Egalement destiné à sombrer dans l'anonymat ce court roman en deux parties rédigé par un certain John Flanders, connut un destin assez extraordinaire. Publié pour la première fois dans les années 36 dans de petites brochures destinées à la jeunesse sous le nom de « Presto Films », ces textes souvent assez courts ne s'embarrassaient pas d'intrigues longues et tortueuses. Le but était d'aller au plus vite et de pénétrer directement au plus profond de l'action afin d'éviter ennuie et lassitude. John Flanders / Jean Ray était passé maître dans ce genre d'exercices et la somme considérable de nouvelles qui parsèment sa vie littéraire est la preuve d'une activité phénoménale dont il savait très bien gérer le flux.
Beaucoup disaient à l'époque qu'il y avait un John Flanders plus fantastique et un Jean Ray plus Science-fiction (ou l'inverse...) et je crois qu'en regard de son œuvre il est impossible de savoir qui a publié quoi. Cette production colossale est avant tout le fait d'un seul homme, d'une pensée et d'une inspiration unique.
Dans l'énorme production que constitue les « Presto-Films » il y eut une quantité assez importante de textes relevant de l'aventure et les deux récits publiés par John Flanders, constituants une seule et unique histoire, font un petit peu office de « perles rares » en raison de sa thématique et de son originalité. En effet loin de verser une fois de plus dans le mythe de l'Atlantide, l'auteur va préférer se tourner vers la non moins énigmatique Thulé. Jean Ray avait toujours le don de se saisir d'une thématique et de la retravailler à sa façon. Prenons pour exemple une autre publication des « Presto-films » portant le titre de « L'énigme Mexicaine » et de voir de quelle manière on retrouve Yucca , une antique divinité, prendre la forme d'une gigantesque pieuvre et ce en plein Mexique...Les adorateurs de Cthulhu apprécieront !
Toute la production de l'auteur Gantois est ainsi parsemée de textes de science fiction qui montre à quel point il était impliqué dans le domaine de l'imaginaire, n'hésitant pas à faire preuve bien souvent d'une certaine audace. Pour vous en convaincre lisez, « La ruelle ténébreuse » ou « Le Psautier de Mayence » (Dans le volume « La croisière des ombres » éditions de Belgique 1932, éditions Néo N° 106, 1984) ou les nouvelles parues dans le recueil « La griffe du diable » : « L'automate », « Le mystère de l'île Creyratt », « Une île dans le ciel » (Collection Atlanta 1966). Univers parallèles, entités monstrueuses d'origines extra-terrestres, mondes inconnus et civilisations disparues ( « Le secret des Sargasses » un autre roman tout aussi passionnant), autant de thématiques dont vont s'enrichir les écrits de ce merveilleux conteur dans des ambiances le plus souvent pleines de mystère et d'épouvante.
Les deux fascicules évoqués plus haut n'échappent pas à cette règle et je vais donc vous en faire un rapide résumé :
Au large des Cornouailles les élèves de l'école Sittard de Falmouth, en excursion dans les parages, découvrent un manuscrit étrange où il est question d'un monde perdu. L'entrée en serait dans une île inhabitée des Hébrides.Un jeune professeur Robert Falcone et un élève de l'école Eddy Curland tentent l'aventure, lis descendent au- fond d'un lac intérieur de l'île et, en effet, pénètrent dans un monde des plus énigmatiques.Mais ils n'y découvrent aucune trace de vie, si ce n'est qu'ils entendent un cri désespéré appelant au secours.Par d'immenses hublots ils ont vue sur une partie féerique de ce monde, où pourtant ils n'ont qu'un accès partiel.A la fin ils ont la certitude décevante qu'un homme est gardé prisonnier sur cette terre mystérieuse, par des sortes de machines.C'est à ce moment que le professeur Falcone disparaît et que Curland se barricade dans un singulier petit bureau.Une rumeur insolite éclate, des coups précipités retentissent à l'extérieur de la porte close...Ceci arrive à la connaissance du public par le journal tenu au jour le jour par les deux disparus, journal que l'on retrouve au Groenland,
Où se trouvent les deux jeunes audacieux ? On parle de mondes disparus depuis longtemps, entre autres de l'Atlantide, le fameux continent qui serait englouti depuis des millénaires, sous les flots de l'Atlantique.
Dans la seconde partie, le professeur Chutterbuck et le jeune Kay Westlock, embarquent pour l'île Jan Maeyen se trouvant en plein Océan Arctique. Jan est un riche héritier qui finance l'expédition. Ami de Eddy Curland, son désir est de le retrouver quoi qu'il en coute. Une occasion en outre pour le scientifique de vérifier une théorie un peu hasardeuse sur l'histoire de Saint Brandaan. C'est en compagnie d'un habitué de l'île, le capitaine Petersen, qu'ils entreprennent leur fantastique exploration. Ce qu'ils vont découvrir dépasse l'entendement : Une gigantesque sphère, peuplée d'étranges créatures bardées d'une carapace métallique. Sur cette immense objet une multitude de hublots qui sont autant de fenêtres ouvertes sur un monde extraordinaire. La chose la plus incroyable, c'est que nos aventuriers vont faire la connaissance de Sir Gaspard Warton Haggard, le grand père de Kay, disparu mystérieusement il y a quelques années. C'est son petit fils qui, tout comme Falcon et Curland découvrirent son manuscrit envoyé comme une bouteille à la mer suscitant ainsi leur curiosité. Il va ainsi leur faire d'étranges révélations. La sphère fut découverte à l'origine par Saint Brandaan qui était venu sur ces terres arides, évangéliser et construire une église. Ce « véhicule » existait bien avantson arrivée et pour cause, elle set le produit de la technologie du monde de Thulé. L'engin est ainsi programmé, de façon mystérieuse, pour aller des Hébrides, à l'île Maeyen et le Groenland. A l'intérieur, de gigantesques compartiments contenant tout le savoir de cette civilisation extraordinaire. Hélas les ouvertures des salles sont bloquées à jamais par un mécanisme que nul homme sur terre, ne peut déchiffrer. Cette antique savoir d'un monde que l'on croyait appartenir à l'Atlantide, conservera donc éternellement son secret et les hommes de Thulé que le grand père de Kay suspecte d'être enfermé dans les carapaces de métal, vont disparaître à jamais dans la sphère gigantesque qui va s'embraser à la fin du roman suite à une éruption volcanique.
Rapide et efficace, abordant une thématique assez intéressante, ce court roman souffre pourtant de ce type de production, à savoir un manque de développement concernant l'intrigue. Ce n'était à l'époque pas l'objectif de cette collection et il faut avouer tout de même que ce sacré John Flanders ne va pas s'en tirer trop mal, et nous offrir un texte assez intrigant. Ce manque de développement sera, quelques années, plus tard comblé par un ami et grand admirateur de l'auteur. Jacques Van Herp, signant ici sous le pseudonyme de Michel Jansen, va reprendre l'intrique du roman en lui donnant plus de consistance avec un plus large développement. Cette « La porte sous les eaux » publiée aux éditons Spes collection « Jamboree » 1960 est sans nul doute une réussite, un de ces romans d'aventure extraordinaire prenant et captivant que Pierre Versins salua en ces termes dans la revue Fiction N° 81 du mois d'Août 1960
« Jean Ray est un peu notre Lovecraft. Un Lovecraft qui aurait eu la chance d'être reconnu de son vivant. « La ruelle ténébreuse », « Malpertuis », « Le Grand Nocturne » ne sont pas des œuvres inférieures aux grands contes lovecraftiens. Et de même que pour Lovecraft, on peut disputer à perte de vue la question de savoir s'il s'agit de fantastique ou de science- fiction.
Mais il y a aussi un Jean Ray peu connu ,et non moins estimable,celui qui signait John Flanders, pour les jeunes, de petites merveilles d'imagination scientifique ou fantastique aux Editions d'Averbode, des brochures d'une trentaine de pages. Outre celui qui ne signa pas une bonne cinquantaine de fascicules, les plus fascinantes des aventures de c Harry Dickson ». A cette veine quasi ignorée appartiennent « Aux tréfonds du mystère » et « Le formidable secret du pôle », parus fin 1936.
Il a fallu Jacques Van Herp et son érudition prodigieuse pour exhumer ces deux étonnants petits textes et, redevenu pour un temps le Michel Jansen des « Raiders de l'espace», en faire le remarquable roman qu'est « La Porte sous les eaux ». Dire qu'il s'agit là d'une élucidation para-scientifique de la vieille légende de « La Navigation de Saint Brandan » guidera déjà les initiés. La civilisation perdue de Thulé y revit, avec des secrets scientifiques d'une originalité peu commune en science-fiction, et cela suffirait à assurer à ce livre un succès mérité, non seulement auprès du public ordinaire de la collection «Jamboree» mais encore auprès des lecteurs adultes. Mais il y a de plus ce souffle inimitable qui anime l'œuvre tout entière, cette sombre atmosphère qui se dégage du récit et envoûte le lecteur pour ne pas le quitter de sitôt, le volume refermé. Et là, Michel Jansen a réussi ce tour de force d'écrire du Jean Ray authentique sans perdre pour autant sa personnalité. A tel point qu'on peut défier le lecteur qui n'a pas sous les yeux les deux fascicules originaux de faire le départ entre ce qui vient de- Jean Ray et ce qu'a ajouté Van Herp. En fait, les chapitres écrits directement par Van Herp (et il en a fallu pour atteindre les 180 pages du volume) sont très exactement ceux que l'œuvre originelle nécessitait. Enfin, dernier compliment non négligeable, la science utilisée ici sous forme d'extrapolation est sans faille.
Une telle collaboration mérite d'être poursuivie, il y .a encore des John Flanders inconnus et outre cela, les esprits de Jean Ray et de Jacques Van Herp sont assez voisins pour qu'ils puissent nous donner des œuvres originales encore plus achevés »
Le roman connu en France plusieurs éditions :
- « Aux tréfonds du mystère » John Flanders . Presto Film N° 103. 6 Septembre 1936.
- « Le Formidable secret du pôle ». John Flanders . Presto Film N° 112. 8 Novembre 1936.
Ces deux fascicules introuvables seront réédités presque 30 ans plus tard, formant un court roman sous le titre « Le formidable secret du pôle ». Il sera constitué de deux parties :
- « Au tréfonds du mystère ».
- « Le royaume perdu » (l'intitulé de la seconde partie change de l'original).
Dans le volume « Le carrousel des Maléfices » Editions Gérard &Cie. Bibliothèque Marabout N° 197.1964.
Réédité sous cette forme dans l'anthologie « Atlantides , les îles englouties » sous la direction de Patrick Guillaud. Editions Omnibus 1995. Reprise des deux titres utilisés pour la première édition dans les « Presto-films » ) Pages 1169 à 1204
Ces deux fascicules furent l'objet d'une nouvelle version revue et considérablement augmentée sous la plume de Jacques Van Herp/ Michel Jansen. Deux éditions :
- « La porte sous les eaux » Par John Flanders et Michel Jansen. Editions Spes, collection « Jamboree-Ainé ».1960.Illustration de M.Raffray. Divisé également en deux parties :
- « Les hublots fantastiques ».
- « Le formidable secret du pôle »
- Dans le volume « Le secret des Sargasses ». Union Générale D'éditions, collection 10/18.1975. Pages 148 à 317. Comprenant également les mêmes chapitres que l'édition précédente.
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