« En L’an 2125″ de Raoul Le Jeune: Une Anticipation Très Belle Epoque!
Bibliothèque de « La mode familiale » collection « Fama ».1928. 126 pages. (Bulletin des amateurs d'anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 23 Juillet/Aout/Septembre 1999). Article modifié et augmenté.
Nous sommes en 2125 dans la ville de Retokos. Sur la place principale, une foule immense attend de pied ferme l'arrivée de Théo Cérem, un audacieux explorateur qui, à bord de « L'aviteromer » revient des zones inexplorées au-delà de l'île de Vesper. Vesper ! Une île paradisiaque, surgie de l'Atlantique après la disparition totale de l'humanité. Les premiers Vespériens étaient de hardis astronautes qui,au péril de leur vie quittèrent leur lointaine planète pour venir s'échouer sur cette portion de terre après la destruction de leur appareil. Une colonie fût ainsi crée qui se développa et prospéra au fil du temps. Explorateurs dans l'âme, leur soif de découvrir d'autres horizons les poussèrent finalement à se lancer dans la découverte du reste du monde. C'est une race très amicale et malgré leur appartenance à Jupiter possèdent toutes les caractéristiques morphologiques des terriens.
Mais revenons à notre singulier appareil qui se pose au milieu d'une foule en délire. Un bien curieux engin qui possède de multiples fonctions : il roule, il vole, flotte et explore les fonds sous-marin.....mais par contre ne fait pas le café ! Réunis en conseil extraordinaire, le président de la république, ministres et savants vont ainsi écouter le récit de Théo :
« Messieurs, j'ai exploré une ville du nom de Dijon, située dans un pays, la France ! Architecture Bizarre et jonchée de milliers de cadavres »
Dans sa musette, un journal que les savants s'empressent de traduire. Par une curieuse coïncidence, le Français tout comme le Vespérien...est une langue latine ! Le texte révèle ainsi que les Etats-Unis d'Europe furent envahis par une race « jaune » qui détruisit toute trace de l'humanité au moyen d'une redoutable arme chimique très toxique. Seigneur ! Il existe bel et bien d'autres contrées au large de Vesper. Un deuxième expédition s'organise et notre pilote en profite pour embarquer Colomette sa douce et charmante épouse. Il est convenu qu'un contact se fera par radio toutes les heures.
Après un nouvel « Aviteromissage », nos aventuriers débarquent cette fois à Brest, dernier bastion de la race blanche. Rapide visite de la cité Bretonne en ruine et retour à domicile, les cales chargées de preuves, histoire de convaincre les plus septiques. En effet certains scientifiques refusent encore de croire à l'existence d'une autre civilisation. Dans ces fameuses « pièces à conviction », il y a des journaux récupérés dans la ville où les savants découvrent avec stupéfaction le récit des dernières années de la résistance Bretonne, date : 1950. Avant de tous rendre l'âme, les « Blancs » inventèrent également un terrible gaz meurtrier qui décima à sa tour toute la race belligérante. Les témoignages de batailles aériennes et navales terrorisent les Rétokosiens. De ce fait de singulières rumeurs commencent à enfler et l'on évoque l'idée d'une probable invasion de ces redoutables guerriers.
Afin de tuer dans l'œuf de telles inepties, on se prépare à une troisième expédition et supervisée par six génies locaux : Rolcit,Colla,Maretial,Coupix le chirurgien, Pécum le pharmacie. A cet effet un appareil plus conséquent est mis en chantier, il prendra le nom de L'hyménius. Un dernier occupant sera dépêché à la hâte et non des moindres puisqu'il s'agit de Coupefil, reporter au »Petit Rétokosien ». Nouvelle arrivée dans le port de Brest, la bonne humeur est de rigueur mais le dèclenchement par accident d'un canon de gros calibre d'un des anciens cuirassiers de la rade perturbe la visite de ce site archéologique. On décide alors de se diriger vers l'ancienne capitale : Paris !
Une visite en règle y est de rigueur et chacun s'efforce de découvrir un des monuments qui fit sa renommée. Mais un incident vient perturber leurs flâneries. En retournant à leur appareil, un des groupes s'aperçoit que l'appareil s'est volatilisé avec Colomette à son bord. Un rapport est aussitôt envoyé a la capitale et l'on ordonne le départ du « jumeau » de L'hyménius : L'hespérios. Mais pour faire le jour à cette mystérieuse disparition, il est utile de faire un petit voyage dans le temps et régler notre machine sur 1950.
En effet à cette époque, un navire de guerre commandé par Lucien Théoul ; parvint à échapper à l'extermination. Après un tour du monde à la recherche de survivants, ils ne découvrent qu'une petite communauté de Lapons. Dans ces terres hostiles, l'équipage du vaisseau va installer une colonie afin de commencer leur « éducation ». Après deux années de vie commune, ils décidèrent de sélectionner 200 représentants des deux sexes afin de retourner dans leur mère patrie :
« Ainsi nous nous chargerons mes amis et moi d'en faire des hommes qui seront les maîtres de la France, et leur descendants, à leur tour, seront les maîtres de toute l'Europe d'abord et du monde entier ».
De son mariage Théoul eut deux enfants, Georges et Lull. A la mort de Lucien, son fils poursuivit l'œuvre paternelle. En 1987 cette nouvelle communauté comptait prés de 500 membres. En l'an 2125, le chef de cette population Parisienne renaissante, n'est autre que Jean Théoul,quatrième descendant de Lucien et quel ne fut pas l'étonnement de son fils Paul, de voir débarquer un beau matin le magnifique « Avitéromer » des savants de Rétokos. Après une réunion d'un conseil provisoire (pratique également courante dans cette communauté) Paul propose de se rendre, en compagnie de son frère Marc, au devant de ces mystérieux occupants. Sur place ils ne rencontrent que la belle Colomette qui sera capturée et l'un des frères, par mégarde ou stupidité, actionne la mise en route de l'appareil. Pilotage automatique oblige, les occupants se trouent propulsés à quelques kilomètres de Paris.Lorsque le reste de l'équipage, continuant son exploration de la capitale, sera capturé, le dialogue sera fort heureusement possible grâce à l'intervention d'un des « Parisiens » qui parle le Latin. Un dialogue s'installe et après six longues heures d'un pénible entretien, la vérité se fait dans les deux camps.
De son coté, le naufragé involontaire, reprend le contrôle de sa « prison volante » et survole de nouveau Paris pour terminer sa course en s'écrasant de façon lamentable sur l'obélisque. Tout espoir de retour pour les Rétokosiens est ainsi réduit à néant. Sur l'île natale, l'Hespéros commandé par Anvol, décolle enfin. Il sera par contre moins chanceux que l'appareil précédent puisque ce dernier explosera sous l'impact d'un violent éclair et ce, juste au dessus de Londres. Ne restera plus alors qu'a essayer de réparer l'Hyménius, mais avec un obélisque sur le travers...ce n'est pas gagné d'avance.
Fort heureusement, la solution viendra de la grâce elle-même, puisque Colomette lors d'une visite de la tour Eiffel découvre une T.S.F...en état de fonctionnement. Un message est alors envoyé de toute urgence à la ville mère. De l'autre coté,c'est Callas qui lui répond mais d'une voix empreint de terreur et d'angoisse. Il lui fait en effet une annonce terrible, une gigantesque météorite se dirige sur Vesper. Trop tard pour évacuer, le pire est à craindre. Tout le monde se presse alors sur l'appareil tout juste réparé et décolle en direction de toutes ses vies en péril. Mais une fois sur place, ils doivent se rendre à l'évidence : La capitale à été complètement engloutie.
De retour sur Paris, le sort semble s'acharner une fois de plus sur les malheureux car une hélice explose en plein vol, l'Hyménios tombe sur un récif, la quasi-totalité de l'équipage va y passer. Ne resteront comme survivant que Colomette et son mari. L'ouvrage se termine ainsi de la manière la plus abrupte :
« Que se passera-t-il en 2129 ? »
Pour un péril jaune de plus!
Voilà une fin qui nous laisse sur la notre et un appel est lancé aux érudits du genre : Existe-t-il un « En l'an 2129 » ? Quoiqu'il en soit sacré nom d'une pipe en bois, le peuple Asiatique à vraiment une dent contre nous : Gastine (« La ruée des jaunes » Baudiniére 1934), Robida (« La guerre infernale » Méricant 1905),O.de Traynel (« Elisabeth Faldras » Ollendorff 1909), Parabelum (« Banzai » Nillson 1908), Norton (« Les flottes évanouies » Pierre Lafitte 1911)Eugène Jonchére (« Clovis Bourbon » Lacroix,Verboeckhoven & Cie 1868) sans oublier le « Pape » de la Xénophobie le capitaine Danrit (« L'invasion jaune » Flammarion 1926). Mais il faudrait y consacrer un billet entier tant le sujet est vaste et les références nombreuses. Comme quoi le fameux « péril jaune » ne date pas d'hier.
Par contre et contrairement à une majeure partie de la production de l'époque, dans le roman de Le Jeune ils sont finalement parvenus à leurs fins et par la même occasion de la leur, puisque le résultat final est une éradication presque totale de la gente humaine. Hélas, si le ton de ce roman « apocalyptique » se voulait des plus dramatique, le coté insupportablement naïf des Vespériens et de leur manque de technologie, placent ce roman au raz des pâquerettes : des Jupitériens (c'est plus imagé que Joviens) qui jurent en prononçant les noms de Zeus et de Vénus. L'auteur voudrait-il nous faire croire que Jupiter est une ancienne colonie Grecque ou Romaine ?
Fort heureusement cette lourdeur de style et les incohérences qui parsèment ce roman sont largement compensées par des idées assez délirantes quoique très fantasques et l'humour (involontaire ?) dont fait preuve l'auteur en ce qui concerne les patronymes des protagonistes est assez jubilatoire : « Anvol » le pilote, « Lunax » l'astrologue, « Coupix » le chirurgien....on se croirait sur une grille de départ d'une course de la série « Les fous du volant !
Le Jeune n'est pas en mal de « pirouettes » scénaristiques et arrive toujours à retomber sur ses pieds en nous livrant des théories aussi farfelues les unes que les autres. Dommage car cette thématique d'une colonisation de la terre par des naufragés de la planète Jupiter, tourne vite court par leur manque affligeant de technologie (les nefs volantes semblent être le seul élément des avancées de la science et encore qu'elles semblent souvent être en proie à de nombreuses avaries) et dont la vie ressemble comme deux gouttes d'eau à la vie de n'importe qu'elle communauté Européenne de ce début de 20éme siècle. L'histoire se termine dans un Paris détruit en 1950 mais dont l'auteur nous livre une description d'une capitale début de siècle. Le Jeune n'était certes pas à cour de bonnes idées, mais n'était en aucune manière un visionnaire et encore moins un véritable « anticipateur ».Il semblerait d'ailleurs qu'une bonne partie des écrivains de cette époque projetaient les espoirs d'une science toute puissante en se focalisant sur le « plus lourd que l'air » et que la concrétisation de l'avancée technologique se résumait à la fabrication d'un appareil volant « révolutionnaire » au multiples caractéristiques (roulant, flottant et submersible).Pour preuve où une fois de plus dans ce « En l'an 2125 » l'engin volant où « Aviteramer » symbolise la substantifique moelle d'une technologie « extra-terrestre ».
Faisons cependant une nouvelle fois preuve d'une certaine indulgence puisque certaines idées, hélas fort mal développées, restent intéressantes et représentent une sorte de « condensé » de la production de l'époque : Fin du monde, Péril jaune, Habitants d'une autre planète s'établissant sur la terre, Récit des derniers survivants, roman gravitant autour d'une invention extraordinaire (ici en l'occurrence « l'Avitéromer). Sûrement s'agissait-il de la part de notre auteur d'une petite fantaisie écrite par un romancier peu habitué à ce genre d'exercice et dont l'imagination ne pouvait se libérer une fois de plus du « carcan » de son époque. Il reste cependant un bel exemple et une pièce supplémentaire à verser sur le compte de ce travail d'archéologue du merveilleux scientifique ( bien qu'ici le terme de scientifique soit un peu usurpé), un apport supplémentaire à verser dans la thématique « Des ruines de Paris » et surtout un témoignage supplémentaire dédié à tous les passionnés du genre, fidèles ou non à ce modeste blog.
Pour ceux que cela intéresse le livre est disponibles sur « Priceminister » ( on dirait un nom Vespérien!).Trois prix différents vous sont proposés...je vous laisse choisir ! Comme quoi dans ce domaine, on ne recule devant rien.
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