« Un étrange médecin, roman gai d’anticipation médicale » De J.M.Gylaud: Un cas « Étrange » D’anticipation Médicale…
Editions I.Ménard. 1957.214 pages ( Bulletin des amateurs d'anticipation ancienne et de littérature fantastique N° 24Juin/ Aout 2000,Article révisé et augmenté)
Beaubrac, paisible village de Province où le temps qui passe n'est qu'un vague concept, va pourtant connaître un événement sans précédent qui va venir rompre la douce torpeur de ses habitants. En effet, le docteur Sainbois vient de trépasser. Ce ne fut pas un brillant praticien, prescrivant toujours les mêmes médicaments et ce quelque soit la maladie, mais un brave homme sans histoire, aimé de tous.Son remplaçant, le Dr Rhuma, fils de la guérisseuse de la région, va lui succéder et l'on peut dire de c'est par lui que « le scandale arrive ».
Brillant et dynamique, il sait utiliser tout l'arsenal de la médecine moderne, pour le plus grand plaisir de sa future clientèle. Mais soigner efficacement tous ses patients reste un objectif secondaire, il veut en faire plus...Non content d'enlever toutes traces du moindre germe,virus et bactéries, le diable d'homme parvient en plus à « ressusciter » les mourants. Louable entreprise mais qui ne sera pas sans conséquences. Pour exemple, la « pauvre Mme Chausson » épouse du respectable Mr Chausson, directeur des nouvelles galeries, qui fut condamnée par toute la faculté, retrouve miraculeusement force et appétit. Au début tout le monde y trouve son compte et ce n'est pas Mme Boulle, la pharmacienne qui va affirmer le contraire.
Le Docteur soigne et soulage certes de façon « divine », mais ses ordonnances fort bien rédigées, restent conventionnelles et permettent des rentrées d'argent conséquentes. Devant une telle popularité, on se propose de voter en sa faveur pour sa nomination à la tête de la mairie : La gloire !
Bien évidemment, un tel succès suscite rumeurs et jalousies. Les familles des mourants se plaignent, car privées du jour au lendemain de l'héritage d'un grand-père ou d'une vieille à l'article de la mort. Ne parlons pas de Mr Défunt, le patron des pompes funèbres, dont l'activité se trouve progressivement réduite à néant. Les jours passent, le ruisseau devient rivière puis torrent, on s'interroge, le doute s'installe : mais qu'el est donc son secret ?
Rhuma en personne s'interroge, car ce « pouvoir » dépasse son entendement, lui un scientifique pur et dur rejetant les « pouvoirs » occultes de s a guérisseuse de mère, abandonné ainsi aux mains de l'irrationnel...Cette dernière brise enfin le silence et lui révèle l'incroyable vérité : Son père était en réalité un puissant fakir aux pouvoirs extraordinaires, un certain Ramahoura, un Hindoustanais héritier de la doctrine secrète la plus pure depuis 18 générations. Bon sang ne saurait mentir ! A l'annonce de cette nouvelle, point de : « Seigneur on m'aurait menti ! » mais tout simplement l'acceptation à assumer un destin somme toute assez peu banal. Pour un homme fier de ses connaissances et de son pur esprit cartésien, voilà un don qui risque d'ébranler quelque peu sa future carrière. Surtout en utilisant finalement un pouvoir qu'il ne peut absolument pas maîtriser.
La nouvelle quant à elle, se répand comme une traînée de poudre et une plainte bien torchée, vient atterrir sur le bureau bien lustré à l'encaustique, de l'ordre des médecins. Des « collègues » un rien jaloux, voyant leurs salles de consultations se vider petit à petit, ne purent supporter plus avant une telle insulte à la science et à sa logique et crurent de leur devoir d'en informer les autorités compétentes. Toutefois, le cas est assez délicat,ce « confrère » est en possession de diplômes réguliers, et d'une licence parfaitement légale.
Mais son comportement professionnel sort de l'ordinaire car il ressuscite ou presque des moribonds justement condamnés par ses propres juges. En l'occurrence la président du conseil, le plus éminent consultant de la célèbre faculté méridionale, dont nous tairons le nom en égard pour ses descendants. S'il représente un danger, c'est indirectement par le préjudice matériel et pécuniaire porté à ses confrères. Le débat est houleux, deux clans se forment, personne n'arrive vraiment à trancher. La solution est finalement proposée par « le faiseur de miracles » et rédigée à l'attention de monsieur le ministre de la santé publique :
« Je vous offre de rentrer dans une clinique où je serais saigné à blanc. Il m'y sera fait, en remplacement une transfusion avec le sang de 14 médecins dont les résultats et la pratique courante sont conforme à l'usage : c'est-à-dire qui, normalement, confirmant leur impuissance contre la maladie vraiment sérieuse et la mort. Chaque confrère cédera 500 grammes de son sang équilibré. Les 4 litres ainsi obtenus me transformeront, certainement en un médecin conforme aux normes établies par les usages professionnels et internationaux » (page.132)
Une sacrée théorie sur le papier...L'annonce est ensuite faite publiquement sur la place du village, après un fracassant roulement de tambour. La ville est sous le choc et se divise également en deux factions. Hélas, le jour de l'intervention, un stupide accident de moto, perturbe les suites du programme. Rhuma est vivant, mais paralysé, quadriplégique ! Ses jours sont hors de dangers toutefois il est hors de question de pratiquer cet échange standard de sang. Cloué sur un fauteuil roulant, il regagne sa maison et malgré son « handicap », ses vertus miraculeuses sont plus efficaces que jamais puisqu'il parvient encore à sauver des vies.
Mais le clan des adversaires est plus vindicatif que jamais, la hargne populaire ne se calme pas et réclame pas moins qu'un « exorcisme ». On espère ainsi, lors d'une cérémonie « officielle », extraire du malheureux mortel, l'essence diabolique qui coule dans ses veines et qui ose souiller tous ses pauvres mortels. Fort heureusement pour toute cette légion d'agonisants, l'eau bénite et les prières n'ont aucun effet face à ce don du ciel. Au final, conscient des conflits que son pouvoir est en train de générer, rhuma opte pour l'exil volontaire, dans un endroit ignoré de tous, pour une vie de reclus en possession d'un potentiel extraordinaire dont la stupidité humaine ne pouvait s'accommoder.
Vous avez dit bizarre ?
Un roman pas tout a fait sf, malgré le titre alléchant de couverture. En effet, posons le postulat suivant : Le pouvoir de guérison peut-il être solvable au genre « anticipation ». En regard d'une bonne majorité de textes « d'anticipation médicale » je serai tenté de dire oui. Il suffit déjà de consulter les quatre volumes analysés dans le N° 6 de la revue « Le petit détective » grâce aux bons soins de notre ami Joseph pour s'en convaincre.
La totalité des textes présentés font état de médecins capables de guérir une ou plusieurs maladies. Seules les méthodes vont changer, car dans le texte de Gylaud, nous sommes plus proche du « merveilleux » car le héros de l'histoire est investi d'un véritable don. Il n'a recourt à aucun appareil ni à aucune potion miracle, tout est « en lui ». Majoritairement et à l'opposé du « savant fou », le médecin est un homme de science qui ne va, non pas utiliser son savoir pour le malheur des hommes, mais au contraire pour le servir et lui apporter aide et réconfort : serment d'Hippocrate oblige !
Probablement aurons nous quelques « esprits dérangés » qui feront la réputation des pièces du grand guignol et de quelques romans bien délirants, mais encore faudrait-il poser les limites du genre entre le « savant fou » et le « médecin dérangé ». Peut-être la question ne se pose-t-elle pas puisque les deux appartiennent à la catégorie des hommes de science et que donc par définition on peu les cataloguer dans la rubrique des « savants ».Les limites sont à mon avis un peu floues et l'on peut ainsi discerner, histoire de chercher la petite bête un «sous genre dans le genre ».
Je pense personnellement que cette catégorie « d'anticipation médicale » ne concerne que les textes posant l'hypothèse de la médecine comme une science pouvant apporter, et ce quelque soit le moyen utilisé, une amélioration aux problèmes liés à la maladie (remèdes contre différentes maladies incurables, immunité face à certains virus, germes, maladies infectieuses) la vieillesse (immortalité, rajeunissement des tissus, remplacement d'organes défectueux, etc....), les greffes, sérum de vitalité ou de rajeunissement, etc.....
Malheureusement, bien trop souvent ces illustres lumières du corps médical, détournèrent quelque peu leurs intentions premières au profit de recherches douteuses n'ayant qu'un seul but, assouvir leur égaux et leur soif de puissance. Cette thématique donna d'ailleurs le champ ouvert à quelques textes mémorables qui firent entre autre la réputation de certaines collections (« Méricant » « Tallandier » « Fayard »...) et qui contribuèrent à faire perdurer la sinistre réputation de ces « sculpteurs de chair humaine ».
Reste qu'un des aspects le plus intéressant dans l'ouvrage qui nous concerne, est sans nul doute sa galerie de personnages. Rhuma, nous est présenté comme un homme de science, pur et dur, qui se retrouve confronté à un élément surnaturel que des années d'études n'avaient pas préparé à affronter. Le cadre de l'histoire ne manque pas de piquant et dans le roman, tout le monde en prend pour son grade. En première ligne, les médecins et les religieux : que se passerait-il vraiment si un tel homme existait ? Faudrait-il remette en cause la science et ses limites, la religion et son autorité ?
Vaste débat, dont l'histoire pose déjà le problème épineux d'un « surhomme » lâché dans notre société, très cartésienne, et ne tolérant absolument pas la différence de l'autre. Même avec un fil conjectural aussi mince,le roman conserve un coté assez divertissant avec ses protagonistes affublés de noms ridicules mais hilarants (Rhuma, Dudéfunt,Barbec etc....) et quelques passages savoureux comme ce chapitre ou la maison du Docteur est protégée par une foule d'invalides en rogne, voulant protéger coûte que coûte leur « assurance vie » au moyen d'armes hétéroclites et peu orthodoxes : béquilles,cannes pieds a perfusion, fauteuil roulant...Tout voltige, plâtres, pansements et seringues, accompagné d'une salve de jurons bien pesée.
Dans le domaine de l'anticipation médicale, les sujets abordés comme je le disais précédemment, sont divers et variés, mais « Un étrange médecin »échappe à cette règle, plus conventionnel, naïf même mais tellement divertissant avec son ton bon enfant et sa problématique désormais universelle de « l'être différent ».
Il n'en reste pas moins une attaque assez virulente contre notre médecine traditionnelle, qui condamne les gens parce qu'elle refuse à croire au domaine de l'irrationnel, et refuse à admettre les limites de son savoir. Je garde sous le coude deux titres que je n'ai toujours pas lu : « Le Docteur Miracle » et « Le secret du fakir » de Pierre Sales, Fayard « Le livre populaire ». Plus de 550 pages d'une écriture bien serrée ou je découvrirai peut-être de nouvelles hypothèses médicales concernant la guérison des malades, bien que le titre du second volume ne laisse planer aucun doute. A très bientôt donc....
Pour quelques serments d'Hippocrate de plus.....
« Bibliographie sélective ou la gente médicale apporte sa contribution à l'effort de conjectures anciennes ».
La liste pourrait être longue, mais je me suis efforcé de ne répertorier que les ouvrages où la médecine et les gens qui se doivent de l'honorer ne l'utilisent principalement que pour apporter un semblant de réconfort ou de bien-être à l'humanité, ou du moins qui agiront en étant convaincu d'une si noble entreprise. Les dérives en ce domaine sont innombrables et feront l'objet probablement d'une rubrique à part
- « Le monde tel qu'il sera » de Souvestre. Edité par W.Coquebert. 1846
- « Le maître de la vie » de Jean Daurel. Bibliothèque indépendante. 1908.
- « La découverte du Dr Faldras » de O.De Traynel. Librairie Paul Ollendorff.1908
- « Elisabeth Faldras » de O.De Traynel. Librairie Paul Ollendorff.1909.
- « La médecine comique » de Taillefer. Paris « Les gémeaux ». 1922.
- « La poignante agonie, roman de mœurs médicales» de Paul Duplessis De Pouzilhac. Edité par Le Maitre Motane. 1925.
- « Contes étranges et aventures médicales » du Dr Georges Marsat. Editions de la Vicomté. 1926
- « Le Docteur Miracle » de Francis Croisset. Ernest Flammarion.1927.
- « Le triomphe de Lénine ( Anno diaboli 310,2227) » de Charles Rivet. Librairie académique Perrin. 1927.
- « Sésame ou la maternité consentie » de Michel Corday. E.Flammarion « Select-collection ». 1928.
- « Le sérum du Dr Chervoise » Tallandier « Le livre d'aventure » vers 1930
- « Tréponème » de Marc La Marche. Editions de la Jeune Académis.1931.
- « Les rayons du Docteur Volt » DE Henry Pellier et Marcel Mainfroy. Librairie Larousse « Les livres roses pour la jeunesse ».1931.
- « Le faiseur de vie » de Gabriel Trinquet. Le mercure universel. 1932.
- « Les fantaisies du Dr Mysti » de Ferdinand Duchêne. P&G Soubiron. Alger. 1934
- « La folle ambition du Dr Jarmoy » de Pierre D'Aquilla. Collection Bayard N° 183.1935.
- « L'expérience du Docteur Hortner » de Maurice Perot. Editions Ferenczi « Voyages et Aventures » N° 198.1937.
- « Les morticoles » de Léon Daudet. Editions Valére. Magnifiques illustrations de Lucien Boucher.1939.
- « Toubib sous l'orage » de Paul Duplessis De Pouzilhac. Editions R.Simon.1939
- « Les larmes noires » de Ant. K.Neidhart & Cie. 1945.
- « Laboratoire d'épouvante » de Pierre Desclaux. Editions « Le hublot » collection « Aventure et Police ». 1947
Je vous recommande égélement la lecture du chapitre de Jean-Jacques Bridenne dans son ouvrage « La littérature d'imagination sceintifique » (Editions Gustave Dassonville 1950) et intitulé « Le cas de la médecine littéraire». Tout comme le volumineux ouvrage de Jerome Gofette & Lauric Guillaud « L'imaginaire médical dans le fantastique et la science-fiction »(EDitions Bragelonne collection "Essais" 2011)
Comme d'habitude, toutes vos suggestions seront les bienvenues et je ne peux que vous encourager à venir grossir cette liste
Un petit florilège de couvertures "d'anticipations médicales"
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