"Le roi des eaux" Science et Justicier !
Jean-Marie Defrance. Editions de L'onde, Toulouse. Illustrations de Jean lanére.1922. 50 exemplaires sur papier surglacé
Jean Delorme, ingénieur de son état passe quelques jours de villégiature en Dordogne, prés de Condat. D'une santé fragile il espère ainsi se refaire une petite santé et profiter de ce paisible cadre champêtre. Mais les grands esprits étant toujours en activité, il remarque tout le potentiel considérable dont bénéficie la région et commence à élaborer des plans en vue d'exploiter une formidable énergie qui vous tend ici les bras. L'homme est un brillant chercheur en hydraulique et pour lui, quel plaisir que t'apporter à ce coin reculé tout le confort que pourrait dispenser l'électricité. Lors d'une de ses promenades, il sauve d'un accident de cheval, Madeleine de Signy dont il tombe bien évidemment amoureux. Celle-ci, également très brillante dont certaines de ses inventions confèrent au génie, n'a d'yeux que pour lui et voit dans ce brillant jeune homme une source de progrès pour sa région. Mais dans l'ombre, de sinistres gredins ourdissent de sombres projets et comptent bien damner le pion à ce freluquet à la jeunesse insolente. Delorme, un jour qu'il était en pension dans un hôtel du village, entend par le plus pur des hasards une conversation entre deux étrangers. Il y est question des plans qu'il a pourtant secrètement élaboré : se pourrait-il qu'il y ait un traître dans son entourage. Avec une telle menace sur les épaules, Jean préfère disparaître à la grande stupéfaction de son ami le Docteur de Saint-Féréol et de la toute belle Madeleine.
Peu après cette mystérieuse « évaporation » d'un homme, un certain Vaniman débarque dans la vallée avec comme projet, la construction d'un super barrage qui permettra ainsi d'alimenter toute la région en électricité. Véritable petite révolution car à cette époque le charbon est la source principale d'énergie. Mais il n'y a pas de hasard et le lecteur se doute bien que ce formidable projet fut dérobé à noter malheureux ingénieur, que tout le monde dans les parages, pleure à chaudes larmes. Mais alors que ce vaste projet commence à prendre forme, un mystérieux personnage se faisant passer pour « Le roi des eaux » vient contrarier les plans crapuleux des misérables scélérats, avec de brèves mais efficaces tentatives de sabotage. Mais une surprise plus grande encore attend nos espions industriels. Ces piètres débutants en hydraulique,ne savaient probablement pas lire un plan car, faisant fi des avertissements concernant un vaste réseau de galeries se trouvant sous le lit d'une rivière, le jour de l'inauguration, l'édifice s'affaisse. Bien évidemment on pense qu'il s'agit d'une exaction du mystérieux justicier. La vallée se transforme petit à petit, de grandes zones sont inondées, les industriels ne s'embarrassant pas d'écologie ou de respect de la propriété : Seul l'argent est important !
On dépêche alors les meilleurs fins limiers de France pour se lancer à la poursuite du criminel, on pense retrouver sa trace, relever des indices...mais l'homme est beaucoup trop malin. Au bout du compte Vaniman sera obligé de lâcher prise face à la menace qui pèse sur lui, il est prêt à négocier avec « Le rois des eaux » afin de faire cesser cette menace constante qui pèse sur son usine. Fort heureusement, le justicier s'est rallié la cause des habitants de la vallée, il faut dire que ceux-ci ne voient pas d'un bon œil la transformation de leur belle région et ce, malgré les promesses d'une hypothétique amélioration de leur condition de vie. Un soir pourtant avant que ne se concrétisent les négociations, un homme, un agent à la solde du fourbe industriel, poursuit encore obstinément Madeleine. Celle- ci se dirige vers une rivière et place des écouteurs sur ses oreilles qui, prolongés par un câble, se terminent par une sphère quelle plonge immédiatement dans l'eau. Brusquement elle se met à parler, comme si son interlocuteur vivait au fond de la rivière ou quelque part dans l'immense lac artificiel. Elle semble inquiète à l'autre extrémité, son auditeur parait malade, affaibli « Pourquoi rester encore plus longtemps sous l'eau ?» lui demande t'elle. Mais elle n'a pas le temps de terminer, l'espion se jette sur elle pour lui dérober son appareil. Fort heureusement le cocher qui l'attendait non loin de là, intervient et malgré son age, le projette dans la rivière. Ce dernier ne demande pas son reste et s'éloigne à la nage.
Madeleine a eu très peur car elle avait également apporté avec elle sa dernière invention, en vue de la tester dans les eaux tumultueuses du cour d'eau.
« Madeleine travailla fiévreusement à sa nouvelle invention et fit de nombreuses expériences dans la Tialle, le ruisseau qui traversait la propriété de Vais.
Les résultats furent extraordinaires. Deux longs câbles étaient plongés dans la rivière, l'un très gros en cuivre, l'autre plus fin formé par l'alliage de plusieurs métaux; bientôt l'eau, qui coulait le long des câbles, s'échauffait et un courant électrique intense les parcourait. La force produite était proportionnelle à la vitesse du courant et à la quantité d'eau de refroidissement. Elle était également fonction de l'importance du tronçon de rivière intéressé, donc do la longueur des câbles métalliques.
C'était la suppression des hauts barrages, des tunnels, des machines coûteuses. L'installation était infiniment plus simple et plus rapide, ne demandant presque aucun entretien. Les branchements pouvaient se faire en n'importe quel point des câbles au moyen d'un appareil de transformation; l'aspect des rivières ne serait ainsi plus modifié.
C'était certainement un désastre pour les entrepreneurs, mais quel avantage pour l'humanité toute entière!
Le prix de l'énergie électrique était encore très élevé à cause de l'importance exagérée des travaux et des spéculations financières, mais le public allait enfin avoir l'électricité à profusion et à bon compte.
C'était une découverte formidable, une véritable révolution. »
Avec cette nouvelle invention, il semblerait que toute concurrence soit définitivement éradiquée.
Quelque temps après, un nouvel incident vient troubler la quiétude d'une vallée qui décidemment connaît ici, sa période la plus agitée de son histoire. Une nouvelle fois les vannes du barrage se brisent, probablement un ultime avertissement, inondant encore cette paisible campagne. Cette catastrophe va se révéler l'ultime tableau de cette rocambolesque histoire. A l'arrivée sur les lieux du directeur, il aperçoit deux hommes qui s'affairent au dessus d'un petit sous- marin de poche. M.de Saint Féréol tente d'en extraire avec difficulté un homme à moitié inconscient. Pas de doute, les témoins confirment, il s'agit bien du « Roi des eaux ». Mais une fois postiches enlevés, c'est le visage de Jean Delorme qui apparaît. Jusqu'au bout et dans l'ombre il aura voulu s'opposer aux riches industriels qui, par appât du gain, lui ont volé ses projets et mis en péril toute une région. Mais grâce à son génie, son obstination et l'appui de ses fidèles amis, il est parvenu à mettre en avant la merveilleuse invention de Madeleine qui, nous n'en doutons pas un seul instant, parviendra à vite s'imposer en raison de la simplicité de son fonctionnement. Epuisé, par cette lutte impitoyable, Jean va sombrer définitivement dans les eaux glacées de la mort : « Le roi des eaux disparaît, sa tache achevée »
Un scientifique doublé d'un justicier
« Galamus », « Paul Basiaux-Defrance » et « Jean-Marie Defrance » sont différents pseudonymes utilisés par Paul Basiaux, ingénieur hydraulicien, né à Liège en 1887. Publié, et je pense qu'il n'y a pas de hasard, aux éditions de « L'onde » à Toulouse, une revue s'intéressant aux sciences appliquées, à l'art et à la littérature, ce roman comporte en autre de jolies petites compositions de Jean Lanère. Avec ce roman, le troisième à ma connaissance se rattachant à notre domaine, l'auteur nous démontre une fois de plus toute son attirance pour les énergies nouvelles et économiques. En règle générale elles sont de fabrications relativement simples, applicables sur des technologies accessibles par tous. Il y a chez cet auteur une volonté sociale, et l'on sent en lui l'homme de science au service du bien être de l'humanité. Comme en témoigne ce roman « Le roi des eaux » le progrès ne doit en aucun cas faire l'objet de spéculations d'industriels véreux, voulant s'enrichir sur le dos de la société. Ce genre de discours relatif à la science pour tous, est déjà fortement présent dans ses deux autres romans « La lumière ou la prodigieuse histoire de trois inventeurs, Roman Utopiste » (Editions Eugène Figuiére 1913), déjà analysé sur les pages de ce blog et « La formidable énergie » (Editions « Argo », 1928) à venir très prochainement. D'ailleurs, l'auteur en regard de sa formation, n'hésitera pas à mettre en avant les aventures de personnages principaux, sympathiques et totalement désintéressés, spécialistes en hydraulique.
Tout l'intérêt de ce court roman n'est pas forcément l'invention en elle même qui, bien que révolutionnaire sur le plan technique, n'occupe qu'une infime partie du roman, il s'agit plutôt du combat de cet homme, Jean Delorme qui sous couvert d'un mystérieux justicier donne du fil à retordre aux fourbes spéculateurs. Sorte de héros de l'ombre, justicier impitoyable que les habitants du cru vont considérer comme une sorte de « génie des eaux » voulant se venger des exactions des puissants hommes d'affaire. Ce « Roi des eaux » est vraiment l'archétype du justicier complètement détaché de toute reconnaissance, il agit par souci d'équité et de vengeance. Au final, il va préférer se sacrifier pour la bonne cause, n'écoutant que son courage et sa soif de justice, pour disparaître dans un dernier baroud d'honneur et révéler enfin a véritable identité.
Malheureusement pour les passionnés qui ne manquent pas de fréquenter « Sur l'autre face du monde » les ouvrages de cet auteur restent extrêmement difficiles à trouver. Qu'en est-il de ces autres romans aux consonances « fantastiques » : « L'invention du Docteur Gibson », « L'homme sans poids »...l'avenir peut-être nous le dira !
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