« La Guerre Des Forces » de Henri Suquet : Une Lutte Pour La Survie
De Henri Suquet. Editions de l'Apex, collection « Périodica »N°8. Association Regards « Les amis de Pellos ». Novembre 1994. Tirage limité 250 exemplaires.
Le grand quotidien « La sphère » annonce dans son N° du 17 Mai 2938, la publication d'une incroyable révélation faite à son directeur et ce par l'ancien directeur des forces centrales Martin-Weller. En effet, il y a trente ans le 18 juillet 2909 à 18 heures, la terre a failli mourir. Le récit de l'ancien responsable de cette gigantesque entreprise, s'effectue en « Flash-back » et nous emmène au tout début dans les immenses structures de ce « nerf vital » de l'énergie mondiale.Dans ce lointain futur, toute notre technologie est tributaire d'une énergie unique, un produit de la technologie moderne et se trouve répartie équitablement dans les toutes nouvelles cinq parties du monde : « Les terres de l'Ouest » (anciennes Amérique du Nord et du Sud), « L'Arctique et l'Antarctique », «Les terres noires », « Les terres jaunes », « Les terres blanches ». Cette formidable puissance, issue de l'énergie solaire est supervisée par un représentant de chaque état qui, derrière un pupitre central, délivre de façon partiale toute l'énergie nécessaire au fonctionnement de son pays. Tous les appareils ménagers, les moyens de transport par terre, air ou mer, le chauffage, l'éclairage....tout dépend de l'usine des forces centrales.
Mais une ombre plane sur cette société presque parfaite et si le directeur mène sa barque d'une façon un peu autoritaire, une telle entreprise se doit cependant être dirigée d'une main de fer, la sécurité et l'équilibre mondial en dépendent. Un jour donc, l'illustre personnage enregistre une baisse conséquente de la production et ce, durant quelques secondes seulement. L'inquiétude n'est pas de mise et l'on passe cela sur le compte d'une consommation excessive de l'un des cinq continents. Toutefois, lorsque l'incident se reproduit de façon plus spectaculaire tout en occasionnant de nombreux accidents, le problème devient plus urgent. La baisse de l'énergie entraîne la chute appareils volants, des carambolages de voitures, des navires immobilisés en pleine mer. Martin-Weller se perd en conjecture, d'autant plus que chaque « perte » d'énergie s'accompagne de l'apparition d'un étrange nuage de couleur cuivrée dans les environs de la gigantesque usine.
Au même moment à Ceylan, une île préservée volontairement de toute technologie et dont la population refuse tout compromis avec la science, Jean-Paul un jeune et brillant génie de l'astronomie enregistre un curieux phénomène. Notre jeune prodige est amoureux de Mariana, la fille du directeur des forces centrales, mais leur mariage est voué à l'échec. Celui-ci n'éprouve que dédain pour ces « arriérés » qui réfutent toutes notions de progrès et qui passent leur temps à vivre avec des concepts rétrogrades où il faut être proche de la nature. L'astronome défend l'idée qu'il ne faut pas trop accorder sa confiance au progrès et qu'il ne peut que rendre l'homme totalement tributaire de la machine.
Sur le continent Européen, le phénomène météorologique s'amplifie et les différentes parties du monde se retrouvent en sevrage du précieux fluide, alors que paradoxalement la production ne cesse de croître. L'arctique et l'Antarctique sont les premiers à subir les néfastes répercussions et l'on commence là-bas à mourir de froid. Mariana est consciente que la disparition totale de l'énergie terrestre n'est qu'une question de temps et décide donc de rejoindre son bien aimé sur son île paradisiaque.
A son arrivée elle sera informée de l'incroyable nouvelle, la découverte d'une planète lointaine et pratiquement inconnue. En effet, après de nombreuses recherches et d'observations, le savant est catégorique il s'agit de « Io » un satellite de Jupiter qui semble être responsable de toutes ces catastrophes. D'après ses calculs, elle ne semble visible que pendant la manifestation de ces étranges phénomènes électromagnétiques qui « aspirent » littéralement toute la production des génératrices et paralysent le monde entier. Il est indispensable d'en avertir le « monde civilisé » et il charge donc sa fiancée de partir à bord de son aéronef afin de prévenir son père, de la terrible menace. Mais lors de son voyage de retour, victime de la diminution du champ électrique servant à alimenter son appareil, elle sent les commandes qui commencent à faiblir. Avant de s'abîmer dans l'océan elle parviendra cependant par radio à joindre Martin-Weller et de lui parler de la précieuse information.
Son sacrifice ne sera pas vain car le professeur organise une contre attaque qui aura pour but de neutraliser la machine que les créatures de « Io » utilisent pour voler leur énergie. Il va donc synchroniser toute la production d'énergie en un seul point, immobiliser la planète entière de façon à récupérer le maximum de puissance et à l'heure exacte où tous les jours se produit la « fuite », libérer toute l'électricité alimentant la terre entière. A ce moment précis, chacun put voir dans l'espace un petit flash lumineux, anodin en apparence mais qui ponctua de façon définitive la fin de la plus terrible des catastrophes que l'espèce humaine venait de traverser.
Le savant est persuadé que les habitants de ce satellite très ancien en était arrivé à son déclin et que de ce fait l'énergie leur faisait cruellement défaut. Ils trouvèrent le moyen de la « subtiliser » par delà les espaces et furent victimes de leur boulimie. Probablement plus avancés que la terre au point de vue technologique il ne possédaient pas semble t-il les outils de communication nécessaires à un contact et qui certainement leur aurait permis de déjouer le plan visant à détruire leur complexe appareillage.
Ainsi se termine le récit de ce glorieux personnage ayant atteint les limites de la vie. Un homme brisé par la disparition de sa fille et que rien au monde ne pourra remplacer. Toute la gloire dont il fut l'objet en tant que sauveur de l'espèce humaine, il n'en voulait pas. Car le véritable héros de l'histoire, est ce personnage tranquille vivant une vie de reclus mais bien remplie, sur une île isolée du bout du monde. Il fut un acteur majeur de ces sinistres événements mais préfèra garder son anonymat et continuer de rêver en regardant les étoiles.
Qui sait, peut-être qu'un jour, ces lointains voisins viendront-ils tendre une main amicale.
La guerre des forces vient d'avoir lieu
Ce sympathique petit texte de SF « à la Française » fut publié à l'origine dans la revue « Jeunesse Magazine » du N°9 au N°14 (du 26 Février au 2 Avril 1939). Outre la qualité innovante de sa thématique (une civilisation extra- terrestre qui capte l'énergie de la terre) « Panique sur le monde » est également intéressant pour la qualité de ses illustrations. Pellos dont je ne cesse de clamer le talent (et je ne suis pas le seul) était un habitué de la revue « Jeunesse Magazine » puisqu'il collabora à celle-ci pendant de nombreuses années et outre de somptueuses couvertures couleurs, il réalisera de nombreuses « bande dessinées » comme les aventures de « Petipon », illustra des articles divers et composera de magnifiques dessins pour le roman dont nous avons longuement parlé dans ce blog « Face à face avec les monstres » de Henri Darblin en 1937. La même année d'ailleurs où il réalisera son chef-d'œuvre « Futuropolis ».
L'auteur Henri Suquet est bien connu des amateurs d'anticipations anciennes puisque nous lui connaissons au moins quatre ouvrages qui intéressent notre domaine « On va faire sauter Paris », « Le rayon du sommeil », « S.O.S ici Paris » et « On à volé le deux de la rue ». L'ouvrage dont vous venez de lire le résumé « La guerre des forces » deviendra par la suite en volume « Panique sur le monde » sous titré « La guerre des forces », pour ensuite terminer sa carrière dans une collection orientée vers le scoutisme et sous le titre « Ciel de cuivre » (version fortement remaniée pour ne pas dire édulcorée).
La majorité de sa production de toute évidence était plutôt destinée pour jeunesse et l'on ne sera pas étonné de voir de jeunes garçons être les héros principaux de ses différentes aventures.
Avec cette « Guerre des forces » titre qu'il est impossible de négliger lors de nos incessantes fouilles dans le domaine de l'ancien, l'auteur va faire preuve d'une grande originalité en imaginant une civilisation extra-terrestre sur le déclin, dont le monde souffre d'un cruel manque de matière première. Il va donc utiliser les derniers soubresauts d'une science agonisante afin de récupérer la précieuse énergie. Une thématique similaire a été par la suite abordée par Jacques Spitz dans son roman « Les signaux du soleil » en 1943 ( « Les romans fantastiques» éditions Jean vigneau 1943), où les habitants de Mars et de Vénus se partagent les composants de notre atmosphère. Mais ici, ce vol à l'échelle planétaire est réalisé en toute bonne foi, puisque Martiens et Vénusiens ignorent l'existence d'une vie « intelligente » sur terre.
L'autre aspect passionnant du roman de Suquet, réside dans cette vision de ce monde futur qui, bien que façonné d'une manière qui pourrait sembler idéale, ne s'en trouve pas moins « prisonnier » de sa propre avancée technologique. En effet l'auteur met en avant les prémices d'un basculement total de la civilisation si celle-ci se retrouvait complètement privée de sa source première d'alimentation : l'électricité. Une thématique déjà utilisée au moins à trois reprises avec Luigi Motta (« La princesse des roses » Librairie Ch Delagrave 1913), Henri Allorge ( « Le grande cataclysme » éditions Crès 1922) et René Barjavel (« Ravage » éditions Denoël en 1943).
Dans « La guerre des forces » même si elle ne disparaît pas définitivement, elle sera toutefois à la source d'une problématique à laquelle l'humanité n'avait jamais été confrontée. L'homme dans son arrogance, pensant pouvoir tout contrôler, se trouve face à un souci majeur tout en mettant le doigt sur les limites de sa technologie. Les dangers de la science sont une fois de plus mis en avant, car effectivement que se passerait-il, si pour une raison ou un autre le précieux fluide venait à disparaître ? La fin du monde ou plutôt d'une forme de vie ? Probablement car l'homme dans son désir de tout domestiquer, en est devenu son l'esclave.
L'auteur réalisera un juste retour des choses lorsque finalement c'est un jeune savant d'une société refusant toute intrusion systématique du progrès dans leurs vies quotidiennes, qui se fera l'acteur de la sauvegarde de l'espèce humaine. Suquet dans ce roman à pleinement conscience du danger que peut représenter une technologie à outrance mais nous délivre toutefois une message de fin où si effectivement la science peut entraîner la chute de notre civilisation, c'est aussi elle qui, lorsqu'elle est bien utilisée nous permettra d'en assurer sa sauvegarde.
Au final c'est une science triomphante qui sera mise à l'honneur dans ce roman qui certes exigera quelques sacrifices, mais qui fournira à l'homme le moyen de se dépasser tout en lui faisant prendre conscience de ses limites. Un texte où contrairement à « La guerre des mondes » de H.G.Wells, il ne sera pas question d'une invasion directe d'une civilisation extra-terrestre, mais d'une conquête plus insidieuse en s'attaquant de manière plus radicale à notre principale source d'énergie, nous privant ainsi de toute notre technologie.L'intention n'y était peut-être pas,mais il faut avouer que la méthode a failli briller par son efficacité.
Bibliographie de Henri Suquet
- « La guerre des forces » dans la revue « Jeunesse Magazine » du N° 9 (Février 1939) au N° 14 (Avril 1939). Illustré par Pellos.
- « Panique sur le monde » (La guerre des forces) réédition en volume de « La guerre des forces ». Les éditions du Clocher, collection « Pour la jeunesse » N°20. Illustrations de Sven. 1939.
- « Le mystère du Tour de France » Les éditions des loisirs. Collection « Aventures ».1939
- « Ciel de cuivre » (La guerre des forces) réédition remaniée du précédent volume. Editions Alsatia, collection « Signe de piste ». Illustration de Cyril. 1949.
- « Panique sur le monde » (La guerre des forces) Collection périodique N°8, éditions de l'Apex : Association Regards « Les amis de Pellos » Novembre 1994. Tirage limité à 250 exemplaires. Fac-similé de la parution dans la revue « Jeunesse magazine » avec les illustrations de Pellos (La couverture est une reprise de l'éditions en volume réalisée par Sven).
- « On va faire sauter Paris » suivi de « On a perdu un métro » Editions Boivin &Cie. Illustrations de Jobbé-Duval. Ouvrage avec jaquette.1935. - « Le rayon du sommeil » Editions Montsouris, collection « Pierrot », la bibliothèque des jeunes. Illustrateur inconnu.1943.
- « On a volé le deux de la rue » Librairie Plon, Editions de Marly. Illustrations de André Galland.1947.
- « S.O.S ici Paris » Editions Fleurus & Gautier-Languereau. Collection « Jean-François ». Illustrations de Raoul Auger.1954.
De cet auteur nous avons également les références de titres dont nous ignorons le contenu mais pouvant probablement se rattacher à notre domaine :
- « L'énigme de la rame 34 »
- « La machine à passer le Bachot »
- « On a volé le Sur-Gé.. »
- « La maison sous les eaux »
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