« Mon Voisin Le Prophéte » Maternité et Dérives De La Science
Conte philosophique de René Fermont. Editions Edgar Malfére « Bibliothèque du Hérisson ». 1932.157 pages. (Bulletin des amateurs d'anticipation ancienne et de fantastique n°11 Novembre 1992, tirage 140 exemplaires)
Le narrateur de ce « conte » habite à coté d'un singulier voisin. Agénor Micodac, un nom singulier pour une aventure tout aussi étrange que l'auteur va retranscrire fébrilement, caché dans une maison en ruine. Il s'agit de la retranscription d'un songe cauchemardesque et cette tache est une mission de la plus haute importance car ce témoignage fera également office d'avertissement aux générations futures. Refusant toutes notions de progrès, l'auteur rédigera les lignes de cette forme de « testament » à la lueur chiche d'une bougie. Il va ainsi noircir des pages et des pages d'une écriture rendue pratiquement illisible par la fébrilité d'une main dictée par un esprit en plein délire.
Ce songe commence par une vaste assemblée de savants venants des quatre coins du globe. Agénor y assiste par l'intermédiaire d'un vaste écran mural, dans un endroit qu'il ne peut identifier. Cette docte communauté s'interroge : Le monde dans lequel nous évoluons n'est-il pas trop étriqué ? En glué dans de mesquines ambitions, rongé par des passions inutiles, n'est-il pas grand temps de nous épanouir et de nous libérer de si futiles contraintes ? C'est ainsi qu'une folle idée va germer. Pourquoi ne pas créer le surhomme de demain en éradiquant le sous homme d'aujourd'hui ? Ma fois, l'idée semble excellente et après un rapide « tour de table », c'est un savant Russe (pas celui de Graffigny....) qui semble trouver la meilleure des solutions. Il suffit de mettre au point un rayon capable de supprimer toutes les passions humaines et principalement le désir. Plus de désir, plus de reproduction et seules quelques « élues » auront le privilège de voir leurs ventres s'arrondir. Mais attention, une maternité entièrement sous contrôle, car cette fécondité « scientifiquement conçue » permettra d'élaborer le fleuron des générations futures : Le Macrobe !
Mais de tels procédés indignent l'opinion publique, l'humanité s'indigne et l'on organise alors une immense armada dans le but de détruire ce repère de savants fous, d'illuminés aux idées insensées. C'était sans compter sur les ressources technologiques de ces vieillards dérangés et loin de détruire leur antre infernal, le corps expéditionnaire sombre dans un profond sommeil. Trois après ils se réveilleront en constatant l'ampleur des dégâts. Canons, tanks ne sont plus qu'un amas de ferraille tordue. Face à cette formidable puissance, les pays s'interrogent, l'heure est à la négociation. En échange d'une soumission totale de la part des différentes « puissances », les savants promettent aux chefs d'états une ère de bonheur et de prospérité. Toutefois, une condition est de mise à savoir accepter le contrôle des naissances. Le marché est sans équivoque et la terre entière, face à de nouvelles preuves de la supériorité de ce « nouvel état scientifique », est contrainte de s'incliner. Les mères porteuses sont ainsi soumises à la terrible expérience et arrive le jour tant attendu de la délivrance.
Aussitôt mis au monde, un étrange véhicule aérien se pose devant les maisons, faisant sortir une étrange créature robotisée. Malgré les supplications des jeunes mères, ces « robots » emportent les nourrissons vers une destination inconnue. Il ne sera possible de les revoir que dans sept longues années. L'humanité dans cette nouvelle opulence tant désirée regarde avec des yeux de condamnés le temps qui défile et que la rapproche de plus en plus vers ce qui semble être son échéance fatale. Les sept fatidiques années arrivent à leur terme, la rencontre tant attendue est organisée et c'est devant les yeux ébahis de toutes ces mères qu'arrive dans une immense vallée une légion d'enfants dans une formation impeccable. Des larmes plein les yeux, elles découvrent des êtres blonds, de tailles et de morphologies similaires : Tous identiques jusqu'au bout des ongles ! Une nouvelle race vient de naître, télépathes, surdoués, dépourvus de sentiments et de la moindre parcelle d'humanité, juste un numéro leur sert d'identification. Peu à peu, le monde va ainsi vieillir dans la crainte de cette nouvelle race.
Les villes se dépeuplent, les campagnes se vident et le dernier homme de l'ancienne race va finir ses jours dans une affreuse solitude, à moitié fou, parcourant le décor apocalyptique d'un monde désert. Les savants quand à eux on finalement succombés à leur tour, avec l'impression du devoir accompli. Mais que reste t-il de leur folle ambition ? Arrive le temps de la destruction et de la reconstruction. Les Macrobes, seuls survivants d'un monde ayant effacé toute trace de son passé, neutralisent systématiquement les vestiges d'une humanité trop faible, trop archaïque. Leur folle ambition va pouvoir se réaliser en forgeant un monde nouveau, à leur image et selon leurs propres critères.
Pourtant, un de ces créatures supérieures va prendre conscience de l'absurdité de leur projet. Exclu de sa communauté pour d'obscures raisons il va ainsi parcourir seul, les décombres de la dernière capitale encore intacte. Nous allons ainsi assister à sa lente métamorphose dans un univers hostile, à s'adapter dans monde qu'il ne connaît pas et dont personne ne l'avait informé. Il va réapprendre les coutumes de ses ancêtres, partager grâce aux livres, au cinéma, à la musique toutes les émotions qui firent l'essence meme de cette race que l'on avait toujours considérée comme inférieure. Comprenant l'erreur de ses pères, il tentera meme de convertir une Macrobe afin de refonder à l'image de Adam et Eve une humanité nouvelle. Il y a encore un peu d'humanité en elle, et malgré son exposition au fameux rayon, se laissera convaincre et meme charmer par cette personne aux arguments si convaincants. Héla, la police veille et notre renégat, baptisé dans le rêve d'Agénor « Anthrope », sera froidement abattu devant les yeux horrifiés de sa première et ultime conquête.
Les Macrobes, prenant cela comme un avertissement et un signe du fléchissement de leur supériorité, s'embarqueront dans de gigantesques vaisseaux spatiaux afin de conquérir de nouveaux mondes. Ici se termine le songe d'Agénor Micodac, convaincu que son cauchemar n'est qu'un avertissement au destin de l'humanité. Il voit en effet dans la succession de ses rêves les prémices de métamorphose d'une l'humanité trop confiante en ses savants et aux chatoiements du progrès u'ils font miroiter devant les yeux émerveillés d'un monde trop naïf :
- « Oui ou non l'humanité est-elle lancée à toute vitesse vers le progrès ?
- Oui - Vous parait-elle bouder aux applications nouvelles de la science qui multiplient sa puissance d'action ou accroissent son confort ?
- Non
- L'esprit humain est-il près de voir trahir sa capacité d'invention ?
- En vérité je ne crois pas...(et je lançai un regard sur le manuscrit).
- Bon !bon ! si donc des inventions sont illimitées, ne risque-t-il pas d'arriver une époque où la perfection de la mécanique sera mise en péril par l'imperfection de son conducteur ?
- Peut-être - Et alors ce jour là, si l'on veut poursuivre le progrès ne faudra-t-il pas avant tout transformer, perfectionner le conducteur ?
- Peut-être - Eh bien ! mon cher Monsieur, quand on en sera là, et vous venez d'avouer qu'on y viendra, ce sera l'heure des Macrobes.
- .....Demain dans mille années, dans vingt siècles, qu'importe au cour des destinées ! »
Nous « modifier » pour une vie meilleure ?
Dans cet habile roman « Fin du monde » l'auteur nous laisse le choix de plusieurs hypothèses : Délire d'un fou, simple cauchemar ou don de voyager dans l'espace temps ?
Nous voilà de nouveau en présence d'une version très pessimiste du monde face au progrès de la science et se révèle une attaque sévère de la technologie et des savants qui en sont les instigateurs. L'auteur, qui ne semble pas posséder d'autres romans conjecturaux dans sa bibliographie, nous livre ici un texte réunissant tous les ingrédients nécessaires pour revendiquer une bonne place sur une étagère de notre bibliothèque : Savants excentriques, inventions merveilleuses, race supérieure (me faisant penser aux gamins de « Les coucous de Midwich » de John Wyndam), fin de monde et voyage dans l'espace avec colonisation.
Mais la thématique assez intéressante qui s'en dégage est incontestablement celle de la maternité placé sous contrôle scientifique afin d'obtenir une race de Surhommes. Il doit s'agir d'un des premiers textes dans ce domaine à mettre en évidence le rôle prépondérant de l'interaction de la science sur une modification effectuée directement sur le fœtus.
En effet dans la majorité des œuvres rencontrées dans ce domaine, la vie sera recréée artificiellement en laboratoire ou d'ailleurs bien souvent science et magie feront bon ménage. La vie sera ainsi « façonnée » au moyen de pièces organiques( Frankenstein) soit par la magie pure (Le Golem) ou de manière plus scientifique en laboratoire (L'œuf de verre).De ce fait, en dehors du besoin farouche de vouloir recréer la vie, le savant dans son désir « d'améliorer » l'espèce humaine fera tout son possible pour obtenir une « mutation », étape ultime et indispensable entre l'homme et le surhomme.
Cette thématique est assez fréquente dans notre littérature et pour arriver à ses fins, il utilisera principalement deux méthodes :
- Agir directement à la source, avant la conception comme dans « La culture de l'humanité » de Conti (dont le résumé va bientôt suivre) ou lors de la grossesse (voir résumé plus haut).
- Soit dés la naissance en conditionnant le nourrisson ou le jeune enfant avec des méthodes assez radicales, lire a ce sujet l'incroyable « Le monde tel qui sera » de Emile Souvestre.
Il semblerait qu'en regard d'un autre thématique que d'autres avant moi qualifièrent de « Homme modifié », les romans appartenant à la catégorie « culture de l'humanité » semblent avoir été plus modeste car peut-être moins spectaculaires ou relevant d'un domaine plus incertain voir même probablement tabou. Il est d'ailleurs dommage de des romans comme « Le mystérieux Dajan-Phinn » de Michel Corday, « Apparition des surhommes » de B.R.Bruss ou « Le sceptre volé aux hommes » de H.J.Proumen, ne nous donne pas plus d'explications sur les origines de ces êtres supérieurs. Sont-ils le produit d'expériences en laboratoire, d'une expérience sur le cerveau humain ? Le doute subsiste.
Si l'homme de science s'efforce à vouloir créer ou « cultiver » l'humanité, ne serait-ce pas pour la rendre meilleure et supérieure ? En tout cas il semble plus prudent de vouloir lui attribuer ce genre de désirs qui ne font qu'honorer sa profession.
Quoiqu'il en soit le pessimisme et la noirceur qui se dégage à chaque fois des romans relevant de cette thématique nous prouve une fois de plus que l'époque n'était pas propice à accorder toute sa confiance aux bienfaits de la science. Remarquez avec la démence dont fait preuve une grande partie de ces cervelles dérangées, il y a de quoi se poser des questions.
La « culture de l'humanité » dans la conjecture ancienne
- « Le monde tel qu'il sera » Par Emile Souvestre. Edité par W.Coquebert.
- « L'amour dans cinq mille ans » de Fernand Kolney. Publié a compte d'auteur.1905
- « L'œuf de verre » de Jean de Quirielle. Edition Méricant « Les récits mystérieux ».1912
- « L'aventure des 13 filles de Mademoiselle D'Oche » de François Poncetton. Editions Crès.1921.
- « Voyage au Pays de la quatrième dimension » de G.de Pawlowsky. Editons Eugène Fasquelle.1923.
- « Les dragées du Professeur Pip » de G.R.Della Ciotta. Editions Saussac-Gamon.1928
- « Le meilleur des mondes » de Aldous Huxley. Librairie Plon « Feux croisés, âmes et terres étrangères » 1933
- « Liquidation du monde » de Constantin. Editions Emile Paul.1937
- « La culture de l'humanité, par la fécondation artificielle sélectionnée » par Eugène Conti. Editions Eugène Figuiére.1937
- « Le magicien » de Somerset Maugham. Les éditions de France.1938.
- « L'ovipare » de Etienne Gril. Les éditions de « Romans et Nouvelles ». 1942.
- « L'île sous cloche » de Xavier De Langlais. Editions « Aux portes du Large ».1946
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