du génie de la Bastille tombe sur le cortége d'un souverain de passage à Paris, l'obélisque dans sa chute endommage la voiture présidentielle.
Des véhicules explosent mystérieusement et le préfet de police se retrouve « effacé » disparaissant corps et bien. Tout cela dans un chassé croisé de personnages aussi mystérieux que Paul Step «
L'homme qui voit à travers les murailles » (mais qui n'aperçoit que dalle !), la comtesse Elyane d'Arlez dit Eva, dont le seul nom peut provoquer l'invisibilité et puis le fameux « Fulgur »,
personnage mystico- policier se cachant sous les traits de Pierre d'Oray.
Entre roman scientifique et d'aventure à la fois parodique et rocambolesque, laissons la parole à Francis Lacassin sur le deuxième plat de couverture afin de nous parler de ce petit « bijou » de
littérature populaire :
« Paru en feuilleton en 1924 dans un obscur quotidien de l'Yonne, « Fulgur » est l'œuvre collective de neuf élèves du lycée Louis le Grand : Roger
Vailland, Robert Brasillach, Thierry Maulnier, Paul Gadenne, Fred Semach, Jean Martin, José Lupin, Pierre Frémy, et Antonin Fabre.
Trois d'entre eux connaîtront des fortunes diverses après 1945 : Robert Brasillach, fusillé ; Roger Vailland, figure de proue des intellectuels communistes ; Thierry Maulnier, élu à l'académie
Française. »
Fortement influencé par le film à épisode « Judex », les fascicules de « Fantômas » et de « Todd Marvel, détective milliardaire » ce prodigieux roman d'aventures fantastico-scientifique met en scène une séduisante criminelle Eva, qui, à grand renfort de
crimes étranges et de prodiges inexplicables, déchaîne l'Asie contre l'Europe .Elle réveille grâce au prophète Kahn Agavath, les descendants des Catalans qui accompagnent Marco Polo en Asie. Leur
révolte menace de dislocation l'empire Britannique, déstabilise l'Indochine Française et lance à l'assaut du Sud de l'Europe une grande armée de 800 000 hommes.
Mais cette héroïne n'est pas la seule à démarquer ce roman complètement farfelu, puisque outre le fameux « Fulgur » alias Pierre d'Oray, les auteurs nous régalent également d'un certain Paul Step,
détective attaché à la sûreté Parisienne, une version parodique de Sherlock Holmes. Un personnage dont la maladresse agrémente le coté comique de certaines situations.
De cette galerie de personnages aussi bien pittoresque que référentielle il faut en convenir, il est évident que les auteurs durent prendre beaucoup de plaisir à magnifier ainsi tout un courant
littéraire qui à l'époque était déjà bien rodée.
Car dans le Fulgur, même si l'on devine une sacrée pointe d'ironie et une décontraction totale, les hommages aux auteurs populaires de l'époque ne font pas défaut. De Souvestre et Allain avec leur «
Fantômas » pour le coté noir de l'histoire, sans oublier le célèbre « Rour » analysé dans les pages de ce blog et qu'il serait grand temps de rééditer,
en passant par notre fameux Gustave Le Rouge et les aventures scientifico-policiéres de son « Mystérieux Dr Cornélius », Gaston Leroux n'est pas en reste
avec un goût prononcé pour les situations extravagantes et incroyables. Nous avons donc ici un condensé du « must » de tout un panel de la littérature populaire, si chère à nos surréalistes.
Mais que l'on ne si trompe pas, à l'époque toute cette joyeuse bande d'étudiants regardait cette œuvre comme une galéjade et mis à part Brasillach qui lorgnait de façon obsessionnelle vers une
carrière d'écrivain, les autres potaches ne pensaient pas aller au-delà de la simple feuille de brouillon.
Si les 64 chapitres de cette saga ne sont pas exempts de maladresses et d'un style parfois limite, il ne faut par pour autant oublier les conditions dans lesquelles furent rédigé le texte.
De tout ce fatras hilarant, ce fourre tout qui pourrait sembler anarchique, se détache une œuvre, certes bancale mais réunissant tous les ingrédients nécessaires à faire date dans les annales du
feuilleton populaire. Fidèle à une certaine tradition et aux pères qui leur servirent de modèle, le « Fulgur » est traversé si je puis m'exprimer ainsi de « Fulgurances » inventives qui ne nous
laissent pas indifférentes.
Pour commencer le Professeur Baptiste Mexier, inventeur d'une technique permettant de devenir invisible et d'une invention anti-pesanteur : « L'apogeïte ». La bicyclette-hélicoptére qui permet de
survoler Paris dans une discrétion absolue, un immeuble dont les portes ne sont visibles que lorsque celui-ci est plongé dans une ombre artificielle.
D'ailleurs le sous-titre de « Grand roman d'aventure de police et d'épopée » n'est pas usurpé et ne lui manque que le qualificatif de « scientifique ».
Des situations des plus extravagantes que n'auraient pas renié Cami avec son sens du burlesque et de la dérision, bien connu des lecteurs de ce blog.
Mais si la science est une des composantes de cette épopée hors du commun, le surréalisme et la démesure ne seront pas en reste et de ce coté également les auteurs qui ne semblent pas avoir de
limites , citons pour mémoire ce chapitre ou nous assistons à la mise en « marche » des statues du Louvre avec cette scène improbable où la sculpture de « La vénus de Milo » se penche pour ramasser
une étoffe et recouvrir sa nudité, et ce tableau d'une noirceur époustouflante où par représailles, l'armée Asiatique cloue par les mains deux mille jeunes filles sur les murs de la cité de
Carcassonne.
Comment ne pas succomber au charme de cette époque bénie où les chapitres portaient un intitulé avec des noms aussi surprenant que « Une armée digérée »
Pour les puristes qui accusent les auteurs d'avoir « Plagié » d'autres romans, je crois que les « coupables » de cette soi-disant ignominie, ne s'en cachent pas et comme bien souvent il fallait «
tirer à la ligne » ils utilisèrent la plume de deux associés et non des moindres puisqu'il s'agit de Victor Hugo et dont Lupin va insérer un passage des «
Travailleurs de la mer » ( Fulgur affronte la pieuvre afin de pénétrer dans le repère sous-marin d'Eva) et Brasillach qui de son coté « emprunte » à Philippe Soupault un passage d'un
texte dont il ne se rappelait plus du nom et qui s'intitule « La mort de Nick Carter ».
Les deux « victimes » seront créditées à la liste finale des auteurs du « Fulgur »
Avec une intention assez louable de parodier leurs modèles, les auteurs parvinrent à créer une œuvre originale et si l'intention première était de réaliser une sorte de « farce »littéraire » ils sont
parvenus à immortaliser un personnage qui rentre désormais dans le panthéon des grandes figures mythiques de la littérature populaire. En voulant pousser à l'extrême le sens de la démesure ils ont
sans nul doute apporté la preuve que le genre était réellement une marque de fabrique Française, tant pour son originalité et l'ambiance souvent surréaliste dans laquelle baigne les
personnages.
Car ce qui fait la spécificité de nos « héros » à la Française, ce n'est pas tant les super pouvoirs dont la plupart du temps ils ne disposent pas, mais ce petit grain de folie qui bien souvent les
anime, la noirceur et le sadisme des « méchants » qu'ils doivent affronter et la cadre magique souvent irréel de toute une époque où la science ne pouvait pas toujours tout solutionner et qu'il ne
restait alors que le courage et la volonté du héros.
Il est clair que cette « touche à la Française » que l'on retrouve dans les œuvres de Leroux, Souvestre et Allain, Le Rouge, De La Hire et bien d'autres encore, est une marque incontestable de
qualité et de pérennité de tout un courant qui n'a pas son pareil dans tout autre pays.
Tous ces auteurs ont la Classe des grands romanciers dont les œuvres continuent à briller au firmament de la littérature de genre.
Terminons par cette phrase qui met en évidence le caractère coquasse et le ton loufoque du roman :
Le président de la république monte dans l'ascenseur de la tour Eiffel en compagnie de ses ministres
« Et les faces exsangues, blanchies, noircies, de leurs yeux énormes et décolorés virent cette chose effarante : l'ascenseur arriva au troisième palier et ne s'arrêta pas ! »
« Fulgur, grand roman d'aventures de police et d'épopée » Par Jean Serviére. Editions Julliard collection « La seconde chance » Dirigée par Francis
Lacassin.
Préface et répertoire des personnages par Francis Lacassin.
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