« L’île Mystérieuse » de Guy Vander,Ou l’Art du Plagiat!
« L'île mystérieuse » de Guy Vander. Éditions Modernes collection « Les grandes aventures » N°70 (sd)
En piochant au hasard dans cette immense vivier des petits formats, je prends un petit fascicule dont la couverture attire mon regard. On dirait presque une scène tirée du roman de Lanos et Perrin « Un monde sur le monde » alors, les mains fébriles et l'esprit déjà en effervescence je me plonge avec délectation dans les mystères de cette île mystérieuse. Passé le premier paragraphe, il me vient comme une impression de déjà vu, et pour cause. Je vous laisse (re) découvrir le résumé :
Lors d'une traversée de l'océan indien, le « Fulton » vieux bateau à vapeur se trouve dans une terrible tempête. Chose curieuse, le navire semble aspiré vers une île, plus précisément vers un gouffre immense ou le vent pénètre avec un bruit apocalyptique. Pensant sa dernière heure venue, le héros constate avec stupéfaction que ce trou béant, n'est autre qu'une immense porte. Un fois franchie, le navire se retrouve dans un calme absolu.
Seul survivant avec le capitaine, notre homme va sans nul doute connaître l'aventure la plus incroyable de sa vie.
Cette île n'est autre qu'une sorte de république de savants qui, retirés là par dégoût d'une humanité trop ingrate, y vivent grâces aux moyens naturels apportés par l'environnement et le génie de ses habitants.
Tout y est domestiqué : les marées dont la force exercée sur d'immenses plaques métalliques actionnent d'innombrables machines à tisser.
Le vent qui,une fois emprisonné est mis sous pression,transformé en air comprimé et distribué dans chaque habitation .Ce système permettant l'alimentation des appareils domestiques.
Le volcan qui avec sa quantité énorme de lave en fusion, constituera la base d'une immense chaudière.
L'énergie provenant de l'atmosphère, avec ses récupérateurs de foudre, une énergie prodigieuse et illimitée. Le palmarès des inventions revenant au final à cet appareil capable de capter les « vibrations calorifiques de l'air » .Celui-ci, placé dans une assemblée de philosophe en grande discussion, permet l'alimentation de centaines de couveuses.
Dans cette véritable « république parfaite », pas de classe dominante : Savants et travailleurs manuels, même statut. La ville est construite selon un schéma identique, et le confort qui règne dans chaque habitation est de rigueur.
L'agriculture y est développée avec une attention toute particulière et la chaleur dégagée par l'activité volcanique de l'île permet d'alimenter de gigantesques serres où fruits et légumes y sont cultivés et le soleil nécessaire à leur développement est « fabriqué » artificiellement par une immense lentille qui capte la lumière de l'extérieur pour la restituer par la suite grâce à un habile système d'horlogerie activant la rotation de ce prisme gigantesque
Les rues, très espacées et peu encombrées servent au passage d'une multitude de véhicules électriques.
En somme un concentré de technologie au service d'une communauté heureuse et pacifiste.
Hélas, cette société idyllique sera comme il se doit, détruite par mère nature qui voulant reprendre ses droits, anéantira toute cette perfection lors d'une formidable éruption volcanique.
Le seul survivant de cette incroyable aventure sera une fois de plus le rescapé du naufrage devenant ainsi le narrateur de cette extraordinaire aventure.
Les aficionados ont probablement reconnu le résumé du roman d'Octave Béliard paru dans « Lecture pour tous » N° 12 de Septembre 1911 : « Les merveilles de l'île mystérieuse »
Mais ce qu'il y a de plus troublant dans l'histoire, c'est qu'il ne s'agit pas pour la circonstance d'un vulgaire plagiat mais d'une reprise pure et simple du texte intégral. Seule différence le premier paragraphe où l'auteur brode un peu sur les circonstances de la traversée du « Fulton » et d'un petit descriptif de la vie à bord. La réplique exacte commence au chapitre de Béliard intitulé « Singuliers effets d'un cyclone » et sera recopié dans son intégralité jusqu'à la fin de l'histoire. L'auteur ne s'est également pas foulé concernant le titre car il supprime la première partie pour n'en laisser que la seconde. La seule différence vient aussi de l'absence de chapitre dans la « version » de Guy Vander. Alors que conclure ?
J'ai effectué quelques petites recherches, pensant naïvement que Vander pouvait être un pseudonyme. Il est, certes mais pas de Béliard mais d'un écrivain du nom de Léon Chevignaud (1861-1930) qui écrivit sous différents noms d'emprunts des romans populaires dans différentes collection dont cette fameuse « Les grandes aventures ».
En consultant le passionnant site « À propos de littérature populaire » j'ai retrouvé quelques références que je vous invite à aller consulter. Il y est mentionné que l'auteur était passé maître
dans ce genre d'exercice puisqu'il « pirata » également un autre texte de la revue « Lecture pour tous », un texte de Nicol Leyra « Le fakir » paru dans
son N° 1 (Décembre 1899) et qu'il se réappropria dans la fameuse collection qui nous concerne sous le titre « Le secret du fakir »
Il fut une époque où les publications en revue était si nombreuses , qu'il était souvent difficile de repérer ainsi les fraudeurs qui, pour des raisons économique et de rythme de production,
n'hésitaient pas à piller l'inspiration de leurs illustres collègues. Combien de textes plagiés ou carrément recopiés au mot près, dorment ainsi dans l'anonymat des publications populaires.
Complément d'informations provenant de notre très estimé et spécialiste Guy Costes dont je vous reproduis ici le contenu de son courrier:
« En fait il y a deux Guy Vander. Je te cite un extrait de notre recherche à Joseph Altairac et moi :
1/ Le premier est :
Vander, Guy.Il nous apparaît comme une évidence que cet auteur populaire n'est pas celui (voir Vanderquand Guy, ci-après) dont nous
parlait jadis Yves Olivier-Martin, ce qui justifie une entrée différente.
La plupart des textes de cet écrivain semblent n'être que de pâles copies de nouvelles d'autres auteurs dont certains furent de grandes signatures.
Dont la fameuse « île mystérieuse » que tu a mis en avant (le plagiat dénoncé) mais il y en a bien d'autres.
2/ Le second est :
Vanderquand, Guy (dit Guy Vander, pseudonyme de Léopold-Léon Chavignaud, 1861-1916) tu écrits Chevignaud
Cet auteur au destin curieux souffrait d'un anti-sémitisme chronique qui gâche sérieusement certains de ces textes, mais la science-fiction de celui qui se fit naturaliser américain en 1884, semble
ne pas avoir eu à en souffrir. On a pu lire qu'il fut interprète dans les armées du colonel Cody. Il ré-obtint la nationalité française en 1893.
Dans un style très intimiste, « Au pays du mystère » (1904) conte, sous le pseudonyme de Vanderquand, les efforts scientifiques du Docteur James Smalson et du savant Hamelin etc... etc...
Ce n'est donc pas celui des fascicules des Editions modernes... »
Un grand merci pour ces informations que j'avais omis de reproduire et qui éclairent cet article sous un jour nouveau
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