« Le faiseur d'hommes et sa formule » de Jules Hoche Libraire Félix Juven.1905
Abandonnés malencontreusement sur une île du détroit de la Sonde, un couple se retrouve plongé dans une bien curieuse aventure. Celle-ci est en effet occupée par de bien singuliers habitants dont les caractéristiques ne peuvent semble t-il provenir que de la « main » de l'homme. D'un coté des êtres repoussants, sorte d'hybridation entre le poulpe et l'être humain, les « immondes » et de l'autre des formes humanoïdes à l'apparence parfaite, si ce n'était la similitude de leurs traits, une espèce qui semble être dépourvue de sexe, les « purs ». Ils seront rapidement escorté par ces dernières vers le maître des lieux, Brillat-Dessaigne une brillant chimiste qui s'est retiré, tel le Dr Moreau, sur cet île afin d'y poursuivre de biens mystérieuses expériences.
Son but est de réaliser rien de moins que la vie artificielle à partir du « Bathybius » , sorte de gelée organique vivant dans les océans. Au cour d'un « incident de parcours » le produit de son expérience impie, fut soumis accidentellement aux effets de la foudre. Les œufs réalisés lors de cette manipulation, se mirent alors à germer : Une vie artificielle venait ainsi de naître !
Mais cette erreur de la nature ne sera pas sans conséquence car si certains des œufs donnèrent vie à des formes humaines « conventionnelles », d'autres par contre eurent moins de chance, probablement en raison d'un matériel de base « avarié » et produisirent les «aberrations » de la nature rencontrées par nos deux héros lors de la visite de l'île. Et comme tout à un prix, il leur faudra profiter pleinement de leur paradis terrestre car la durée de vie de ces pauvres malheureux est relativement brève, atteints d'un curieux phénomène relatif à leur état « artificiel » : ils vieillissent de façon prématurée.
En « père » peu soucieux du développement de ses enfants, le savant se désintéressa complètement des immondes, les livrant à eux même dans une nature hostile, tout en gardant un œil curieux sur les « purs » dont l'absence de sexe et leur isolement du monde extérieur semble les priver de tous les défauts et les déviances de la nature humaine. Isolés ainsi du reste du monde, Brillat-Desaigne fait ainsi office d'une sorte de Dieu qui régnerait sur de biens étranges enfants.
Les « Purs » ne comprennent pas la raison d'une telle punition divine et l'arrivée de ce couple est l'occasion pour eux de constater qu'à « l'extérieur » les choses sont différentes, que des êtres peuvent s'aimer, avoir des enfants. Leur trouble est d'autant plus profond qu'ils ont dérobé un livre appartenant aux naufragés, un des leurs sachant lire. Ils découvrent ainsi au travers l'histoire d'amour de « Graziella » toute la noblesse des sentiments et la beauté et la joie que peuvent procurer un être aimé. Faisant part de la chose à leur « Dieu » créateur, ils découvrent bien vite toute l'horreur de leur condition. Le chimiste ne peut leur procurer de sexe ni prolonger leur durée de vie par la même occasion. Ces pouvoirs révèlent alors une terrible faille, il n'est pas l'homme d'essence divine qu'ils pensaient qu'il était.
Une révolte éclate, Brillat-Desaigne doit agir vite et bien au risque de se faire submerger ,opère un véritable génocide dont le but sera l'annihilation chimique pure et simple de cette infortunée communauté.
Maurice qui depuis le début de l'aventure sera resté en retrait, préférant garder une certaine neutralité dans un conflit qui ne le concerne pas, survivra à l'explosion finale d'une importante réserve de munitions. Yvonne son épouse échappera de justesse au carnage, sauvée par le dernier « Pur » encore vivant qui va sacrifier sa vie plutôt que de voir périr une innocente victime.
Comme quoi les nobles sentiments ne sont pas exclus de toutes formes de vie sur la terre.
A la vie, à la mort...
Créer la vie fut de tout temps une des préoccupations principales du savant et dans l'atmosphère électrique et méphitique de son laboratoire il se livra à diverses méthodes afin de rivaliser avec son concurrent de toujours : Dieu.
Qu'il tente de coller certains morceaux dans une parodie d'humanité dont le « Frankenstein » de Mary Shelley est l'exemple le plus significatif, de modifier l'homme avec des pièces mécanique en « charcutant » ses chairs encore palpitantes et frémissantes, qui trouve en Caresco de André Couvreur un maître incontesté (« Caresco surhomme ou le voyage en Eucrasie » de André Couvreur) ou de l'améliorer à des fins personnelles ou scientifiques, le savant œuvre sans relâche pour le soi-disant bienfait de l'humanité. Mais je ne voudrais pas refaire ici le tour d'horizon de ces brillantes cervelles, puisque que je leur avais accordé toute mon attention à l'occasion de l'article sur « Tornada et les savants fous ».
Dans le roman de Jules Hoche, contrairement à la grande majorité de l'époque, nous avons affaire à un scientifique qui va créer la vie en partant quasiment de la forme cellulaire. Véritable cultivateur de formes vivantes, il utilise alors la matière primale sise dans ce qui fut notre « bouillon » originel pour en extraire le ferment essentiel qui donnera par la suite, après de complexes et alambiquées manipulations, un être vivant.
La structure narrative n'est pas sans nous rappeler celle du roman de H.G. Wells « L'île du Dr Moreau » où le naufragé découvre sur cette terre providentielle, un génial chercheur qui n'en est pas moins dangereux, en voulant conférer une certaine humanité à des bêtes sauvages. D'ailleurs tout comme le roman de l'écrivain Britannique, les créatures de Brillat-Dessaigne vont se révolter en se retournant contre leur créateur, le tuant sans forme de procès.
Ce désir de concevoir artificiellement la vie fut relativement peu utilisée dans notre domaine, pourtant les auteurs qui s'y adonnèrent eurent le mérite de nous proposer des romans assez originaux et innovants pour l'époque.
Déjà en 1888 Louis Boussenard dont l'ensemble de l'œuvre ne nous avait pas préparé à cela, innove la thématique avec son curieux » « Les secrets de Monsieur Synthése » ( Dans la revue « Le science illustrée » du N° 15 au N° 63,1888/89. En volume Marpon & Flammmmarion vers 1888 ). Le personnage en soumettant des amibes à des stimulations physico-chimiques va obtenir, en « violant » la chaîne de l'évolution un être humain. Le doute va toutefois subsister, ne sacahnt pas si son expérience à aboutie ou non.
Michel Corday, avec son « Mystérieux Djann-Phinn » (Dans la revue « Je sais tout » Avril/Mai 1908), nous présente également une sorte de surhomme créé de toute pièce par le génie du Docteur Bro. Ses origines seront incertaines et un mystère plane sur cette énigmatique créature. Couvreur reprendra du service d'ailleurs avec le Professeur Tornada qui dans son roman « Le valseur phosphorescent » nous présente un homme magnifique mais bête comme ses pieds : Il est né dans un aquarium d'eau salée à partir d'organismes élémentaires. Ceci expliquant cela.
En 1912, Gustave Guesviller dans son roman « Le cou blanc » (Editions Méricant « Les récits mystérieux ») va également se servir de l'élément marin pour créer un simulacre de vie avec de bien cruelles et abominables créatures marines tentaculaires, sorte de fleurs dont le centre serait serti d'un œil unique, accompagnées d'une non moins redoutables bouche avide de sang frais. Ce roman hélas fort rare, est d'une lecture agréable et reste une des grandes réussites de cette mythique collection. Toujours chez le même éditeur, Jean de Quirielle nous propose quand à lui « L'œuf de verre » (vers 1912) curieux roman où le professeur Pancrace va créer de son coté de nouveaux organismes qui vont se développer dans des œufs. Son premier « spécimen » Lazare, ne pourra survivre en apprenant ses origines et se suicide pendant que son « père » sombre dans une démence totale : Il ne fait pas bon de vouloir rivaliser avec Dieu.
Moins connu également le roman de Somerset Maugham « Le magicien » (Les éditions de France,1938, mais rédigé en 1908) cette fois, Olivier Haddo, un jeune et prometteur savant, va constituer à l'aide d'anciens traités d'alchimie, un gigantesque vivier grouillant d'homoncules se nourrissant de sang frais. Sorte de cuve vivante parcourue d'un véritable réseau veineux et agitée d'un faible mouvement rythmique, elle abrite toutefois un semblant d'humanité avec d'effroyables créatures constituées de plusieurs bras si ce n'est de plusieurs jambes. Un d'entre elles, un hydrocéphales aux mains gigantesque mais au corps rabougri va se précipiter sur le héros de cette singulière aventures qui, fort effrayé par une telle abomination va avant de s'enfuir, mettre le feu à cette antre de la terreur. Une vision cauchemardesque, un final des plus horrible qui mérite à être découvert.
En 1920 Jean De Quirielle, encore lui, fait intervenir un mage Indou dans « Les voleurs de cerveaux » ( Dan la revue « Lecture pour tous » de Avril à Juin 1920). La science étant parfois impuissante à solutionner tous les problèmes, ce dernier va utiliser toute la force spirituelle de cette antique religion, couplée à l'énergie de trois puissants cerveaux, pour faire « germer » dans une eau nourricière, une variété de plante dont les animalcules en se réunissant, vont former une énorme pieuvre aux bras multiples. Refusant de reconnaître un père au regard si perçant, la bestiole va préférer dévorer son géniteur. Vraiment pas de reconnaissance les bestiaux !
Notre cher Maurice Renard n'est également pas en reste puisqu'il va rédiger en collaboration avec Albert Jean « Le singe » (Editions Crès 1925). Une nouvelle forme de vie va naître ainsi de cet autre laboratoire. Lui aussi, constitué à partir d'un procédé « Physico-chimique » le savant Richard Cirugue va reproduire des matières inertes puis des éléments organiques. Ne pouvant arriver à finaliser sa « créature », c'est son frère qui va alors s'en charger en se dupliquant lui même. Mais dans une suprême étreinte, créature et créateur vont finalement disparaître, victimes du feu salvateur allumé par son propre fils.
Pour terminer ce petit tour d'horizon qui est loin de se clore, ajoutons le génial Octave Béliard dont l'œuvre la plus connue « Les petits hommes dans la pinède » ( La nouvelle société d'édition, 1929 ), nous propose également la création toute artificielle de petites créatures humanoïdes, qui d'état embryonnaire au départ vont constituer cette civilisation en miniature. De par leur petitesse ils vivent en accéléré et arrivent au faîte de leur évolution en très peu de temps (une thématique qui me rappelle le roman de Ch.Priest « Le monde inverti »). Le créateur vieillissant désire passer le flambeau à son fils mais cet univers en réduction ne l'entend pas de cette oreille et tout ce merveilleux projet va finir également dans les flammes de l'enfer lors d'un gigantesque incendie de cette pinède qui les a vu naître.
Un bilan par le fait assez riche et passionnant en regard des nombreuses tentatives réalisées mais restent tout de même assez symptomatique d'une époque où la science était encore contemplée au travers d'un miroir déformant. Il ne peut y avoir une telle défiance aux instances suprêmes sans un châtiment divin en retour. L'homme de science sera ainsi un savant fou dont les idées fantasques ne peuvent être tolérées, dans une société catholique revendiquant l'image d'Eve et de la pomme. La seule rédemption pour la créature abjecte qui osa rivaliser avec Dieu sera la purification par le feu, symbole de destruction des temps ancien qui voyait périr sur le bûcher tout homme ayant ainsi montré certaines accointances avec le malin ou oser remettre en question les préceptes inaltérables de la foi.
« Le faiseur d'homme et sa formule » reste un excellent roman, qui hélas comme tout bon roman de l'époque qui se respecte, reste difficile à trouver. Il avait été annoncé dans l'éphémère collection de Francis Valéry « Les Hypermondes » aux éditions Oréa, 1988. Hélas le volume ne vit jamais le jour, seule « La Kallocaïne » fut publiée avec un passionnant appareil critique sur « Les utopies et anticipations Scandinaves des origines à 1940 », ce qui n'est déjà pas si mal.
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