Chapitre deux: « La Culture De L’humanité » Une Curieuse Histoire de « Mécanique » Du Sexe
Editions Figuiére 1937. (Bulletin des amateurs d'anticipation ancienne et de fantastique N°13 Février/Mars/Avril 1994. 200 exemplaires)
Voici encore un curieux et assez « drôle » petit roman que nous devons une fois de plus aux bons auspices des éditions Figuiére. Toutefois, s'il est vrai que ce roman relève de notre domaine, sa lecture en sera parfois laborieuse pour qui le thème de la fécondation artificielle est une chose rébarbative et indigeste. Mais certains passages sont tellement incroyables (vous jugerez par vous-même) qu'il sera bon de s'armer d'un peu de courage. Ce texte de plus, ne comporte aucun chapitre,il s'agit presque exclusivement d'un dialogue entre Henri Charville, médecin athlétique et créateur de la fécondation artificielle sélectionnée, face à sa future épouse, Brigitte Christiani.
C'est par la destruction totale de tout Paris que toute l'histoire va commencer. Des milliers d'avions invisibles à moteurs silencieux vont déverser des tonnes de bombes contenant la peste et le cholera. Des missiles supersoniques et des rayons foudroyants vont également semer l'horreur sur la capitale. En représailles, les Etats-Unis d'Europe vont également envoyer une réponse tout aussi radicale et vont raser complètement le pays agresseur. Sur les ruines seront reconstruites les nouvelles cités de demain et dans ces territoires ou tout sera à recommencer, la seule condition pour avoir sa « place au soleil » sera de se soumettre aux lois mises en rigueur et concernant la fécondation artificielle sélectionnée.
Charville est un personnage important dans cette société idéale et en véritable despote du spermatozoïde, ce dernier impose sa doctrine : les villes regorgent de jeunes chômeurs, forts et en bonne santé et il leur impose de fournir de façon hebdomadaire et obligatoire, 40 grammes de sperme. Si le lubrique savant s'aperçoit d'une diminution de la qualité du précieux liquide séminal, un avertissement. Si la chose se renouvelle c'est la radiation pure et simple des « membres actifs (humour voulu ou non de l'auteur ?) De la société de standardisation de la race humaine ».
La théorie du scientifique repose sur un concept très simple : Chacun de nous peut à son grés, construire le corps de son enfant et modifier son caractère, ses aptitudes et son intelligence par la chimie et l physiologie organique. Cette « culture de l'humanité » se détermine par deux facteurs fondamentaux à savoir :
- Le donneur possède un liquide de qualité irréprochable suite à un conditionnement naturel dés la naissance et ce, sur le plan mental, physique, intellectuel et alimentaire. Si ce n'est pas le cas pour le mari dont le sperme se révèle trop « mauvais »après une analyse rigoureuse, le pauvre homme devra être « conditionné » pendant une période plus ou moins longue.
- Utilisation les spermatozoïdes d'un des athlètes de la cité, en l'introduisant une fois prélevé de manière artificielle, chez la receveuse (conditionnée elle aussi) au moyen d'un pénis mécanique. C'est alors que vient poindre de manière très sérieuse, la description de la méthode artificielle de fécondation.
Au départ nous avons un mannequin reproduisant à la perfection le corps du mari. La matière le composant, a la douceur de la peau ainsi que sa chaleur. La figure modelée sur demande est celle de l'intéressé. La femme quand à elle pressant sur un ressort provoque des mouvements cadencés progressifs du pénis factice, et d'une rigidité suffisante. L'évacuation de la liqueur spermatique propulsée au bon moment dans le vagin,créé l'impression du réel,satisfaisant les désirs sexuels par une puissance particulière qui peut aller jusqu'à l'extrême, tout comme si elle avait été allumée par le feu de l'amour le plus intense. Une fois terminée, la femme arrête les mouvements du pénis en appuyant de nouveau sur le ressort. Aussitôt le membre factice se ramollit.
Vache de « poupée gonflable »....à la lecture de cette prouesse technique, il y a de quoi prendre peur ! Drôle de méthode scientifique, où l'homme de science serait un peu semblable au cultivateur, vigilant et averti, qui n'emploie pour « semer » que le grain « le plus lourd et le plus mûr ». Le pire dans l'histoire, c'est que tout cela est dit avec le plus grand sérieux ! Lorsque l'on évoque le terme de « culture » ici, on pourrait très bien utiliser celui d'élevage sauf que dans cette circonstance nous avons affaire à des êtres humains.
Le but de sa pratique, sera d'arriver à la stérilisation pure et simple de tous les porteurs de tares afin d'obtenir les plus purs produits de la race humaine. Ces cruelles divagations se feront réalités quelques années plus tard dans les camps d'exterminations nazis, où de telles expériences, plus monstrueuses encore, furent réalisées au nom du progrès et d la science. Même si au départ, Charville semble agir pour la noble cause en voulant abolir la dégénérescence physique et morale, au final le résultat ne sera que le produit d'un esprit totalitaire et complètement dérangé.
Une société uniformisée, avec des générations de créatures certes « supérieures » mais standardisées, au physique irréprochable. Un monde composé d'hommes de génie, à l'imagination puissante qui surgiront et amèneront le règne de la fraternité des peuples, supprimant ainsi toutes les frontières. Mais est- ce vraiment ce à quoi nous aspirons ? Les fondements de notre civilisation s'écroulent, la fécondation artificielle sélectionnée, prendra le pas sur toute autre forme de reproduction, abolissant ainsi à jamais la notion de sentiments. C'est au rythme de milliers de pénis montés sur pistons que l'humanité sera cultivée, pour la plus grande satisfaction de tous, mais surtout de toutes car dans la majorité des cas pour les maris, c'est l'abstinence qui est de mise.
La machine est l'avenir de l'homme.
Dans ce roman préfacé par le Docteur Edouard Joltrain, celui-ci nous brosse le tableau d'un monde où toute trace de décrépitude humaine, de haine et de médiocrité, sera abolie. En outre nous avons droit et ce pas forcément à bon escient, à une référence à Jules Verne.
Dans cet univers trop parfait dont Charville se veut le créateur, une fois de plus la science parviendra à surmonter bien des difficultés, au détriment finalement du bonheur des hommes. De son idéalisme un peu trop totalitaire, il ne laisse pas la moindre place au libre arbitre ni au hasard. En effet dans ce texte rien ne laisse supposer que certains individus pourraient être choqués par de telles méthodes et de ce fait avoir la possibilité de faire un choix. Il n'en est rien et par conséquent l'œuvre bascule rapidement dans une anti-utopie des plus radicale où un illuminé dicte sa loi que la majorité approuve en étant persuadé que c'est pour le bonheur de l'humanité.
Au sein de cette société qui repose entièrement sur la perfection, il ne restera pas d'autres solutions aux femmes que de recevoir les bonnes grâces d'un pénis mécanique. Si la notion de plaisir reste intacte, le procédé du coup élimine celle des sentiments et de l'amour. Sûrement que pour l'auteur, ne s'agit-il que de concepts trop humains, trop encombrants qui avilissent l'homme et qui n'apportent absolument rien à la « pureté » de la race. Même si au début, certains maris peuvent féconder naturellement une femme, qu'en sera-t-il par la suite ?
Au travers de ce délire « érotico mécanique » l'auteur apporte une solution qui semble intéressante, dont tout le monde parait se satisfaire, mais que se cache-t-il vraiment derrières tout cela ? Probablement la robotique au service du sexe, ou plutôt de la reproduction. Le plus dramatique dans l'histoire c'est que l'auteur semble y croire et même s'il nous livre à la fin de son roman un message de paix, pompeux à souhait, il fallait une bonne dose de naïveté aux lecteurs de l'époque pour ne pas y voir transpirer une forte odeur d'extrémisme : supprimons ou stérilisons les indésirables !
Sous son aspect bon enfant, le ton qui se dégage de tout cela est assez malsain, de grandes idées où la science me semble –t-il, est bafouée au nom des grandes causes. Fort heureusement que certaines inventions sont (involontairement) loufoques et l'on jubile parfois face aux énormités que nous livre l'auteur, comme cette machine à prélever le sperme de « façon astucieuse » et sans aucun contact physique....
Décidemment, la seule masturbation rencontrée dans cet ouvrage sera purement intellectuelle. Ce texte est à rajouter à la petite liste de la thématique abordée dans l'article précédent et qui, malgré la gravité de son sujet (j'entends par là une radicalisation du contrôle des naissances) constitue une pièce peu commune dans l'anticipation ancienne.
Les deux illustrations proviennent de l'ouvrage de Emile Souvestre « Le monde tel qu'il sera » éditions W.Coquebert.1846
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