« Panurge Au Pays Des Machines » De Ixigrec. Des Machines Encore Et Toujours
Pas de mention d'éditeur, probablement tiré à compte d'auteur.1940 .Illustrations intérieures de l'auteur ( Bulletin des amateurs des amateurs d'anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 17, Avril 1997. Article considérablement augmenté)
Il fait vraiment bon vivre en Thélémie. Une petite communauté y coule des jours paisibles dans le plaisir et la bonté. Toutefois, à l'abbaye de la ville, Panurge s'ennuie, il trouve sa vie un peu trop trop plaisante et monotone. Son esprit sans cesse en vagabondage est hanté par la vision de citées gigantesques, faites d'acier et de verre. Sa condition actuelle l'étouffe : il aimerait changer d'air ! Mais le destin, dans sa toute clémence, viendra un jour frapper à sa porte.
En effet, un voyageur maître de la cité de « Machinopolis », lui propose de découvrir la « véritable civilisation ». Organisius, car tel est le nom de ce personnage providentiel, va ainsi le conduire jusqu'à sa fabuleuse cité aux toits de métal, aux dômes étincelants où les flèches des immeubles pointent leurs pics orgueilleux à des hauteurs vertigineuses.
La visite guidée commence de ce fait, dans une ruche immense où s'affaire cinq milliards d'individus. Le responsable des lieux veut en faire le centre du monde, une mégapole selon ses dires, bien supérieure aux villes avoisinantes de « Buropolis » et de « Mégalopolis ». Ici, tout est surveillé, contrôlé, réglementé, de la naissance à la mort. Tout son fonctionnement est une machine bien huilée qui ne supporte pas le moindre petit grain de sable.
Pour exemple, ces fécondeuses, ensemencées artificiellement dans le « Lapinorium » (semence venant de l'élite du « Testiculus ») et dont les enfants arriveront à terme en sept mois seulement. Les enfants, placés dans les « Gavorus », seront répartis en fonction de leurs premiers mots, dans une des vingt cinq fonctions indispensables à la société : s'ils crient tue ! Tue ! Tue !...au bloc de l'armée ! Mais toute exception confirmant la règle, Organisius va cependant reconnaître une faille dans le système. Un garçon pourtant bien constitué et d'apparence « normale » cria à sa naissance : Merde ! Merde ! Merde ! et une fille : Zut !Zut !Zut ! Ils furent alors placés dans un environnement particulier...au fin fond d'un zoo. Rare événement qui exigea beaucoup de clémence car, tous les indispensables, les tarés et les fainéants sont jetés dans le « Moulinor ». Cette machine dont on devine la fonction, est une des plus belles inventions du maître. Il s'agit d'un immense entonnoir où sont jetées les victimes sous les hurlements...de joie des spectateurs. Immense broyeur produisant une « bouillie humaine », qui sera récupérée et transformée en acide, corps gras et autres engrais azoté. Un « Mix » entre « Soleil vert » et « L'age de cristal ».
Panurge, époustouflé, consterné, puis horrifié, assiste muet à ce monstrueux carnage. Mais le délire se poursuit et il apprend que les citoyens, en fonction de leurs spécialités, sont habillés d'une couleur bien spécifique afin de mieux repérer les intrus et les indésirables. Qui plus est, au sol, le parcours est fléché d'une couleur correspondante aux métiers de chacun. Nul ne doit en suivre un autre, nul de doit déroger à la règle, seuls les maîtres ont droit à l'itinéraire universel, qui sera blanc comme il se doit.
La visite se poursuit, et cette fois petit détour vers la « Conserve » de citoyen, endroit où sont placés les différents corps dans un état d'hibernation. Une sorte de réserve utilisée en cas de besoin, c'est-à-dire principalement à des fins militaires. Le terme « chair à canon » n'a jamais autant mérité dans les cas présent, un tel qualificatif. Brusquement, alors que Panurge était dans un état proche de l'hébétude, une lueur passe devant son regard et s'écrie brusquement : et la science alors ? Son hôte le regarde d'un œil courroucé comme tout ce qu'il avait admiré jusqu'à présent ne faisait que figure « d'amuse-gueules ». Voulant définitivement lui clouer le bec il lui répond du tac au tac :
- « Elle ne sert qu'a une seule choses, et c'est la guerre ! ».
Organisius lui montre alors une pièce faite de manettes et de cadrans, d'où il lui est possible de commander tout un armement ultra moderne. L'ensemble des ces armes est dirigé vers les villes ennemies, la destruction peut être immédiate et définitive. Tant de haine et de violence concentrée en un seul homme !
La tete douloureuse, le Thélémite de mande, histoire de faire une petite transition, l'autorisation de rencontrer les deux « rebuts » de la société, exposés au zoo. En chemin il fera connaissance avec « Bourocranus »et «Tesstus », un centre d'instruction et de conditionnement pour les jeunes adultes. Mais Panurge, comme nous nous en doutions, a une idée derrière la tête. Depuis le début du récit il a l'intention de délivrer « Nagor » et « Heina » nos deux infortunés prisonniers. Loin de s'arrêter en si bon chemin, il aussi l'intention de balancer oraganisius dans le « Moulinor ». Notre héros, envahi par une véritable frénésie meurtrière,voit encore beaucoup plus grand, « Machinopolis » représente une menace pour le monde libre et décide d'agir.
Les trois renégats se rendent immédiatement à la salle de commande, pressent quelques boutons, actionnent diverses manettes et en un rien de temps, c'est la guerre totale avec les pays voisins. Tout y passe : ondes détruisant les cellules humaines,nuages gigantesques déversant une pluie de lave et d'acide, rayons désintégrant, vaporisant tout sur leur passage....La panoplie est impressionnante et les victimes se comptent par million, par milliards. La destruction finale arrive par l'explosion des villes projetées à des centaines de mètres d'altitude, sous les yeux effarés des rescapés.
De retour à l'abbaye de Théléne, Panurge retrouve la douce Sisgine, présente les nouveaux venus et raconte leurs aventures devant toute une assemblée stupéfaite : l'humanité venait de réchapper à la destruction totale.
Le héros se dirige alors vers le fronton de l'antique édifice où fut écrit le fameux:
« Fay ce que vouldras », phrase clef de la culture Thélémite, pour y rajouter « Selon ton coeur et selon ta raison »
Un anarchiste au service de L'anticipation ancienne
Voici les quelques informations glanées sur la toile au sujet de ce mystérieux auteur dont, je ne connaissais pratiquement rien lors de la découverte de son ouvrage il y a plusieurs années. Les renseignements qui suivent proviennent du « Dictionnaire international des militants anarchistes »
Robert Collino est né à Marseille le 3 mai 1886 .C'est après avoir assisté au début du XX ème siècle aux conférences à Marseille de l'individualiste Jean Marestan que ce fils d'un pharmacien, était devenu anarchiste et lecteur du journal L'Anarchie de Libertad.
Au début des années 1910 il aurait tenté un retour à la terre qui se serait soldé par un échec –il s'agit peut être d'une participation à la colonie libertaire de G. Butaud à Bascon (Aisne), Collino collaborant à l'époque sous le pseudonyme de Ixigrec au mensuel La Vie anarchiste (Reims, puis Château-Thierry et Saint Maur des Fossés, 27 numéros de juin 1911 à août 1914) publié par H. Richard et G. Butaud.
Monté à Paris après la première guerre mondiale, il allait exercer le métier de décorateur et collaborer à de nombreux titres de la presse libertaire dont : « L'Anarchie » (Paris, 52 numéros du 21 avril 1926 à avril 1929) publié par Simone Larcher et Louis Louvet, « L'En-dehors » (Orléans, 335 numéros de mai 1922 à octobre 1939) publié par E. Armand, « La Revue anarchiste » (Paris, décembre 1929 à août 1936) publiée par F. Fortin et « Le Libertaire », organe de l'Union anarchiste. Il rédigeait pour l'Encyclopédie anarchiste de Sébastien Faure les articles consacrés à la mort et à la raison qu'il publiera ultérieurement sous forme de brochures (Qu'est-ce que la mort ? et Qu'est-ce que la raison ?).
Pendant la guerre il était dans le Var où « selon son frère qui habitait avec lui...il aurait eu beaucoup de veine de s'en tirer...et aurait pris de grands risques pour des inconnus qu'il ne connaissait que depuis 24 heures » (Témoignage de Paul Jamot, décembre 1984).
Une fois la guerre terminée il reprenait sa collaboration à divers titres de la presse libertaire dont la nouvelle série de » L'Unique « (Orléans, 110 numéros de juin 1945 à juillet 1956), » L'homme et la vie » (Paris, 4 numéros de février à mai 1946) dont les responsables étaient Manuel Delvadés et Georges Girardin, » Défense de l'Homme » (Paris puis Golfe Juan, 314 numéros de septembre 1949 à juin 1976) de Louis Lecoin et Louis Dorlet, » Contre Courant » (Paris, 155 numéros de février 1951 à 1968) publié par Louis Louvet, Ego (Marseille, 12 numéros de juin 1968 à 1971) revue d'expression individualiste publiée par Pierre Jouventin, et « Le Monde Libertaire « organe de la Fédération anarchiste.
Robert Collino est décédé dans le Var en octobre 1975. Peintre amateur il était l'auteur de nombreuses natures mortes.
Un pure « fantaisie anarchiste »
Publié en 1940 le livre « Panurge au pays des machines » est une satire du totalitarisme. On y trouve sous le ton de la plaisanterie, une attaque virulente contre la marche effrénée du modernisme, de l'automatisation et de l'utilisation à outrance de la machine. L'homme n'est plus qu'une marionnette, un produit de consommation à « usage unique » utilisé selon le bon vouloir d'une classe dominante et totalitaire qui n'a que faire de l'individu, du respect de sa condition, de son intégrité morale et physique.
On sent le peu de confiance que l'auteur accorde à la science, produit de notre ambition et de notre mégalomanie qui loin de servir et changer la condition de l'homme, n'est là que pour le rendre encore plus esclave. La guerre ! Voilà la seule chose qui lui importe. Assoiffé par de mesquins désirs, celui de la propriété, de la cupidité, de la jalousie et du pouvoir il n'aura de cesse qu'à trouver de nouvelles techniques afin de détruire son prochain encore plus vite, encore plus fort !
Ce genre de constat est assez fréquent dans ce type de littérature et les œuvres de ses prédécesseurs exhaleront également une forte odeur de pessimisme dans toute une série de contre utopie aux consonances révolutionnaires. Le progrès n'est ici que pour le malheur des hommes, les hommes qui ont le pouvoir nous mentent et nous trompent, ils abusent de notre confiance et il ne sera pas étonnant de constater que ce roman publié pendant la seconde guerre mondiale, ait de tels relents de désolations. Une noirceur à peine maquillée sous un style léger, mais d'une extrême violence lors de la description de « Machinopolis » et de ses laboratoires impies, où se déroulent d'horribles expériences.L'individu n'est qu'une portion de chair insignifiante,alimentant les phantasmes de la soi disant « élite dirigeante ».
J'avais déjà rédigé un article sur la représentation de » la ville « dans les utopies et les contre utopies, des textes de conjecture ancienne et je ne peux que vous convier à y jeter un coup d'œil, ne serait-ce que pour son outil bibliographique, qui je l'espère vous donnera quelques bon repères pour de futures découvertes.
Du même auteur
– « Panurge au pays des machines ».1940
- « L'Avenir est-il prévisible ». 1949
– « Les essais fantastiques du docteur Rob » Éditions de « La Ruche ouvrière » 1966 (Probablement à compte d'auteur)
- « Absolu et compromis ».Supplément n°1 de « L'Unique »1956.
– « Le vrai Sade ».Supplément n°7 de « L'Unique »
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