« Selskar Fils De La Bête » de Hector Ghilini: Vous Avez Dit Simiesque ?
Editions Jean Renard « Les romans Français » 1943
En 1916 le Professeur Fédoroff veut créer un être hybride entre l'humain et le grand singe. Pour cela il greffe sur une guenon orang-outan des ovaires féminins qu'il va inséminer artificiellement afin d'obtenir un fœtus. Le donateur de la précieuse semence est un homme rustre et vulgaire, un boucher doté d'une grande force physique. Une fois arrivée à terme, il sera pratiqué sur la femelle une césarienne dans le but d'obtenir, espère t-il une mutation entre les deux espèces.
Le temps passe, Selskar est élevé à l'abri du regard et ne semble pas développer de caractéristiques particulières de l'orang-outang, si ce n'est une grande force physique. Taciturne il ne se lie que très peu d'amitié avec les autres personnes, pourtant il va tomber amoureux d'une charmante jeune fille, Laetitia. C'est à ce moment qu'il va découvrir sa peu glorieuse origine, un jour dans la maison de Fédoroff, il découvre un document compromettant faisant le jour sur sa « simiesque » origine : Il n'est que le produit dune expérience !
Il décide alors de s'enfuir, partir à la recherche de ses parents biologiques, mais déchantera vite lorsqu'il va découvrir l'identité de son père. Quand à sa mère, qui fit jadis don de son ovaire, elle vit en Bretagne avec sa fille. Il lui raconte alors sa tragique histoire. Selskar va finalement obtenir de la part de son créateur, des excuses les plus sincères, le scientifique prétexte sa fougue de l'époque et son besoin impérieux de faire avancer le progrès. Mais finalement son « enfant » n'est pas si mal réussi que cela et l'encourage à vivre sa vie du mieux qu'il peut.
N'arrivant pas à trouver une véritable place dans la société, « coincé » entre deux mondes à qui il n'appartient pas vraiment, il est envahi par un angoissant trouble de l'identité qui ne trouvera de solution que par un retrait du monde, un endroit où son identité n'aura que peu d'importance : La légion étrangère. Grâce à sa force hors norme et son courage à toute épreuve il y accomplit parait-il des actes héroïques merveilleux.
Curieuse tentative que cette hybridation entre l'homme et le singe et un cas assez intéressant de la création de la vie à partir de matériaux différents. Les essais furent assez nombreux dans notre domaine de constituer un être vivant dans les vapeurs méphitiques de quelques laboratoires secrets mais cette tentative à partir d'une mère porteuse orang-outan.
Notre littérature n'est pourtant pas avare de ces cas ou la limite entre l'homme et le singe est si infime que seule la raison pourra venir à bout de ce fragile équilibre et je conseille à nos lecteurs de se plonger avec délectation dans la réédition de la passionnante étude de Régis Messac aux éditions Ex Nihilo « Les romans de l'homme singe ». L'auteur nous fait un inventaire de quelques cas assez extraordinaires de « régression » de l'homme. Pour approfondir vos connaissances dans cette thématique si originale je ne peux que vous conseille également la lecture de certaines œuvres essentielles dans ce domaine. Il faudra dans ce cas partir à la découverte des tribus de singes à l'intelligence supérieure de Léon Gozlan « Les émotions de Polydore Marasquin » (Editions M.Lévy, 1857) de Albert Robida « Voyages très extraordinaires de Saturnin Farandoul.... » (Librairie illustrée M.Dreyfous, 1879) ou ceux de Barillet Lagargousse « La guerre finale » ( Berger-Levrault 1885)découvrir l'homme singe, « Gulluliou », dans le roman de Marcel Roland « Le presqu'homme, roman des temps futurs » (Editions Méricant « Actual-bibliothèque illustrée, 1907), « Gurgurah » l'homme singe dans le roman de Souvestre et Allain « Le Rour » ( Librairie de l'auto,1909), « Balaoo » de Gaston Leroux (Editions Tallandier 1912), « L'homme gorille » dans le roman de H.J.Magog « L'homme qui devient gorille » ( Editions Ollendorff, 1921) les « Yem-Yem » dans le roman de Georges Simenon « Le gorille roi » ( Editions Tallandier « Grandes aventures » N°274, 1929), les singes mutants dans le roman de Pierre Boulle « La planète des singes » (Editions Julliard 1963) certainement les singes évolués les plus célèbres de la planète et pour finir la toute dernière pièce à un dossier qui est loin de se clore, les étranges créature anthropoïdes du merveilleux roman de Fabrice Bourland « Le diable du Crystal palace » (Editions 10/18 collection grands détectives ».
Mais la voix puissante et gutturale de l'homme singe n'est pas prête de se taire, de nombreuses œuvres restent à explorer et découvrir, un sujet une fois de plus passionnant et qui mérite toute notre attention.
Un autre roman est annoncé en début d'ouvrage « La revanche de Selskar » probablement n'a-t-il jamais paru
Extrait:
« Fédoroff passa à l'action.
Une guenon orang-outang, à qui il greffa préalablement des ovaires féminins, fut ensuite artificiellement fécondée et devint ainsi grosse d'un foetus humain (1). Si la grossesse évoluait normalement, c'était peut-être la réussite !...
Fédoroff, pendant cette grossesse, vécut des heures de fièvre et d'impatience qui ne lui laissèrent que peu de repos. La santé de Nora, — c'était le nom de la guenon — l'emportait sur toute autre préoccupation. Il veillait sur elle comme un avare sur un trésor. Parfois même, il se reprocha que ses blessés de l'hôpital des greffes, qu'il dirigeait, et qui étaient si nombreux pendant l'interminable bataille de Verdun le préoccupaient moins que le sort de sa guenon.
Personne ne se doutait qu'une semblable expérimentation était en cours. Personne, sauf Listall. En cas d'échec, il valait mieux laisser tout ignorer Et même en cas de succès, il convenait d'attendre longtemps, plusieurs années sans doute, avant de pouvoir faire état d'un résultat. C'était une entreprise de longue haleine : le travail d'une existence.
Enfin, le jour de la délivrance arriva. L'enfant miraculeux prit possession de la Vie!
Porté neuf mois par une tête, nourri de sang simiesque, et cependant conçu humainement, qu'allait devenir dans son évolution physique et intellectuelle, cet être, ni homme, ni singe, ou les deux à la fois ?
Quels instincts, quels réflexes, quel comportement, allait-il révéler ?
Sa destinée serait-elle tragique ou banale ? Hors série ou sans histoire ? La nature, violentée dans ses lois, produirait-elle un monstre ou un homme ? Un demi-dieu ou un crétin?
Toutes ces questions, — qui posaient chacune un problème — et bien d'autres encore, Fédoroff les passait en revue sans pouvoir y donner de réponse encore.
Penché sur le berceau où dormait le nouveau né, semblable pour l'instant à un fils d'homme, le savant supputait l'avenir, étreint d'une espérance angoissée et rayonnant d'une fierté joyeuse.
Sous ses yeux commençait cette vie provoquée, voulue, réalisée par lui. Il allait grandir et agir celui qu'il avait (inventé en réponse à sa pensée inquiète et qui, marge de toute vie officielle, sans état ci: allait devenir « le Fils de la Bête).
A cette heure où le monde entier s'affrontait dans une lutte gigantesque et sans merci un savant, pour un jour arraché à ses blessés glorieux, contemplait son rêve prodigieux devenu réalité »
(1) Le docteur Serge Voronoff avait effectivement réalisé cette expérimentation, mais la mise à bas ayant eu lieu avant terme, le résultat cherché ne fut pas atteint.
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