« L’île Sous Cloche » De Xavier De Langlais : Une Dystopie Insulaire……
Cet article signé Youen Drezen paru dans le N° 6 de « Horizons, revue des lettres » aux éditions « Aux portes du large » une revue Nantaise peu connue, est l'occasion de revenir sur un extraordinaire roman de Xavier de Langlais, tant pour sa richesse thématique que sur le profond pessimisme qui se dégage de cette dystopie. A la fois poétique dans certains passages, il faudra toutefois se méfier car dans cette société aux apparences harmonieuses, la noirceur n'est jamais très loin. La fulgurance des nombreuses idées qui parsèment cet ouvrage et le ton grave utilisé par l'auteur pour dénoncer la marche impétueuse et destructrice du progrès, font de ce « L'île sous cloche » un classique du genre et qui n'est pas sans me rappeler la teneur d'un autre ouvrage tout aussi incontournable et rédigé par André Couvreur « Caresco ou le voyage en Eucrasie » (édition Plon 1904 superbement illustré par Edmond Malassis).
Bibliographie
- Xavier de Langlais, « L'île sous cloche ». Traduction par l'auteur du roman d'anticipation « Enez ar rod ». Nantes « Aux portes du large » 1946. Avec bois gravé de l'auteur. Avec un avant propos de l'auteur.
- Langleiz [Xavier de Langlais], « Enez ar rod », Rennes : Ar Balb, 1949.
- Xavier de Langlais, « L'île sous cloche », Paris : Denoël, collection « Présence du futur » N°86.1965.
- Langleiz [Xavier de Langlais], « Enez ar rod », Lesneven : Hor Yezh, 2000.
- « L'île sous cloche » Xavier de Langlais ; avant-propos de Tugdual de Langlais ; préface de l'auteur à la première édition ; postface de Joseph Altairac ; bois gravés de l'auteur pour l'édition originale. Spézet : Coop Breizh, 2002. 286 p.
Traduit du Breton.... « L'île sous cloche »
« Vers fin 1940, Xavier de Langlais me donnait à lire le texte d'un roman, qu'il venait d'écrire en breton. C'était « Enez ar Rod » (.L'Ile de la Roue), dont l'adaptation française, parue avant l'original, porte le titre de « L'île sous Cloche »
On connait le thème de l'île sous Cloche. Une jeune fille, Liliana, a été jetée par un naufrage, aux bords d'une île, dont les hommes de science ont développé, à un point vertigineux, la civilisation mécanique. L'île est séparée du reste de l'univers par une voûte, une cloche, éclairée artificiellement, et que ne traverse ni le bruit de la mer ni les rayons du soleil, – toutes choses bonnes pour des Sauvages !
La vie y a été organisée suivant des méthodes rigoureusement rationnelles. Supprimé le sommeil, comme inutile; supprimée aussi la nourriture, que remplace la fumée. L'Homme, cette machine-outil perfectionnée, apte à tout, est devenu dans » l'Ile sous Cloche « , le robot voué au même geste sempiternel (ô Temps Modernes du génial Charlie Chaplin !) en dehors de toute initiative individuelle. L'Homme tourne-Vis visse sans cesse, l'Homme-Arroseur arrose sans répit...
L'Amour, l'Amour créateur est un mot vide de sens pour les Ilsouclochiens. L'Homme nouveau, ni mâle ni femelle, se fabrique, scientifiquement, en pièces détachées, en laboratoire. Sa proéminence le Super Aérocéphale Propulseur-de-roue numéro 7 fera visiter à Liliana, non sans une pointe d'orgueil, ces étranges laboratoires, qu'il nomme «le Palais des Germes» et «Le Jardin des Fleurs de Chair».
Ces hommes pré-fabriqués n'ont, faut-il le dire, aucun point commun avec les créations de Phidias, mais, ils ont été construits à des fins strictement utilitaires, et l'auteur, qui est peintre aussi, nous les décrit, chacun dans sa spécialité, et dans toute leur hideur, avec la minutie d'un anthropologue. Il n'y a plus d'individus, mais des numéros, et la vision qu'on nous donne de ces monstres nous oppresse comme un cauchemar.
L'Ame, car, à leur naissance, ils ont, pourtant, un âme, des spécialistes, la captent, toujours scientifiquement et l'enferment dans un tube de cristal, que l'on jette dans le Puits, comme une chose inutile, «sauvage».
Le cerveau est une tare encombrante. Foin de la Matière Grise ! Plus la tête est vide, plus elle est sonore, moins elle réfléchit, et plus son possesseur approche du Zéro Majuscule, c'est-à- dire de la perfection, – pardon ! de son point de perfectionnement, – et plus il sera qualifié pour tourner la Grande Roue, but et fin des Ilsouclochiens.
Car à quoi rime le déploiement poussé à l'extrême de ces perfectionnements techniques de l'humanité ? Quel idéal tend-on à lui faire atteindre, si ce n'est à lui faire tourner la Grande Roue, comme le font les enfants et les badauds à la foire?.. Voilà qui nous change des calembredaines de ces mystiques qui croient encore à la Vie Future et à la félicité éternelle dans le sein de Dieu !...
Or, la perfection n'est pas de ce monde, j'entends bien la perfection mécanique. Quand Liliana, naufragée, se réveilla dans l'Ile mystérieuse, les ingénieurs se trouvaient encore aux prises avec un problème momentanément insoluble. Leurs recherches s'avéraient vaines pour remplacer le coeur humain.
En fait, le coeur, «ce misérable petit muscle sauvage», sans le concours duquel un corps n'est qu'une masse inerte, est une source d'ennuis pour les Ilsouclochiens. On continue à mourir, dans l'île sous Cloche, et, quelques-uns, à s'y mal conduire. On y trouve donc une prison et un asile de fous. Les fous étant ceux qui ont gardé la nostalgie de l'ancienne forme humaine, – chose inconcevable, vraiment ! – et qui aspirent à récupérer leur âme !..
C'est une âme qui vaincra ces hypermécanisés. Une faible jeune fille, qui les fixe de son oeil de lumière, les fait reculer, tels un lion devant le regard du dompteur. Ce même regard, penché sur le Puit hallucinant, libérera les âmes, les forces spirituelles, prisonnières des tubes de cristal, provoquera un bouleversement inouï fera exploser la voûte scientifique et ressurgir nie de la gloire du soleil «sauvage». L'esprit aura triomphé de la matière, et le lecteur se réveille de cette angoisse, digne de notre siècle atomique, et heureux de se retrouver, lui aussi, «sauvage» comme devant.
On ne manquera pas d'évoquer, à propos de ce roman d'anticipation scientifique, Jules Verne et Wells. Je me contenterai de faire remarquer que l'un est Breton, comme l'auteur de l'Ile sous loche et l'autre Britannique, ce qui est un peu comme bonnet blanc et blanc bonnet. Cela revient a dire que les Celtes, qu'ils soient de ce bord de la Manche ou de l'autre, ou même d'outre – Atlantique ont, en plus de qualités communes, gardés intactes ces dons de visionnaires, dont les
anciens déjà faisaient cas, en parlant de leur sens de la double vue. S'ils ont montré quelques complaisance au cours du XIXeme siècle, a se pencher sur leur passé, ils se sont toujours avéré curieux de toutes les nouveautés. Ils ont, fréquemment, des précurseurs. En écrivant l'Ile sous Cloche Xavier de Langlais était dans la ligne.
Je laisse à d'autres le soin d'établir les mérites respectifs de l'original et de la traduction française. Je confesse tout de même que l'auteur- traducteur a été plus heureux dans la rédaction de son texte breton. Celui-ci est plus direct, plus dense, plus viril dirais-je, et touchera son public avec une plus grande efficacité, si possible. Car, là, l'écrivain est en possession d'une langue neuve, non déflorée par l'usage de la littérature, concrète, et toujours chargée de tout son suc. Si l'on sait, en outre, que le Breton a la propriété de créer ses propres néologismes, au contraire du français, qui doit faire ses emprunts au latin et au grec, l'on enviera cette langue de pouvoir accéder de plain- pied à la terminologie scientifique.
Youenn Drezen.
Note de l'éditeur à la publication de 1946
« Un roman d'anticipation, digne des maîtres du genre : Wells, Spitz, Barjavel.
Mais plus qu'un roman d'anticipation : Loin de se plier sagement aux lois du genre, l'auteur n'a pas craint de pousser ses fictions jusqu'à leurs plus extrêmes conséquences, voire jusqu'à l'absurde, mais un absurde épique à l'échelle du monde qu'il a créé et que ses dons de visionnaire savent, un instant, nous imposer comme vrai. Véritable défi à la science et revanche du poète qu'il entend rester. Dans les descriptions scientifiques les plus osées du livre, tel cet hallucinant chapitre du « Jardin des fleurs de chair » ou du « Défilé de l'Abreuvoir », une étrange poésie sourd de chaque ligne.L'auteur est peintre (peintre fort connu) ; cela se voit, aussi bien en son style coloré, qu'en la belle jaquette et la couverture, qu'il a lui-même composées. »
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